Publié le 15 fév 2021Lecture 5 min
HTA résistante
Laurence AMAR, Centre de soins, de recherche et enseignement en hypertension artérielle, Hôpital européen Georges Pompidou ; Université de Paris, Paris
Lors de cette session, Michel Azizi, Atul Pathak, Pierre-Louis Tharaux et Catherine Llorens-Cortes ont fait un point sur la prise en charge médicamenteuse de l’HTA résistante à l’aube de 2021.
L'HTA résistante se définit comme une hypertension artérielle non contrôlée sous un traitement efficace avec des doses optimales ou tout du moins le mieux toléré possible d’une trithérapie comprenant un diurétique thiazidique, classiquement associé à un inhibiteur de l’enzyme de conversion ou à un antagoniste du récepteur de l’angiotensine 2 et un inhibiteur calcique.
Lorsque la pression artérielle est supérieure à 140/90 mmHg, la résistance au traitement doit être confirmée par une mesure ambulatoire de la pression artérielle ou une automesure tensionnelle. Et il faut alors passer par différentes étapes, et notamment exclure une hypertension artérielle secondaire. Une fois la pseudo-résistance éliminée, on s’oriente alors vers une optimisation du traitement pharmacologique.
La première étape est de renforcer la déplétion sodée en maximisant le diurétique thiazidique en association avec un régime hyposodé. L’hydrochlorothiazide doit alors être remplacé par un diurétique thiazidique plus puissant comme l’indapamide lorsque le débit de filtration glomérulaire est supérieur à 30 ml/min. Lorsqu’il est inférieur, on utilise alors des diurétiques de l’anse.
La quatrième ligne de traitement est le blocage du récepteur minéralocorticoïde par la spironolactone. Une métaanalyse a montré que la baisse de la pression artérielle sous spironolactone versus placebo est de 8,7/4,2 mmHg de pression artérielle systolique et diastolique respectivement(1). Elle n’est cependant utilisée que dans 20 à 30 % des cas, en raison notamment de la crainte des effets indésirables (dysfonction érectile, insuffisance rénale aiguë et hyperkaliémie). Les autres classes médicamenteuses, notamment les bêtabloquants, les alphabloquants et l’amiloride ont été évaluées lors de l’essai PATHWAY 2(2). Alors que les alphabloquants et les bêtabloquants ont un effet inférieur à celui de la spironolactone, l’amiloride a un effet similaire.
• Les antialdostérones
Il existe de nouveaux antagonistes minéralocorticoïdes, comme notamment la finérénone. Ces molécules sont plus spécifiques des récepteurs minéralocorticoïdes, ce qui devrait permettre de limiter les effets secondaires. Les inhibiteurs de l’aldostérone synthase sont aussi étudiés.
Les antagonistes de l’endothéline
L’endothéline est un peptide d’origine endothéliale qui a des propriétés vasoconstrictrices. Les inhibiteurs de l’endothéline ont montré des propriétés antiinflammatoires, ils peuvent réduire la rigidité vasculaire, améliorer la fonction endothéliale et enfin réduire la pression artérielle. Il a été montré qu’en plus de leur effet antihypertenseur, les inhibiteurs de l’endothéline ont un effet bénéf ique sur la protéinur ie et sur la progres s ion de la maladie rénale chronique. L’essai contrôlé randomisé en double insu DORADO a étudié l’effet antihypertenseur du darusentan chez 397 patients avec une HTA non contrôlée sous trithérapie(3). Il a montré une diminution significative des pressions artérielles systolique et diastolique. Cependant, cet essai a également mis en évidence les effets indésirables du darusentan, et notamment une rétention hydrosodée.
L’essai Precision, un essai de phase 3, est actuellement en cours dans l’HTA résistante avec standardisation du traitement initial par valsartan, hydrochlorothiazide et amlodipine. C’est un essai en double insu : aprocitentan versus placebo.
Les inhibiteurs de l’endothéline sont donc des molécules prometteuses dans l’HTA résistante et également chez les patients diabétiques avec une réduction de la protéinurie, une diminution de la progression de la maladie rénale chronique.
Les inhibiteurs de l’aminopeptidase A
Le système rénine-angiotensine cérébral entraîne l’augmentation de la pression artérielle par trois mécanismes différents :
– une augmentation de la sécrétion de vasopressine conduisant à une diminution de la diurèse et donc à une augmentation de volume extracellulaire ;
– une augmentation de l’activité des neurones sympathiques et donc des résistances vasculaires ;
– et enfin une inhibition réflexe, ce qui induit une augmentation des résistances vasculaires et du débit cardiaque.
Tous les composants du SRA systémique sont présents dans le cerveau. L’aminopeptidase A transforme l’angiotensine II en angiotensine III. Et contrairement au SRA systémique, il a été montré que ce n’est pas l’angiotensine II mais l’angiotensine III qui est l’un des principaux peptides effecteurs du système rénine-angiotensine cérébral. Des études dans les modèles animaux ont montré que le blocage de l’aminopeptidase A conduit à une diminution du volume extracellulaire, une diminution des résistances vasculaires, une diminution du débit cardiaque et donc à une diminution de la pression artérielle. Une première étude a été menée avec du firibastat versus placebo en double insu chez 34 patients avec une HTA de grade I ou II(4). Cette étude ne montre pas de différence significative de la baisse de pression artérielle entre le firibastat et le placebo, mais la baisse de pression artérielle se majore chez les patients avec une PA initiale plus élevée, ce que l’on ne retrouve pas dans le groupe placebo. Suite à ces données préliminaires, une étude de phase III chez des patients avec HTA résistante est actuellement en cours.
Les inhibiteurs de la néprilysine
Le système des peptides natriurétiques repose sur 3 ligands : ANP, BNP, et CNP. La fixation de l’ANP sur son récepteur NPRA entraîne des effets natriurétiques, une vasorelaxation et des effets trophiques. La voie des peptides natriurétiques interagit avec le système nerveux sympathique et le système rénine-angiotensine. La néprilysine est une enzyme, une endopeptadase neutre qui est impliquée dans la dégradation des peptiques natriurétiques, mais également dans la dégradation d’autres peptiques comme la bradykinine, le GLP1… Le blocage de la néprilysine entraîne une stimulation du système rénine-angiotensine et une augmentation de la synthèse d’angiotensine II, et va contrecarrer le bénéfice attendu de ce traitement. Après des premières molécules décevantes, Il a donc été décidé de coupler les inhibiteurs de la néprilysine avec un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine : l’omapatrilat. Le problème est que l’administration d’omapatrilat a conduit à une inhibition de la dégradation de la bradykinine et donc à la survenue d’angiœdème. Ainsi un produit plus spécifique, plus sélectif, a été développé, en association avec un ARA2 et non avec un IEC : c’est l’association sacubitril/valsartan. Différents essais ont été menés et une métaanalyse publiée récemment montre une diminution significative de la pression artérielle versus ARA2. Les effets bénéfiques de ce médicament ont par ailleurs déjà été démontrés chez les patients avec une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée et cette molécule est commercialisée dans cette indication.
En plus de ces nouvelles voies thérapeutiques, des essais sont en cours sur des nouvelles voies d’administration, et notamment l’utilisation de petits ARN interférents (siRNA) pour agir sur l’angiotensinogène hépatique.
C’est ce type d’approche qui a été utilisé pour les inhibiteurs de la PCSK9 dans les dyslipidémies.
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