Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 13 déc 2011Lecture 5 min
Les antiarythmiques dans la FA - Un entretien avec E. ALIOT (Nancy)
Propos recueillis par C. LAMBERT
Les recommandations font une large place aux antiarythmiques dans la prise en charge de la fibrillation auriculaire (FA). Mais comment les choisir et comment les prescrire ?
Cardiologie Pratique - Comment expliquez-vous l’incidence croissante de la FA ?
Etienne Aliot. La première raison est le vieillissement de la population et le lot de pathologies qui l’accompagne. Les tranches d’âge élevé ont une prévalence importante de FA (> 10 % chez les plus de 80 ans), et son incidence globale augmente lorsque la population vieillit. La deuxième raison est que nous connaissons mieux cette arythmie et que nous savons mieux la diagnostiquer. On peut ainsi estimer qu’en France, nous dépasserons prochainement le million de FA.
Cardiologie Pratique - Dans les dernières recommandations de l’ESC, la FA s’inscrit dans une prise en charge dès le premier épisode.
Qu’est-ce que cela change dans la prise en charge en pratique ?
E. Aliot. Longtemps on a considéré qu’il ne fallait pas traiter au long cours un premier épisode isolé de FA. Aujourd’hui, non seulement il faut traiter l’épisode, mais il faut en prévenir la récidive. En effet, selon le concept de « traitement précoce », on peut penser que lorsque nous prenons en charge un premier épisode, il est déjà trop tard. L’hypothèse est, comme on l’a fait pour la pathologie coronaire par exemple, de faire de la prévention en prenant en charge les facteurs de risque de la FA, afin d’en éviter ou de retarder la survenue. Il s’agirait ici de mieux dépister et traiter l’apnée du sommeil, les problèmes pulmonaires, l’HTA, le diabète, l’obésité et les syndromes métaboliques, car on sait que toutes ces pathologies sont fortement associées à la FA et en font le lit.
Lorsque le premier épisode arythmique se produit, le traitement précoce vise essentiellement à éviter les récidives qui entraînent un remodelage anatomique et électrique. À terme, on sait que la « FA génère la FA » et que plus il y a de rechutes, plus elles sont longues, plus le remodelage est important et le retour a la normalité de l’oreillette difficile.
Cardiologie Pratique - Lors de la découverte d’une FA, comment choisir entre une cardioversion électrique ou médicamenteuse ?
E. Aliot. Un premier élément qui est rarement évoqué, mais qui, en pratique, est fondamental, est l’organisation pratique de votre centre. S’il est possible d’hospitaliser rapidement le patient pour faire une cardioversion médicamenteuse, cela peut être une excellente option. Dans le cas contraire, on s’orientera plutôt vers un traitement « classique » anticoagulant trois semaines et cardioversion électrique. Le deuxième élément est lié au fait qu’on ne peut espérer raisonnablement restaurer le rythme sinusal par cardioversion pharmacologique que si la FA est très récente. Passées les classiques 48 h, le traitement pharmacologique est de moins en moins efficace. D’ailleurs, que cela concerne la cardioversion médicamenteuse ou la stratégie « pill in the pocket », autrement dit le traitement à la demande, les études ont le plus souvent été conduites chez des patients qui présentaient une FA récente. Troisième et dernier élément important, cette stratégie thérapeutique s’applique essentiellement à des patients qui n’ont pas de pathologie sous-jacente. En effet, les antiarythmiques de classe Ic sont ici les plus efficaces, mais on ne peut les administrer que sur cœur apparemment sain. L’amiodarone est moins efficace dans cette indication « en aigu », même si elle est souvent prescrite en pratique par beaucoup de cardiologues au quotidien. En effet, dans l’attente d’une cardioversion électrique chez un patient anticoagulé, elle restaure dans un certain nombre de cas le rythme sinusal et permet de s’affranchir du choc électrique
Nous attendons le vernakalant dont nous ne disposons pas aujourd’hui, mais qui semble prometteur. L’ibutilide semble parfois prescrit aux États-Unis, rarement en Europe et pas en France.
Cardiologie Pratique - Dans une stratégie de contrôle du rythme, selon quels critères doit se faire le choix du traitement antiarythmique ?
E. Aliot. Dans une stratégie de contrôle du rythme, après la première étape de restauration du rythme sinusal, la deuxième est la prévention des récidives. Les recommandations récentes de la Société Européenne de Cardiologie s’appuient ici sur l’existence ou non d’une pathologie sous-jacente. Lorsqu’il n’y en a pas, ou seulement une HTA sans HVG, il n’y a aucune contre-indication et on peut avoir recours en première intention aux classes Ic, au sotalol, ou à la dronadérone (avec les précautions liées à l’usage de cette nouvelle molécule) ; l’utilisation de l’amiodarone doit être discutée seulement en seconde intention. En cas d’HTA avec hypertrophie ventriculaire, la dronédarone puis l’amiodarone sont conseillés. Dès qu’il existe une insuffisance cardiaque quel qu’en soit le stade, il n’y a plus de choix et seule l’amiodarone peut être utilisée. Enfin, en cas de pathologie coronaire, on peut avoir recours au sotalol, à la dronédarone et dans un deuxième temps, l’utilisation de l’amiodarone doit être discutée.
Cardiologie Pratique - Les recommandations insistent sur le rapport bénéfices/risques des antiarythmiques.
Cet élément doit-il orienter le choix ?
E. Aliot. Il n’y a pas de médicament efficace sans effets indésirables. Toutefois, nous connaissons depuis longtemps les médicaments utilisés dans une stratégie de contrôle du rythme et, en dehors de la plus récente molécule, la dronédarone, nous savons bien les manipuler. Si l’on en respecte au mieux les indications, les contre-indications et le bon sens clinique, on en minimise les complications potentielles. Par exemple, il ne faut prescrire des classes I que sur cœur sain et chez les patients hypertendus qui n’ont pas d’HVG. Cela n’évite pas les effets secondaires extracardiaques, mais ces derniers sont connus et sans gravité. Autre exemple, on évitera de prescrire de l’amiodarone à un patient trop jeune pour qu’il n’en reçoive pas sur une trop longue période, et on surveillera bien sûr de près la fonction thyroïdienne. Une étude rétrospective danoise a examiné un registre de plus de 110 000 patients traités pour une FA par flécaïnide, propafénone, sotalol ou amiodarone. Comparés à un groupe de patients identiques sans antiarythmiques, ces patients n’avaient pas de surmortalité, ce qui tend à prouver que le respect de règles simples de maniement de ces médications permet d’en éviter des effets indésirables graves.
Enfin, il est souhaitable que les cardiologues fassent bien comprendre à leurs patients qu’avec la FA, ils entrent dans une longue histoire clinique et que quel que soit le traitement médicamenteux et quelle que soit son efficacité, ils récidiveront. Ce message est important, notamment chez les patients qui ont une FA paroxystique, pour qu’ils évitent de considérer trop vite, et dès la première récidive, que le médicament est totalement inefficace.
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