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Insuffisance cardiaque

Publié le 15 mar 2022Lecture 5 min

L’insuffisance cardiaque aux JESFC 2022

Diane BODEZ, Centre Cardiologique du Nord, Saint-Denis

Cette année, les actualités en insuffisance cardiaque étaient riches, notamment en raison de la sortie des nouvelles recommandations ESC 2021, le tout sur fond de pandémie Covid...

• Insuffisance cardiaque à FEVG réduite Le principal message des recommandations ESC 2021 concerne la nouvelle stratégie thérapeutique en cas d’insuffisance cardiaque à FEVG réduite (≤ 40 %), qui assoit un socle thérapeutique recommandé en classe I, et composé d’une quadrithérapie applicable à tous : bêtabloquant, IEC (ARA2 en cas d’intolérance) ou sacubitril-valsartan, antialdostérone, et gliflozine. Ce socle, aussi appelé « les 4 fantastiques », est associé aux diurétiques de l’anse pour le contrôle des signes congestifs et la réduction des hospitalisations(1) (figure 1). La teneur des recommandations est identique en ce qui concerne l’insuffisance cardiaque à FEVG modérément altérée (41-49 %), mais avec un niveau de preuve plus faible, donc une classe de recommandation de niveau IIb. Le rationnel de ce socle thérapeutique n’est pas débattu : chacune de ces molécules permet une amélioration de la morbi-mortalité. Il a même été estimé que cette quadrithérapie permettrait de gagner plus de 8 ans d’espérance de vie sans événement pour un patient de 55 ans, en comparaison avec une bithérapie « conventionnelle » bêtabloquant + IEC/ARA2(2). Toutefois, leur prescription en pratique questionne encore : faut-il préférer une introduction séquentielle ou simultanée ? À quelle dose ? La réponse sera différente en fonction de chaque patient, rappelant le concept de phénotypage des patients insuffisants cardiaques, en tenant compte notamment de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, de la fonction rénale, de la présence d’un diabète ou d’une arythmie, et enfin du moment dans l’histoire de la maladie (découverte, décompensation, stabilisation). Le terme de « worsening heart failure » apparaît, traduisant un stade de la maladie entre « en voie d’aggravation » et « déstabilisée », à distinguer d’une insuffisance cardiaque avancée qui amènerait à un bilan pré-assistance/transplantation. Pour ces patients, de nouvelles classes thérapeutiques sont recommandées en classe II, comme le vériciguat, ciblant la voie du NO via la guanylate cyclase(3). • Insuffisance cardiaque à FEVG préservée En ce qui concerne l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée, il est essentiellement rappelé la nécessité d’un bilan étiologique complet, comprenant la recherche d’amylose cardiaque dans certains cas (épaisseurs myocardiques ≥ 12 mm chez un patient âgé d’au moins 65 ans, présentant un signe d’alerte). Celle-ci passe par la réalisation conjointe d’une scintigraphie osseuse à la recherche d’une fixation myocardique, associée à un bilan de gammapathie monoclonale avec dosage des chaînes légères libres sériques pour éliminer une amylose AL (figure 2). Le tafamidis fait en effet son entrée dans ces recommandations en classe I pour les amyloses cardiaques ATTR, qu’elles soient génétiques ou non, avec une amélioration de la morbi-mortalité(4). Les gliflozines n’apparaissent pas encore recommandées en cas d’insuffisance cardiaque à FEVG préservée, car les données montrant leur efficacité n’étaient pas encore publiées(5). • Gestion des myocardites aiguës Plusieurs présentations ont porté sur les myocardites aiguës. De récentes publications rappellent le large éventail des différentes présentations cliniques possibles, classées selon la présence d’une défaillance hémodynamique, d’une altération de la FEVG, et/ou de trouble du rythme. Pour chacune, les modalités de prise en charge ne sont pas les mêmes : hospitalisation ou non, soins intensifs ou non, biopsie myocardique ou non, corticothérapie ou non. Les recommandations ESC 2021 sur l’insuffisance cardiaque clarifient (un peu) les indications de biopsie myocardique, recommandée en classe IIa en cas notamment d’insuf-isance cardiaque rapidement progressive devant faire suspecter une étiologie spécifique dont le diagnostic nécessite une preuve histologique. Les myocardites à cellules géantes sont particulièrement ciblées, ayant un pronostic effroyable en l’absence de traitement spécifique, bien plus mauvais que toutes les autres myocardites(6). • Étude observationnelle sur l’impact des décès parmi les soignants Une étude menée sous l’égide de la SFC, la SFCTCV et ARCOTHOVA s’est intéressée à l’impact des décès de nos patients sur les soignants. Le premier volet a porté sur les médecins (cardiologues, chirurgiens cardiaques, anesthésistes, et pédiatres), qui devaient chacun coter cet impact sur une échelle de 1 à 10. Soixante-quinze pourcents ont noté 5 ou plus, et 25 % 8 et plus. L’étude doit se poursuivre avec un second volet concernant les soignants para-médicaux. Cet état des lieux vise à objectiver cet impact, de façon à étudier ensuite les moyens nécessaires pour une prise en charge adaptée, tant au niveau de la prévention que de l’accompagnement et de la formation spécifique en amont. Le premier message porte sur la nécessaire prise de conscience d’une réalité quotidienne, encore souvent tabou. • Vaccination chez les patients insuffisants cardiaques En cette période particulière de pandémie mondiale, le sujet de la vaccination n’a jamais été aussi brûlant. Il est d’une particulière importance chez les patients insuffisants cardiaques, car le bénéfice attendu est très important. Il est en effet démontré qu’en cas d’infection à SARS-CoV-2 hospitalisée, les patients insuffisants cardiaques ont une sur-mortalité à 30 jours par rapport aux patients non insuffisants cardiaques(7) (figure 3). Les experts français se sont d’ailleurs positionnés dès mai 2021 pour la vaccination dans cette population, sans retenue, en raison de l’absence de preuve de moindre efficacité ni sur risque d’effets indésirables, et cela malgré l’absence (pour l’instant) de preuve d’un bénéfice en termes de morbi-mortalité(8). C’est également l’occasion de rappeler que d’autres vaccins ayant montré leur protection chez les insuffisants cardiaques sont encore sous-utilisés ; il s’agit de la grippe avec seulement 60 % de vaccinés, et du pneumocoque, avec seulement 13 %, alors que ces deux vaccins sont recommandés depuis plusieurs années, en dehors de toute ambiance médiatique, et sans scandale sanitaire. • Thérapies du futur en insuffisance cardiaque Plus encore que les années précédentes, la session sur les thérapies du futur était particulièrement passionnante, en raison de l’arrivée dans le domaine de l’insuffisance cardiaque de plusieurs outils thérapeutiques ayant émergé ces dernières années, et ayant déjà révolutionné d’autres disciplines. C’est le cas par exemple de l’utilisation de la CRISPR-Cas9, la technique des ciseaux génétiques découverte en 2021, et dont les auteurs (dont la chercheuse française E. Charpentier) ont été récompensés par le prix Nobel de chimie en 2020. Une application dans le cadre des amyloses cardiaques à trans thyrétine (TTR) a fait son apparition, avec la réduction prouvée de circulation sanguine de TTR aussi bien in vivo qu'in vitro(9). Les données en termes de morbi-mortalité sont encore attendues. Les micro-ARN, eux-mêmes déjà utilisés pour ces mêmes amyloses cardiaques ATTR, pourraient être utilisés dans l’insuffisance cardiaque à FEVG réduite (micro-RNA-132) en ciblant le remodelage myocardique inverse, permettant ainsi une augmentation de la FEVG, une diminution des peptides natriurétiques, et de (10) la fibrose myocardique . Enfin, l’actualité de ces JESFC était simultanée de la première xénogreffe cardiaque à partir d’un cochon génétiquement modifié, dont le receveur, par ailleurs non éligible à aucun projet de greffe ou d’assistance cardiaque, a survécu 2 mois après la transplantation.

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