Publié le 01 nov 2019Lecture 4 min
Remplacement valvulaire aortique percutané : les questions en suspens
Romain DIDIER, Jacques BOSCHAT, Martine GILARD*, département de cardiologie, CHRU La Cavale Blanche, Brest
Depuis le 16 avril 2002 et l’implantation de la première valve percutanée (TAVI) par le professeur Alain Cribier à Rouen, 500 000 patients ont déjà bénéficié de cette technique dans le monde. Actuellement dans le registre France-TAVI ouvert depuis 2013, plus de 38 000 patients ont été traités par cette technique.
Initialement réservées pour les sujets inopérables puis à très haut risque chirurgical, les indications du TAVI peuvent se discuter aux sujets à risque opératoire intermédiaire et les résultats des deux études randomisées (PARTNER III et EVOLUT Low Risk), comparant le TAVI et le remplacement valvulaire aortique chirurgical chez les patients à bas risque, amènent à repenser de nouveau la place du TAVI dans le traitement du rétrécissement aortique serré symptomatique. Compte tenu de ces données, la question entourant la durabilité des valves va être posée pendant des décennies du fait des préoccupations similaires que nous avons connu dans les années 1980 lorsque les bioprothèses chirurgicales sont venues sur le marché.
Vers un élargissement des indications
Les recommandations américaines et européennes recommandent toutes deux le remplacement de la valve aortique par voie percutanée (TAVI) pour les patients inopérables ou à haut risque chirurgical, ainsi que pour les patients à risque intermédiaire.
SURTAVI
Cette étude évalue le suivi clinique de 1 660 patients qui bénéficient soit d’un TAVI avec une prothèse autoexpendable (CoreValve Medtronic) (n = 864) soit d’un remplacement chirurgical (n = 796). L’âge moyen est de 79,6 ± 6,2 ans et tous ont un risque intermédiaire avec un STS à 4,5 ± 1,6 % ; le critère primaire de jugement à 24 mois est composite (décès toutes causes ou ACV handicapant) et atteint 12,6 % dans le groupe TAVI et 14 % dans le groupe chirurgical. Le TAVI se présente donc comme une alternative non inférieure au remplacement valvulaire chirurgical avec cependant des différences en termes d’événements associés. La chirurgie s’accompagne de plus d’insuffisance rénale aiguë, de fibrillation atriale et de plus de nécessité de transfusions. Le TAVI obtient des gradients résiduels plus faibles ainsi que des surfaces de valves plus grandes que la chirurgie. Aucune détérioration des valves n’est observée dans les 2 groupes(1).
PARTNER 2
L’étude PARTNER 2 évalue un critère primaire de jugement identique à 2 ans chez patients 2 032 randomisés par TAVI pour 1 001 patients (81,5 ans) et chirurgie pour 1 021 patients (81,7 ans). La valve utilisée est une valve expendable par ballon SAPIEN XT (Edwards Lifesciences). Le score de risque STS est de 5,8 % dans les deux groupes. Le critère primaire est observé à 19,3 % dans le groupe TAVI et 21,1 % dans le groupe chirurgical. Ici encore il y a moins d’insuffisance rénale, de fibrillation atriale et de transfusions dans le groupe TAVI et moins de complications vasculaires et de régurgitations valvulaires dans le groupe chirurgical(2). Le rétrécissement aortique est une maladie du sujet âgée avec une moyenne d’âge de 83 ans. Il semble qu’actuellement la tendance est à favoriser le TAVI chez ces personnes âgées actives, à vie sociale accomplie et demandeuse de poursuivre leurs activités. Dans ces patients à risque intermédiaire, les données ne concernent donc finalement que des patients avec des suivis qui demeurent relativement courts, et il n’est pas certain que le TAVI soit non inférieur à la chirurgie dans une population plus jeune.
Qu’en est-il des patients à bas risque chirurgical qui constituent actuellement 80 % des patients opérés ?
PARTNER 3 (1 000 patients) a testé la valve déployée par ballon (Sapien 3) et Evolut Low Risk (468 patients) la valve autoexpendable (CoreValve) avec randomisation TAVI versus chirurgie. Les patients inclus étaient à bas risque chirurgical (EuroSCORE II 1,5 et STS 1,9) et plus jeunes (73 ans). Le critère primaire de jugement associait mortalité globale et AVC avec en plus les réhospitalisations pour PARTNER.
Les 2 études ciblant la non-infériorité sont positives. PARTNER 3 atteint également la supériorité du TAVI sur la chirurgie. Le critère primaire à 1 an est en faveur du TAVI avec dans PARTNER, 8,5 vs 15,1 % et dans Evolut Low Risk 2,9 vs 4,6 %(3-4).
Le TAVI peut donc devenir le traitement de référence du patient symptomatique avec rétrécissement aortique serré, au même titre que la chirurgie, avec une décision finale prise en réunion médico-chirurgicale.
Durabilité des valves
La détérioration d’une valve aortique percutanée (DVA) est susceptible d’être un processus à évolution lente. On peut penser que les valves aortiques percutanées peuvent dégénérer d’une manière similaire aux bioprothèses chirurgicales, mais il est suggéré que la durabilité peut être plus courte en raison du traumatisme possible qui peut survenir lors de la préparation et de la compression de la valve initiale.
Les données des registres nationaux confirment de faibles taux de dégénérescences des valves percutanées. Dans le registre France-2, le taux de DVA sévère est de 2,5 % et modérée/sévère est de 13,3 % à 5 ans(5). Blackman et coll. ont signalé une incidence de DVA grave et modérée de 0,4 % et 8,7 % respectivement à 10 ans dans le registre TAVI britannique(6). Enfin, une analyse récente de l’étude danoise NOTION fait état de taux plus faible de DVA modérée à sévère à 6 ans après TAVI par rapport à la chirurgie (4,8 % contre 24 % respectivement), alors qu’il n’y avait pas de différence en termes de défaillance de la bioprothèse (6,7 % contre 7,5 % pour TAVI et SAVR respectivement)(7).
Une étude multicentrique française de 1 403 TAVI implantés entre avril 2002 et décembre 2011 et utilisant les nouvelles définitions européennes(8) fait état d’une incidence cumulée de 1,9 % de défaillance de la bioprothèse à 7 ans. La dysfonction valvulaire modérée ou sévère est observée avec une incidence cumulée de 7 % et 4,2 % respectivement. Il est à noter que le taux de survie est de 83,5 % à 1 an et 18,6 % à 7 ans(9).
En pratique
L’évolution des indications vers des patients plus jeunes ou à bas risque et les données récentes sur la durabilité des valves justifie pleinement de poursuivre d’autres études.
Ce d’autant plus qu’une métaanalyse récente comparant le TAVI à la chirurgie indique que le TAVI est associé avec une réduction de la mortalité et des AVC à 2 ans non seulement chez les patients à haut, mais aussi à risque intermédiaire ou à bas risque(10).
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