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Congrès et symposiums

Publié le 15 oct 2019Lecture 4 min

Diabétique coronarien stable : qui bénéficie le plus de la bithérapie antiplaquettaire ?

Michèle DEKER, Paris

Le diabète multiplie par 2 le risque de maladie vasculaire. Il s’accompagne d’un surcroît de mortalité par cardiopathie ischémique et augmente le risque d’AVC. Le désordre glycémique ne suffit pas à expliquer le surcroît de morbi-mortalité chez les patients diabétiques, qui est pour partie lié aux facteurs de risque associés (dyslipidémie, hypertension, tabagisme, âge). Toutefois, les désordres associés au syndrome métabolique favorisent un état d’hypercoagulabilité. L’un des mécanismes majeurs des événements thrombotiques chez les patients diabétiques est l’hyperréactivité plaquettaire. Cibler la réactivité plaquettaire dans le diabète pourrait donc diminuer l’excès de risque cardiovasculaire, ce d’autant plus que le contrôle strict de la glycémie n’a pas montré de réduction significative des événements cardiovasculaires majeurs à long terme.

Quel traitement antiplaquettaire chez les patients diabétiques ? En prévention primaire, l’aspirine diminue le risque d’événements ischémiques, mais au prix d’une augmentation des événements hémorragiques (respectivement -12 % et +29 % dans l’étude ASCEND chez plus de 15 000 patients diabétiques sans antécédent cardiovasculaire). Les métaanalyses des études ayant évalué l’aspirine en prévention primaire chez le diabétique ne montrent pas de réduction significative du risque athérothrombotique. L’accélération du turn-over plaquettaire chez le patient diabétique est invoquée pour expliquer ce résultat décevant, mais la preuve qu’une administration biquotidienne de l’aspirine soit plus efficace reste à apporter. Le clopidogrel seul ou associé à l’aspirine a démontré sa supériorité en prévention secondaire cardiovasculaire chez les patients diabétiques et coronariens, dans les études CAPRIE et CURE. La bithérapie aspirine + clopidogrel est aussi efficace chez le diabétique et le non-diabétique dans CHARISMA. Une autre bithérapie associant le ticagrelor à l’aspirine a fait la preuve de sa supériorité. L’étude RESPOND a montré que le ticagrelor est efficace chez les nonrépondeurs au clopidogrel, l’efficacité étant comparable chez les répondeurs et les non-répondeurs : l’inhibition plaquettaire est plus rapide et plus prononcée, la réactivité plaquettaire est diminuée. La supériorité du ticagrelor sur le clopidogrel a été cliniquement démontrée après un événement coronaire aigu dans les essais PLATO et PEGASUSTIMI 54, dans l’ensemble des populations étudiées et dans le sous-groupe des diabétiques. THEMIS : ticagrelor + aspirine chez les diabétiques coronariens stables Les patients diabétiques ayant une maladie coronaire stable, sans antécédents d’infarctus myocardique ou d’AVC, peuvent-ils bénéficier de la bithérapie ticagrelor + aspirine ? Tel était la question posée par l’étude THEMIS présentée lors du congrès de l’ESC 2019. THEMIS a inclus des patients diabétiques de type 2 sous traitement antidiabétique depuis au moins 6 mois et ayant une coronaropathie stable (antécédent de revascularisation coronaire ou sténose angiographique ≥ 50 % d’au moins 1 artère coronaire). Plus de 19 000 patients ont été randomisés pour recevoir soit du ticagrelor (90 mg x 2/j, dose abaissée à 60 mg x 2/j suite aux résultats de tolérance dans l’étude PEGASUS), soit un placebo, en plus de l’aspirine. La durée médiane de l’étude est supérieure à 3 ans. Il s’agit d’une population de patients diabétiques typique (environ 60 ans, > 10 ans d’ancienneté du diabète, HbA1c 7,1 % en moyenne), bien traités pour les facteurs de risque associés. Environ 9 % des patients avaient eu une angioplastie simple, sans stent, environ 90 % avaient reçu au moins 1 stent, 61 % avaient eu un traitement antiplaquettaire prolongé ; l’entrée dans l’étude par rapport à l’angioplastie était variable (3,3 ans en durée médiane). Sur le critère principal d’efficacité (mortalité cardiovasculaire, infarctus du myocarde ou AVC), le ticagrelor a réduit de 10 % (IC : 0,81-0,99, p = 0,038) le risque versus placebo (6,9 % vs 7,8 %). Le résultat sur ce critère est tiré par la baisse des IDM et des AVC mais il n’a pas été observé de réduction de la mortalité cardiovasculaire. Les résultats de tolérance montrent un excès d’hémorragies majeures (TIMI), y compris intracrâniennes (principalement d’origine traumatique), sans différence d’incidence des hémorragies fatales, outre une augmentation des effets indésirables connus, dyspnée et goutte. Au total, la bithérapie ticagrelor + aspirine apparaît plus efficace que l’aspirine seule chez les patients diabétiques coronariens stables sur les événements ischémiques mais le bénéfice est obéré par un excès d’événements hémorragiques. THEMIS-PCI : un bénéfice net en hausse Une analyse préspécifiée d’un sous-groupe de patients revascularisés par angioplastie de l’étude THEMIS a été réalisée. Ces patients avaient été préalablement exposés à une bithérapie antiplaquettaire, ce qui pouvait augurer d’une meilleure tolérance, d’où la possibilité d’un meilleur bénéfice/risque. THEMIS-PCI inclut 58 % des patients de l’étude principale, soit plus de 5 500 dans les groupes ticagrelor ou placebo (60 % avec stent à élution, 31 % avec stent nu et 7-8 % sans stent). Dans cette analyse, le ticagrelor diminue de 15 % le critère composite majeur (HR 0,85 ; IC : 0,74-0,97, p = 0,013), soit un résultat supérieur à celui des patients non revascularisés par angioplastie (HR 0,98 ; IC : 0,84-1,14). En revanche, il n’est pas observé de bénéfice sur la mortalité cardiaque ou toutes causes. Au final, le bénéfice net du ticagrelor sur le critère mortalité toutes causes, IDM, AVC, hémorragie fatale ou hémorragie intracrânienne est significatif dans le sous-groupe des patients revascularisés par angioplastie (HR 0,85 ; IC : 0,75-0,95, p = 0,05 vs placebo) comparativement aux patients n’ayant pas eu d’angioplastie (HR 1,06 vs placebo). En outre, une analyse effectuée dans le groupe de patients traités par ticagrelor en fonction du délai entre la revascularisation et l’inclusion dans l’étude montre que le bénéfice du ticagrelor persiste au moins 6 ans si ce n’est 10 ans. Cela suggère que le traitement à long terme par ticagrelor en plus de l’aspirine pourrait constituer une nouvelle option chez certains patients diabétiques déjà revascularisés par angioplastie, ayant bien toléré le traitement antiplaquettaire, et ayant un haut risque ischémique et un bas risque hémorragique. Le bénéfice/risque du traitement doit être régulièrement réévalué, sachant que l’avancée en âge augmente le risque hémorragique. D’après un symposium satellite avec le soutien d’AstraZeneca et la participation de M. Bonaca, K.K. Ray, H. Darius et P. Steg

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