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Coronaires

Publié le 15 mai 2019Lecture 5 min

Le nonagénaire est-il un coronarien comme les autres ?

Guillaume CAYLA, service de cardiologie, CHU de Nîmes

L’augmentation de l’espérance de vie et la prise en charge plus active des sujets âgés ont contribué à l’augmentation de l’âge moyen des patients hospitalisés dans les services de cardiologie. Les sujets de plus de 75 ans représentent jusqu’à 30 % des patients hospitalisés dans les unités de soins intensifs. Les patients très âgés (plus de 90 ans) sont très fréquemment pris en charge dans nos services de cardiologie, alors qu’il y a une vingtaine d’années cela restait assez exceptionnel.

Les traitements antithrombotiques sont particulièrement difficiles à manier chez les patients très âgés qui sont à très haut risque de complications. Un risque ischémique élevé (infarctus, accident vasculaire, décès cardiovasculaire), et parallèlement, un risque de complications hémorragiques élevé sous traitement antithrombotique. Plusieurs mécanismes contribuent à entraîner une variation pharmacocinétique des médicaments antithrombotiques chez le sujet âgé. Une réduction du poids avec augmentation relative de la masse grasse, une réduction de l’absorption digestive, une réduction du débit de filtration glomérulaire, et finalement, la polymédication qui est très fréquente à cet âge. L’âge est un facteur de risque hémorragique majeur, il est d’ailleurs pris en compte dans le score PRECISE DAPT qui permet d’évaluer le risque hémorragique des patients bénéficiant d’une angioplastie coronaire et traités par bithérapie antiplaquettaire. Le score PRECISE DAPT est basé sur 1) valeur de l’hémoglobine ; 2) âge ; 3) taux de globules blancs ; 4) clairance de la créatinine ; 5) histoire de saignement (figure 1). Figure 1. Durée et type d’antiplaquettaires proposés par l’ESC après angioplastie dans un contexte stable en fonction du risque hémorragique. Angioplastie élective et maladie coronaire stable Même si l’indication d’angioplastie dans un contexte stable reste plus rare après 90 ans, cette situation clinique reste possible essentiellement pour des angors invalidants et survenant pour des efforts très modérés. Après angioplastie coronaire, la durée recommandée de la bithérapie antiplaquettaire dans la population générale est de 6 mois dans la maladie coronaire stable. Pour les patients dits à haut risque hémorragique (HBR ou High Bleeding Risk), cette durée de traitement peut être ramenée à 3 mois, et même 1 mois dans certains cas. Les facteurs qui permettent d’individualiser les patients à risque hémorragique élevé ont été globalement identifiés, ils sont listés dans le tableau 1. Trois études randomisées (LEADER FREE(1), ZEUS(2) et SENIOR(3)) ont comparé dans une population à haut risque hémorragique les stents actifs aux stents nus en utilisant 1 mois de bithérapie aspirine clopidogrel. Ces trois études confirment que les stents actifs restent supérieurs aux stents nus sur des critères composites d’événements ischémiques avec une supériorité nette sur les critères de revascularisation. Syndrome coronarien aigu La prise en charge actuelle du syndrome coronarien aigu du nonagénaire se rapproche de plus en plus de la prise en charge des patients plus jeunes avec un taux élevé de stratégies invasives et de reperfusion. Dans le syndrome coronarien aigu, les inhibiteurs puissants du récepteur P2Y12 sont à privilégier en première intention dans la population générale. Chez les sujets très âgés qui sont à haut risque hémorragique, le prasugrel à 10 mg n’est pas recommandé au-delà de 75 ans en raison de son rapport bénéfice-risque défavorable. Pour le ticagrelor, ce traitement est théoriquement possible chez le sujet très âgé, mais l’évaluation du risque ischémique et hémorragique doit être impérativement réalisée. L’ajustement de l’intensité du traitement antiplaquettaire basé sur un test de fonction plaquettaire semblait particulièrement intéressant chez le sujet âgé à haut risque ischémique ou hémorragique. Cette stratégie a été testée dans l’essai ANTARCTIC(4) dans le contexte de syndrome coronarien chez le sujet âgé de plus de 75 ans traité avec 5 mg de prasugrel. La stratégie de monitoring testant l’efficacité du traitement antiplaquettaire avec ajustement de la dose (augmentation ou baisse) n’a pas permis de réduire le critère principal composite ischémique et hémorragique. Le monitoring de la fonction plaquettaire n’a donc pas de place chez le sujet âgé. La durée de la bithérapie antiplaquettaire doit être parfois ajustée chez le sujet très âgé. La durée classique de 12 mois peut être ramenée à 6 mois chez les patients à haut risque hémorragique ou en cas de mauvaise tolérance hémorragique du traitement antithrombotique. Une autre stratégie possible est celle de la désescalade thérapeutique. Cette nouvelle option a été testée dans l’étude randomisée TOPIC(5) portant sur 646 patients après angioplastie du syndrome coronarien aigu. Une bithérapie par aspirine et inhibiteur intense du récepteur P2Y12 (prasugrel ou ticagrelor) est proposée pendant 1 mois puis passage à une inhibition moins intense (aspirine clopidogrel) pendant 11 mois. Cette nouvelle stratégie était comparée à une bithérapie classique aspirine et inhibiteur intense pendant 12 mois. Une réduction des événements hémorragiques était observée sans prix à payer sur les événements ischémiques avec la limite d’une étude qui n’était pas suffisamment puissante pour répondre à la question des événements ischémiques. Les patients sous anticoagulant oral Les patients traités par anticoagulant au long cours représentent 20 à 30 % des sujets âgés, la raison principale de ce traitement reste la fibrillation atriale. La triple association anticoagulant et bithérapie antiplaquettaire répond au double objectif de protéger d’une part le risque de thrombose de stent, et d’autre part les complications thromboemboliques de la fibrillation atriale. Il est bien établi à partir d’études observationnelles que la triple thérapie s’accompagne d’une majoration du risque hémorragique en comparaison à une double thérapie sans avantage évident sur le plan de la réduction des complications thrombotiques. La métanalyse des 4 études randomisées(6) portant sur 5 317 patients (WOEST(7) - ISAR TRIPLE(8) – PIONEER(9) – REDUAL(10)) ayant testé une double association (anticoagulant + clopidogrel) versus une triple association (anticoagulant + clopidogrel + aspirine) confirme qu’une importante réduction (i.e. 50 %) des complications hémorragiques (TIMI mineur et majeur) et des hémorragies intracrâniennes est observée avec la double association versus la triple association sans sur-risque ischémique avec la limite d’une population sélectionnée et de la taille des études qui ne permet pas de porter de conclusion définitive. L’étude AUGUSTUS avec l’apixaban vient d’être rapportée à l’ACC et nous reviendrons ultérieurement sur les résultats et leur interprétation. Figure 2. Score PRECISE DAPT - precisedaptscore.com. En pratique La prise en charge du patient nonagénaire reste difficile en raison du risque hémorragique de ce dernier. La prise en charge du syndrome coronarien aigu tend à se rapprocher de la prise en charge des patients plus jeunes. Sur le plan des traitements antithrombotiques, une réduction de l’intensité et de la durée du traitement antiplaquettaire est souvent nécessaire.

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