publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Diabéto-Cardio

Publié le 25 juin 2019Lecture 8 min

L’inflammation : facteur de risque cardiovasculaire - 1re partie : Les bases sont-elles solides ?

Louis MONNIER, Claude COLETTE, Institut universitaire de recherche clinique, Université de Montpellier

Les maladies cardiovasculaires sont aujourd’hui la première cause de morbidité et de mortalité dans les pays dits développés et elles sont en train de le devenir dans les pays en voie de développement. Heureusement, nous disposons aujourd’hui de traitements plus efficaces dont le rationnel est basé sur une meilleure connaissance des facteurs de l’athérosclérose.

Rappel sur la constitution progressive des plaques d’athérome C’est dans la deuxième moitié du XXe siècle que les auteurs des études épidémiologiques comme celle de Framingham(1) et du MRFIT (Multiple Risk Factor Interventional Trial)(2) proposèrent la théorie « lipidique » de l’athérosclérose. Elle fut confirmée ultérieurement, d’une part, par les remarquables travaux fondamentaux de Brown et Goldstein(3) qui reçurent le prix Nobel pour la découverte des récepteurs aux particules de LDL (Low Density Lipoporoteins) et, d’autre part, par les études d’intervention thérapeutique avec des hypolipidémiants. Ces dernières furent réalisées au départ avec des fibrates (Helsinki Heart Study)(4) ou avec de la cholestyramine (Lipid Research Clinics Program)(5) puis complétées par des essais interventionnels avec des statines lorsque cette classe thérapeutique devint disponible. Les deux premières et les plus marquantes furent certainement les études 4S (Scandinavian Simvastatin Survival Study)(6) et WOSCOP (West of Scotland Coronary Prevention Study)(7). En dépit de son rôle majeur, la théorie lipidique est loin de couvrir à elle seule la pathogénie de l’athérosclérose. D’autres facteurs ont été mis en cause ouvrant la porte à d’autres théories dites : mécanique, oxydative, endothéliale, cellulaire et pour finir inflammatoire (figure 1). Ces facteurs sont intriqués les uns aux autres en jouant un rôle direct (rayons d’une roue) ou indirect (maillons d’une chaîne) et en agissant souvent de manière synergique. Cette intrication est retrouvée au niveau des lésions de la plaque d’athérome, qui est constituée d’un mélange de dépôts lipidiques, d’altérations de l’endothélium de surface, de phénomènes inflammatoires et d’une réaction fibreuse en réponse aux différentes altérations de la paroi vasculaire. Ces lésions évoluent de manière progressive et séquentielle (figure 2). La première altération est la « strie lipidique » qui se situe dans l’intima de la paroi artérielle entre le tapis endothélial et la limitante élastique interne qui sépare normalement l’intima et la média artérielle, laquelle est constituée de cellules musculaires lisses. Cette strie lipidique est formée de cellules « spumeuses » chargées de lipides (esters du cholestérol en partie oxydés) lesquels sont captés par des monocytes circulants qui ont traversé un endothélium vasculaire plus ou moins altéré sous l’influence de divers phénomènes. Ces derniers sont soit mécaniques (hypertension artérielle qui exerce des contraintes sur le versant endothélial des artères), soit biochimiques (aggravation des lésions endothéliales par libération de cytokines à partir de cellules spumeuses qui ont subi un phénomène de nécrose). À partir de ce stade, les lésions peuvent évoluer avec des altérations de plus en plus marquées où dominent les phénomènes de surcharge, de nécrose avec une réaction inflammatoire et fibreuse pour constituer une plaque d’athérome qui réduit la lumière de l’artère(8). Le dépôt de lipides qui prend naissance dans l’intima de l’artère ne cesse d’augmenter avec des phénomènes de nécrose plus ou moins étendue. Ce dépôt lipidique, qui se comporte comme un corps étranger, est le siège d’une réaction cellulaire avec invasion par des macrophages, des cellules inflammatoires, des cellules musculaires lisses venues de la média, et avec la constitution d’une chape fibreuse plus ou moins stable qui recouvre le dépôt lipidique. Quand elle devient instable, elle peut se rompre conduisant à une thrombose avec oblitération totale de la lumière artérielle. Le cisaillement survient souvent dans les zones les plus fragiles, c’est-à-dire à l’endroit où la plaque d’athérome rejoint la zone saine de la paroi artérielle (figure 2). Figure 1. Les différentes « théories » de l’athérosclérose : rayons d’une roue ou maillons d’une chaîne. La théorie lipidique repose sur le rôle du LDL-cholestérol et de ses transformations biochimiques : production de LDL oxydées. La théorie mécanique repose sur les contraintes liées à l’augmentation de la pression artérielle. La théorie endothéliale repose sur les altérations des cellules endothéliales par divers facteurs. Les théories cellulaire et inflammatoire sont intimement liées. Elles reposent sur la colonisation des dépôts lipidiques artériels par des monocytes, des macrophages, des cellules musculaires et des fibroblastes. Figure 2. Structures biologiques comparées d’une artère normale et d’une artère qui est le siège d’une plaque d’athérome. La jonction entre la plaque d’athérome et la paroi artérielle normale est une zone instable qui peut être le siège d’une rupture par cisaillement, conduisant à un accident thrombotique aigu. En considérant toutes ces observations de manière globale, il apparaît que l’athérosclérose est une maladie multifactorielle. Même si les recommandations anciennes et actuelles sont en grande partie fondées sur les traitements hypocholestérolémiants(9), avec un message clé « the lower, the earlier, the better », il est nécessaire de se poser les questions suivantes : – l’hypothèse inflammatoire de l’athérosclérose repose-t-elle sur des bases solides ? – est-il possible de réduire le risque cardiovasculaire en agissant sur l’inflammation indépendamment de toute action sur les lipides circulants ? La réponse à la première question est développée dans la première partie de cet article. La réponse à la deuxième question sera analysée dans un article à venir (2e partie). Les bases de la théorie inflammatoire sont-elles solides ? Les observations épidémiologiques et les suivis de cohortes Dans les lignes qui précèdent, nous avons décrit les phénomènes inflammatoires comme une conséquence des dépôts lipidiques, mais une autre hypothèse a été soulevée à la fin des années 1990 par plusieurs auteurs sur la base de la présence d’états inflammatoires même s’ils sont de faible intensité (« low grade inflammatory states ») chez des sujets ayant des lésions d’athérosclérose en l’absence de toute dyslipidémie(10). C’est ainsi que des études cas-témoins ont montré qu’une augmentation du taux plasmatique de la protéine C réactive (CRP pour C-reactive protein) est associée à un risque accru d’infarctus du myocarde, d’accidents vasculaires cérébraux et de mort subite par accident vasculaire aigu(11). Dans une étude publiée en 2002, Ridker a démontré dans une cohorte de 27 939 Américaines en bonne santé apparente que l’augmentation de la protéine C réactive est un marqueur de risque d’accident vasculaire plus fiable que le LDL-cholestérol après un suivi moyen de 8 ans(12). En fait, la probabilité de survenue d’un événement cardiovasculaire est à son niveau le plus bas pour les personnes qui ont à la fois un taux faible de CRP et de LDL. La probabilité augmente ensuite selon l’échelle suivante : la probabilité est intermédiaire pour les sujets ayant soit une CRP faible et un taux de LDL fort, soit un taux de CRP fort et un taux de LDL faible. La probabilité d’événement cardiovasculaire est à son maximum chez les personnes ayant à la fois des taux forts de CRP et de LDL. Ces observations montraient que la présence d’une hypercholestérolémie et d’un syndrome inflammatoire se potentialise avec un effet délétère à peu près égal à la somme des deux anomalies biologiques quand elles sont présentes de manière concomitante. Après avoir constaté que les statines réduisaient le syndrome inflammatoire, les investigateurs furent incités à vérifier que les personnes qui voyaient leur CRP baisser sous traitement par statines étaient également moins exposées aux accidents cardiovasculaires que celles qui gardaient un taux élevé de CRP. La réponse fut fournie par Ridker dans une étude publiée en 2005(13). Cet auteur démontra, d’une part, qu’un traitement par statines administré à des patients ayant souffert d’un syndrome coronarien aigu réduisait globalement les taux plasmatiques de CRP et, d’autre part, que le pronostic cardiovasculaire jugé sur la récidive d’un infarctus du myocarde ou la survenue d’un accident cardiovasculaire mortel était meilleur chez ceux dont les concentrations en CRP étaient inférieures à 2 mg/l. Les résultats les plus significatifs étaient obtenus chez ceux qui avaient une double normalisation avec un LDL-cholestérol < 70 mg/dl et une CRP < 2 mg/dl (figure 3). En revanche, dans cette étude la baisse du taux de LDL-cholestérol n’était que faiblement corrélée à celle de la CRP avec à peine 3 % de la diminution de la CRP qui était expliquée par celle du LDL-cholestérol(13). Envisagées de manière globale, toutes ces données semblent indiquer qu’une inflammation, même lorsqu’elle reste de « faible grade », est un facteur d’athérosclérose. Elles suggèrent même que le rôle de l’inflammation pourrait être aussi important que celui des désordres lipidiques. Toutefois, il convient de souligner que les études épidémiologiques et de suivi de cohorte, bien qu’elles aient porté sur des populations avoisinant les 30 000 personnes, ne jouent qu’un rôle d’alerte, car elles ne permettent pas d’atteindre le niveau de preuve que seules les études d’intervention sont capables de fournir. L’intervention avec les statines(13) ne donne qu’une preuve partielle et indirecte dans la mesure où cette classe de médicament agit à la fois sur le LDL-cholestérol et sur la CRP. Seule une étude interventionnelle avec une médication ayant un effet anti-inflammatoire spécifique et dépourvu de tout effet hypocholestérolémiant peut répondre à la deuxième question que nous avons soulevée au terme du paragraphe introductif. C’est dans ce contexte que l’étude publiée par Ridker en 2017 dans le New England Journal of Medicine(14) au nom du groupe CANTOS (Canakinumab Antiinflammatory Thrombosis Outcome Study Trial Group) revêt une importance certaine. Cette publication sera analysée dans la 2e partie de cet article et commentée à la lumière des publications récentes parues dans le New England Journal of Medicine et le Lancet. Ces dernières concernent l’administration d’aspirine pour prévenir le risque cardiovasculaire. Figure 3. Incidence cumulée des infarctus du myocarde récurrents ou des décès de cause coronarienne selon qu’un traitement par statine (atorvastatine ou pravastatine) a permis d’obtenir ou non des taux normaux de LDL-cholestérol (< 70 mg/dl) ou de protéine C réactive (CRP < 2 mg/l) chez des sujets ayant présenté un syndrome coronarien aigu (d’après la référence(13)). "Publié dans Diabétologie Pratique"

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 10 sur 49
publicité
publicité