Publié le 15 mar 2022Lecture 5 min
Prise en charge de l’insuffisance cardiaque post-infarctus
Michèle DEKER, Neuilly
Les Journées européennes de la Société française de cardiologie ont été l’occasion de revenir sur une année riche pour la cardiologie interventionnelle et structurelle, française et européenne. Il peut paraître difficile d’en résumer les temps forts, mais nous pouvons néanmoins en faire ressortir 3 grands thématiques : le TAVI, la place des explorations fonctionnelles coronaires, et la gestion des antithrombotiques dans les situations à risque ou complexes.
• Faut-il réviser le BASIC ?
Les bêtabloquants (BB) sont toujours indiqués lorsque la fraction d’éjection (FE) est < 40 %. On peut s’interroger sur l’intérêt de poursuivre le traitement bêtabloquant en l’absence de dysfonction systolique du ventricule gauche. Certains essais cliniques essaient d’y répondre, le plus vaste étant celui entrepris par l’équipe de la Salpêtrière, qui randomise les patients dont l’IDM est ≥ 6 mois, sans autre complication ou indication de BB hormis un antécédent d’IDM, en ouvert.
Le traitement antiagrégant plaquettaire (AAP) devrait être individualisé en prenant en compte le risque hémorragique. La bithérapie doit être la plus courte possible lorsque le risque hémorragique, qui généralement l’emporte sur le risque ischémique, est élevé.
On se dirige de plus en plus vers une baisse intensive et précoce du LDL-cholestérol afin de diminuer de 50 % son taux et d’atteindre 0,55 g/L, ce qui implique la prescription d’une statine de forte intensité associée à l’ézétimibe et, si besoin, à un anti- PCSK9. Selon un avis d’experts, il serait préférable de prescrire d’emblée une bithérapie statine + ézétimibe et d’adapter le traitement selon la tolérance du patient. Cette stratégie permet à la moitié des patients d’atteindre les objectifs.
Les recommandations de l’ESC concernant les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) sont de débuter le traitement dans les 24 heures post-IDM chez les patients avec FE altérée ou une FE préservée, chez les diabétiques ou en cas d’IDM antérieur, en l’absence de contre-indication. L’association sacubitril-valsartan a été testée dans l’étude PARA- DISE-MI, chez des patients avec FE ≤ 40 % ou des signes d’insuffisance cardiaque, versus ramipril à dose optimisée, sans montrer de bénéfice supplémentaire de l’association. Cependant, il est possible qu’un patient avec un IDM récent devienne un bon candidat au sacubitril-valsartan dans les mois suivants. Une analyse post-hoc de PARADISE-MI montre, en effet, un bénéfice sur le cumul des événements post-IDM avec la durée.
La réadaptation cardiovasculaire améliore la qualité de vie des patients et réduit les événements en particulier chez les patients à très haut risque via un contrôle des facteurs de risque. Plusieurs études ont montré un bénéfice de la colchicine sur les événements liés à l’athérosclérose, qui passe par l’inflammation. La colchicine a fait son entrée dans les recommandations avec un niveau IIBA.
• Que retenir des recommandations ?
Le premier changement concerne les diurétiques, qui doivent être réévalués régulièrement pour gérer les symptômes d’IC, améliorer la capacité d’exercice et réduire les hospitalisations. Il est donc proposé de revoir le traitement diurétique à 7 jours après la sortie post-IDM. Il s’agit d’utiliser des diurétiques de l’anse à dose variable en augmentant la dose jusqu’à 125 mg/j (1 g en cas de dysfonction rénale) et en ajoutant ponctuellement un thiazidique si nécessaire. Un patient ne doit plus être conges-tif.
Dans le panel des traitements disponibles pour traiter la FE réduite, nous disposons des IEC/ARA2, des bêtabloquants, des anti-minéralocorticoïdes (ARM), des iSGLT2 (gliflozines) et du sacubitril-valsartan en remplacement de l’IEC. Si le patient garde une fréquence cardiaque (FC) élevée en rythme sinusal, il faut utiliser l’ivabradine.
En pratique, les doses cibles des différentes thérapeutiques sont rarement atteintes, non pas par défaut de tolérance mais parce que l’on estime que le patient est déjà bien contrôlé.
Parmi les nouveaux agents thérapeutiques, les iSGLT2 possèdent un effet diurétique et ont peut-être un impact direct sur la mitochondrie, donc sur l’énergétique cardiaque. Le bénéfice de cette classe thérapeutique est aujourd’hui prouvé. Le vériciguat est un modulateur de la guanylate cyclase doté d’un impact sur la réhospitalisation pour insuffisance cardiaque et la mortalité par insuffisance cardiaque. L’omecamtiv mecarbil, un activateur sélectif de la myosine cardiaque, a des effets probablement intéressants, dont il faudra déterminer la cible.
Dans l’IC à FE préservée il est important de rechercher une étiologie, telle que l’amylose qui est accessible à un traitement par tafamidis. En cas de doute, il faut faire une scintigraphie osseuse et une IRM.
L’élément clé des recommandations est la coordination des soins. Il est fondamental d’éviter la congestion : avant la sortie, optimisation du traitement oral et programmer une visite 1 à 2 semaines après la sortie, soit en présence, soit en téléconsultation. La mise en place d’une stratégie d’auto-prise en charge par le patient est fondamentale.
Le diagnostic initial d’insuffisance cardiaque est posé sur la clinique, l’ECG, le BNP et l’échocardiographie. S’il s’agit d’une IC FEr, il faut éliminer une cardiopathie ischémique en faisant une coronarographie ou un scanner si le patient est à risque bas ou moyennement élevé. S’il s’agit d’une IC FEp, il faut rechercher une étiologie, éliminer une ischémie et une amylose cardiaque.
Chez un patient ambulatoire, il faut optimiser la prise en charge : IEC ou sacubitril-valsartan si le patient est déjà sous IEC/ARA2, bêtabloquant, ARM, iSGLT2 en première ligne, en prévoyant d’emblée un rendez-vous dans les 15 jours pour l’optimisation. La gestion de la congestion est le deuxième élément important. Chez un patient hospitalisé : s’il existe un plan de coordination au sein de l’hôpital, on peut utiliser de façon séquentielle les thérapeutiques afin de cumuler les traitements en 3 mois ; en l’absence de plan de coordination, il est préférable d’initier tous les traitements avant la sortie.
Une fois les traitements mis en place, il faut prévenir les réhospitalisations (réadaptation physique en présentiel ou online ; suivi biologique ; coordination des soins ; télémonitoring ; éducation du patient). Au cours du suivi programmé tous les 3 mois, il faut réévaluer la classe NYHA, la FE, le BNP, essayer de diminuer les diurétiques et optimiser les traitements (ivabradine, traitement de la congestion, digoxine), demander un avis rythmologique pour les traitements électriques.
• Comment appliquer en pratique les recommandations ?
Les recommandations considèrent sur le même plan plusieurs traitements de l’insuffisance cardiaque : les inhibiteurs SRAA, les bêtabloquants, les ARM, les iSGLT2 et les diurétiques, auxquels sont associées des thérapies électriques. Les trois premiers sont considérés comme la pierre angulaire du traitement. Dans quel ordre les administrer ? Il est précisé que les diurétiques visent à traiter la congestion ; en cas d’insuffisance rénale, on prescrit un iSGLT2 ; en l’absence d’hyperkaliémie, les ARM viennent en première intention. Le sacubitril-valsartan peut être prescrit en seconde intention pour améliorer les résultats. Cependant, il n’existe aucune étude précisant l’ordre d’introduction des différentes thérapeutiques, hormis des modélisations.
D’après le symposium « Du post-infarctus du myocarde à l’insuffisance cardiaque : quelle prise en charge ? » organisé avec le concours de Novartis, avec la participation de A. Cohen, P.G. Steg, D. Angoulvant, P. Jourdain, D. Logeart et C. Meune JESFC 2022
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