Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 15 mar 2020Lecture 4 min
Implantation de sondes de stimulation cardiaque via une veine cave supérieure gauche persistante
Sonia SALMI-BELMIHOUB, Philippe CHEVALIER, service de rythmologie, Hôpital cardiologique Louis Pradel, Lyon
La persistance d’une veine cave supérieure gauche (VCSG) est une anomalie congénitale rare du système veineux thoracique. Sa prévalence est estimée à 0,3 à 0,5 % de la population. Elle augmente (12 %) en cas de cardiopathie congénitale, telle que communication interventriculaire (CIV), tétralogie de Fallot, communication interatriale (CIA) et bicuspidie aortique. Le mode de découverte d’une persistance de VCSG est le plus souvent fortuit lors d’une procédure de cathétérisme veineux jugulaire ou sous-clavier, mais aussi lors de l’implantation d’un stimulateur cardiaque ou d’un défibrillateur. Elle complique alors le geste opératoire avec des difficultés liées notamment au positionnement des sondes.
Nous rapportons le cas d’une patiente de 77 ans avec veine cave supérieure gauche et implantation d’un pacemaker double chambre. Cette observation est associée à une revue de la littérature.
Cas clinique
Madame E.K. née le 1er janvier 1941 est hospitalisée pour pertes de connaissance.
L’électrocardiogramme de base montre un bloc trifasciculaire : bloc de branche droite complet, PR long et hémibloc antérieur gauche. Il n’y a pas de cardiopathie sous-jacente et l’exploration électrophysiologique montre un bloc infrahisien justifiant l’implantation d’un stimulateur cardiaque double chambre.
En per-opératoire, l’insertion d’un guide dans la veine sousclavière gauche et le trajet inhabituel de celui-ci, le long du bord gauche du sternum, objective la persistance d’une VCSG. À travers cette veine nous faisons passer une sonde ventriculaire droite à fixation active. Grâce à une boucle dans l’oreillette droite, la sonde est dirigée vers la valve tricuspide qu’elle passe aisément. Elle est fixée sur la partie basale du septum interventriculaire avec des paramètres de stimulation corrects : impédance à 439 ohms, détection à 11 mV et seuil de stimulation ventriculaire droit à 0,5 V à 0,4 ms. La sonde atriale et positionnée sur la paroi libre de l’oreillette droite toujours via le sinus coronaire et la VCSG. Les paramètres de la sonde atriale sont stables : impédance à 389 ohms, détection à 1,8 mV et seuil de stimulation atriale à 0,5 à 0,4 ms. Le contrôle du stimulateur cardiaque à 6 mois objective des paramètres de stimulation stables.
Discussion
La PVCSG est une variation anatomique rare du système veineux thoracique. Lors des premières semaines du développement, la partie supérieure de l’embryon se draine de façon symétrique par les veines cardinales antérieures puis les veines cardinales communes dans le sinus veineux. À la septième semaine de grossesse se développe le tronc veineux innominé (TVI) qui unit les veines jugulaires et sous-clavières gauches aux droites. Dans le même temps la veine cardinale antérieure gauche involue, laissant la veine cave supérieure droite (VCSD) issue de la veine cardinale antérieure droite, assurer le drainage de la partie supérieure du corps. Seule persiste, à la corne gauche du sinus veineux, la partie proximale de la veine cardinale commune qui reçoit les veines cardiaques et devient le sinus coronaire.
L’absence d’involution de la veine cardinale antérieure gauche entraîne la persistance d’une VCSG qui se draine dans 92 % des cas dans l’oreillette droite via le sinus coronaire (SC) qu’elle dilate.
Plus rarement, si le toit du sinus coronaire est défectueux, elle peut déboucher dans l’oreillette gauche et être responsable d’une cyanose.
Lorsque la VCSG persiste, la VCSD a un calibre inversement proportionnel à celui de la veine cave supérieure gauche et peut même être totalement absente. Trois formes anatomiques sont décrites : veine cave supérieure double, environ 90 % des cas avec présence ou non d’un tronc veineux innominé (40 % des cas) ou VCSG unique (10 % des cas).
La découverte de cette VCSG est le plus souvent fortuite, lors d’une procédure de pose de stimulateur cardiaque notamment.
En scopie, le guide introduit par voie veineuse gauche chemine le long du bord droit de la colonne vertébrale et descend en oblique vers le cœur droit. Cette particularité anatomique complique le geste opératoire, pouvant allonger le temps d’intervention ainsi que le temps d’irradiation.
La difficulté réside dans l’implantation de la sonde ventriculaire droite qui arrive par la VCSG dans l’oreillette droite, dans une direction opposée à la valve tricuspide. Un guide préformé ou une large boucle formée dans l’oreillette droite permet de rediriger la pointe de la sonde dans le ventricule droit et résoudre le problème comme dans notre cas. Des sondes à fixation active doivent être utilisées afin d’éviter tout déplacement. La sonde atriale est plus aisée à implanter, le guide arrive dans l’oreillette droite via le sinus coronaire et la sonde est vissée sur la paroi libre de l’oreillette droite.
En cas de diagnostic préopératoire d’une VCSG et en l’absence de VCSD, il est recommandé d’éviter l’abord par la veine de céphalique, la sonde pouvant être alors trop courte et ne pas atteindre le site d’implantation ciblé.
En pratique la persistance d’une VCSG est suspectée en échographie transthoracique devant un sinus coronaire dilaté et peut être confirmée par un angioscanner, une angio-IRM, ou une phlébographie.
L’injection de produit de contraste par une veine du bras gauche permet également de visualiser le trajet de la veine cave supérieure gauche.
Figure 1. Trajet du guide le long de la VCSG.
Figure 2. Vue antéropostérieure. Oblique antérieur droit. Positionnement des sondes VD et OD.
Figure 3. ECG postimplantation : rythme électro-entraîné atrial et ventriculaire droit.
Figure 4.
En pratique
La découverte d’une VCS gauche persistante est rare lors de l’implantation d’un pacemaker. Il est important de savoir reconnaître cette particularité anatomique afin d’anticiper les difficultés liées au positionnement des sondes.
Le principal inconvénient est l’angle formé par le sinus coronaire avec la valve tricuspide. Le positionnement de la sonde atriale est limité à la paroi latérale de l’oreillette droite. Une alternative à la sonde ventriculaire droite est l’implantation d’une sonde ventriculaire gauche via le sinus coronaire ou encore la voie épicardique.
La persistance d’une VCSG peut être à l’origine de durées de procédure plus longues et d’un plus grand risque de déplacement de sonde.
Les paramètres de stimulation ne sont pas modifiés à long terme lorsque ceux-ci sont dans les limites de la normale en per-opératoire.
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