Publié le 17 mar 2020Lecture 2 min
Anomalies de la tolérance au glucose chez les patients coronariens : le dépistage reste très insuffisant, la prise en charge aussi
Patrice DARMON, service d’endocrinologie, maladies métaboliques et nutrition, Hôpital de la Conception, Marseille
Les troubles de la tolérance au glucose – intolérance au glucose (ITG), hyperglycémie modérée à jeun (IFG), diabète – doivent être soigneusement dépistés chez les patients coronariens car ils sont extrêmement fréquents et ils sont associés à une majoration de la morbi-mortalité cardiovasculaire.
L’étude multicentrique européenne EUROASPIRE V permet d’actualiser les données épidémiologiques sur le sujet sur la période 2016-2017. Elle porte sur 8 261 patients coronariens âgés de 18 à 80 ans issus de 131 centres dans 27 pays. Parmi eux, 2 452 (29,7 %) avaient un diabète connu et/ou traité ; sur les 5 809 sujets restants, 4 440 ont bénéficié d’un dosage d’HbA1c et d’une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) sur 2 heures avec 75 g de glucose. Ces tests ont permis d’identifier une dysglycémie – définie ici par un diabète ou une ITG, ce qui excluait donc curieusement l’IFG – chez 1 824 patients (41,1 %), soit 729 présentant un diabète et 1 085 une ITG. Parmi les 2 616 sujets (58,9 %) ne présentant ni diabète ni ITG, 592 avaient une IFG et 2 024 étaient indemnes de trouble de la tolérance au glucose. Parmi les 729 sujets nouvellement diagnostiqués comme diabétiques, 58,5 % étaient identifiés comme tels sur la glycémie à jeun, 52,5 % par la glycémie post-charge et 19,2 % par l’HbA1c et seuls 6,3 % étaient diabétiques selon les trois méthodes ; 30 % de ces sujets (n = 238) n’auraient pas été identifiés comme diabétiques sans l’HGPO. Au final, si l’on rapporte ces résultats au nombre de patients connus comme diabétiques plus ceux ayant été testés, la prévalence du diabète au sein de cette cohorte de sujets coronariens est de 46,2 %, celle de l’ITG de 15,9 % et celle de l’IFG de 8,6 % ; seuls 29,2 % des patients évalués ne présentent aucun trouble de la tolérance au glucose. Une combinaison de traitements à visée cardio-protectrice associant un antiagrégant plaquettaire, un bêtabloquant, un bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone et un hypolipémiant était prescrite chez 49 % des patients indemnes de troubles de la tolérance au glucose, 52,9 % de ceux avec une dysglycémie nouvellement diagnostiquée et 57,8 % de ceux ayant un diabète connu. Le taux de LDL-cholestérol était inférieur à 70 mg/dl chez 25 % des patients indemnes de troubles de la tolérance au glucose, 26 % de ceux avec une dysglycémie nouvellement diagnostiquée et 37 % de ceux ayant un diabète connu. Parmi ces derniers, 45 % avaient une HbA1c supérieure à 7 % et 75 % recevaient un anti-hyperglycémiant, avec un recours extrêmement faible aux classes ayant démontré un effet cardio-protecteur (environ 1 % sous agonistes des récepteurs du GLP-1 et 1 % sous inhibiteurs de SGLT2).
Au final, dans cette étude européenne multicentrique, plus de deux patients coronariens sur trois présentent un trouble de la tolérance au glucose et moins de la moitié d’entre eux sont identifiés comme tels. Il est indispensable d’intensifier le dépistage de ces anomalies (y compris avec une HGPO), comme cela est préconisé par toutes les recommandations internationales, mais aussi de renforcer la prise en charge médicamenteuse et non médicamenteuse de ces patients à très haut risque cardiovasculaire, qui apparaît, au moins pour la période 2016-2017, encore très insuffisante.
Publié par Diabétologie Pratique
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