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Congrès et symposiums

Publié le 01 mar 2022Lecture 6 min

Cœur, diabète et maladie rénale : un mariage à trois

Michèle DEKER, Neuilly

La prise en charge des risques cardiovasculaires et rénaux chez les patients diabétiques a notablement progressé depuis l’arrivée des GLP-1RA et plus récemment des iSGLT2. Les grands essais de sécurité cardiovasculaire qui ont conduit à la mise sur le marché de ces deux classes thérapeutiques ont permis de quantifier ces risques et de préciser les bénéfices respectifs des nouveaux traitements antihyperglycémiants.

Fin 2021, la Société francophone du diabète a publié son nouveau référentiel en précisant qu’il s’agit aujourd’hui d’une « stratégie d’utilisation des traitements anti-hyperglycémiants ». Dans cette prise de position, les GLP-1 RA et surtout les iSGLT2 sont positionnés très précocement. Des situations particulières telles que la maladie rénale chronique ou l’insuffisance cardiaque doivent conduire à préférer un iSGLT2 qui peut être prescrit jusqu’à un débit de filtration glomérulaire (DFG) de 20-25 ml/min selon la molécule prescrite. La néphroprotection chez les patients diabétiques ne s’appuie plus seulement sur le blocage du SRAA. Les iSGLT2 jouent un rôle essentiel à cet égard. Il faudra aussi compter sur le blocage des récepteurs minéralocorticoïdes depuis la mise en évidence du bénéfice de la finérénone dans le programme FIDELITY. • Une nouvelle voie thérapeutique La finérénone est une nouvelle molécule antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) caractérisée par une forte affinité pour les récepteurs, un meilleur équilibre de la distribution entre le rein et le cœur, et ayant moins d’effets secondaires de type gynécomastie. Aujourd’hui pour traiter la maladie rénale chez un patient diabétique de type 2, la première approche est hémodynamique avec les IEC/ARA2, suivie par les iSGLT2. Il manquait une approche visant l’inflammation et la fibrose. Dans les modèles animaux, la finérénone a montré une réduction de l’inflammation et des effets antifibrosants, notamment au niveau cardiaque. Chez les patients diabétiques, le risque cardiovasculaire augmente avec la réduction du débit de filtration glomérulaire (DFG en deçà de 60 ml/min/1,73 m2) et avec l’augmentation de l’albuminurie (rapport albumine/créatinine urinaire ≥ 30 mg/g). La finérénone a fait l’objet de deux essais, FIDELIO-DKD et FIGARO-DKD chez des patients diabétiques ayant une maladie rénale, dans le cadre du programme FIDELITY. Ainsi, plus de 13 000 patients ont été randomisés entre finérénone 10 ou 20 mg et placebo, avec un suivi de 3 ans environ. Le critère de jugement primaire était le MACE 4 points (décès cardiovasculaire, IDM non fatal, AVC non fatal ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque) ; 40 % de ces patients avaient une ClCr > 60 ml/min et une protéinurie. Ces patients étaient tous très bien pris en charge, y compris par iSGLT2. L’utilisation de la finérénone, en sus du blocage du SRAA, a réduit le MACE 4 points de 14 %, cet effet étant dû principalement à la diminution des hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Les résultats sur le critère rénal composite (insuffisance rénale ; réduction soutenue de ≥ 57 % du DFG correspondant au doublement de la créatinine/concentrations initiales ; ou insuffisance rénale terminale) montrent que les deux courbes commencent à se séparer dès la deuxième année ; la dégradation de la fonction rénale est réduite de 23 % ; le recours à la dialyse est diminué de 20 %. Au total, en traitant 46 patients par la finérénone, on diminue le risque de morbi-mortalité cardiovasculaire de 14 % ; en traitant 60 patients on réduit le risque de progression de la maladie rénale de 23 %. L’albuminurie doit aujourd’hui être considérée comme un élément supplémentaire pour identifier les patients qui bénéficieront d’un traitement par la finérénone, indépendamment du DFG. Les dernières recommandations de l’American Diabetes Association (ADA) placent sur le même niveau de preuve (A) les iSGLT2 et la finérénone. • Kaliémie : quand la peur est plus forte que la raison L’hyperkaliémie est largement prévalente en cas d’insuffisance rénale chronique mais elle est aussi associée aux maladies cardiovasculaires, au diabète et à l’utilisation des bloqueurs du SRAA. Plus le DFG est bas et le rapport alb/créat élevé (≥ 30 mg/g), plus la kaliémie et le risque de mortalité augmentent. A contrario, le risque d’arrêt des bloqueurs du SRAA en cas d’hyperkaliémie est aussi associé à une augmentation de la mortalité. Dans le programme FIDELITY, il a été observé une légère augmentation de la kaliémie, de 0,19 mmol/L en moyenne, détectable au 4e mois et persistante tout au long de l’étude vs placebo ; une hyperkaliémie a été détectée chez 14 % sous finérénone (vs 6,9 % dans les groupes placebo) mais avec des conséquences cliniques très rares (arrêt définitif dans 1,7 % vs 0,6 % ; aucun décès lié à l’hyperkaliémie). La kaliémie était mesurée à chaque visite à 1 mois puis tous les 4 mois, sans restriction du régime alimentaire ; il n’était pas permis de réduire les doses d’IEC/ARA2. Chez les patients normokaliémiques (≤ 4,8 mmol/L), la finérénone était débutée à la dose de 10 g/j si le DFG était < 60ml/min et à la dose de 20 mg/j si le DFG était ≥ 60 ml/min. En cas d’augmentation de la kaliémie > 5,5 mol/L, la finérénone était interrompue puis réintroduite à la dose de 10 mg dès que le K+ était revenu ≤ 5 mmol/L. • Pourquoi et quand adresser le patient au néphrologue ? Le recours au néphrologue est nécessaire pour faire un diagnostic précis qui permettra la mise en place d’un traitement spécifique, préparer au traitement de suppléance, adapter la posologie des traitements (AOD, anti-arythmiques, ADO). La maladie rénale chronique est stratifiée en stades GA (G pour DFG et A pour albuminurie), de G1 à G5 et de A1 à A3. Le risque d’insuffisance rénale terminale et de mortalité cardiovasculaire est lié au stade GA. Le risque de mortalité cardiovasculaire est encore renforcé par les variations du DFG, selon une relation bidirectionnelle ; par exemple une baisse de 35 % du DFG est associée à un doublement de la mortalité cardiovasculaire ; inversement une amélioration du DFG de 35 % réduit d’autant le risque. La HAS recommande d’adresser un malade au néphrologue quand le DFG est < 45 ml/min/1,73 m2 (< 20 chez le sujet âgé), en cas de maladie progressive (D DFG > 5 ml/min/an), d’IRC compliquée ou terminale, ce qui constitue des indications tardives, après la fenêtre thérapeutique optimale. Récemment a été mis au point un score de risque rénal, KFRE ou S2R, basé sur 4 variables : DFGe (+60 %/5 ml), alb/créat urinaire (+60 %/5 ml), âge (avancé, -20 %/10 ans) et sexe masculin (+ 40 %). Au-delà de la stratification du risque, ce score peut permettre de trier les patients pour identifier ceux qui seraient susceptibles de bénéficier d’un suivi néphrologique. Ce score a pour avantage d’offrir une estimation dynamique en fonction des interventions thérapeutiques au moyen de 4 paramètres facilement accessibles ; cette équation de risque est bien validée dans toutes les néphropathies, hormis chez les enfants (< 18 ans) et les adultes avec un DFG > 60. Toutefois le rapport albumine/créatinine n’est pas systématiquement rendu par tous les laboratoires de biologie. En compilant les indications d’adressage en néphrologie de la HAS et du NICE 2021, on peut distinguer 6 situations : – S2R > 5 % à 5 ans; – perte de DFGe > 25 % ou 10ml/min sur 1 an; – alb/créat > 500 mg/g ; – HTA résistante ou suspicion de sténose de l’artère rénale ; – cause incertaine/contextes spécifiques ; – insuffisance rénale compliquée ou pré-suppléance. D’après un e-symposium organisé avec le concours de Bayer HealthCare, avec la participation de L. Bordier, G. Montalescot, B. Guerci, V. Aboyans, P. Rossignol et Y. Hannedouche JESFC 2022

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