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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 06 mar 2012Lecture 8 min

Les traitements minute de la fibrillation atriale

J. MANSOURATI, CHRU Brest


Journées européennes de la SFC (I)
Le choix du traitement minute d’un accès de FA dépend de sa durée et de l’existence d’une cardiopathie sous-jacente. L’utilisation de la voie intraveineuse raccourcit la durée de l’accès (en particulier avec l’arrivée prochaine du vernakalant), mais la dose unique orale permet également d’éviter les hospitalisations chez des patients bien sélectionnés.

La cardioversion de la fibrillation atriale (FA) repose sur 3 principes : rechercher une cause favorisante pour la traiter préalablement, prévenir le risque thromboembolique et tenter la cardioversion le plus tôt possible, afin d’éviter un remodelage auriculaire rendant le retour en rythme sinusal (RS) plus difficile. Avant toute tentative de réduction de la FA, il faut rechercher une cause favorisante comme l’intoxication éthylique aiguë (Holiday syndrome) ou chronique. Dans ce cas, la baisse de l’alcoolémie déterminera souvent le retour spontané en RS. Une hyperthyroïdie ou une hypokaliémie nécessiteront leur correction avant d’envisager l’utilisation d’antiarythmiques. Les autres causes favorisantes nécessiteront une prise en charge concomitante (fièvre, infection pulmonaire, péricardite, etc.). À plus long terme, le traitement d’une cardiopathie causale, d’une HTA, d’un syndrome d’apnée du sommeil permettra de limiter les récidives. La prévention du risque thromboembolique est maintenant bien établie : elle impose l’anticoagulation efficace pendant 3 semaines lorsque l’accès de FA dure plus de 48 heures à moins de réaliser une échographie transœsophagienne (ETO) permettant d’éliminer un thrombus intra-auriculaire gauche et autorisant, dans ce cas, une cardioversion plus rapide sous anticoagulants. La cardioversion peut être réalisée soit électriquement (choc électrique) soit pharmacologiquement (la cardioversion électrique ne sera pas abordée dans cet article). Il est important de noter que la FA peut se réduire spontanément dans près de la moitié des cas au cours des premières 24 heures, en particulier en l’absence de cardiopathie sous-jacente ou en cas d’alcoolisation aiguë. Si l’arythmie est bien tolérée, une anticoagulation efficace seule peut suffire dans ce cas, le temps d’un retour spontané en RS. L’utilisation d’un antiarythmique, non dénuée d’effets secondaires potentiels, peut ainsi être évitée.   La cardioversion pharmacologique de la FA Parmi les médicaments antiarythmiques actuellement disponibles en France, trois sont principalement utilisés par voie intraveineuse ou per os pour réduire une FA qu’elle soit paroxystique ou persistante. Ces agents ont une efficacité démontrée. Il s’agit du flécaïnide, de la propafénone et de l’amiodarone. Il en est de même pour le dofétilide et l’ibutilide, mais ces derniers ne sont pas utilisés en France. Le disopyramide et la quinidine sont des antiarythmiques moins utilisés du fait de leurs effets secondaires et d’une efficacité moindre en comparaison aux autres antiarythmiques. Enfin, le sotalol ne figure pas parmi les agents indiqués pour réduire une FA dans les recommandations actuelles. Figure. Décision du mode de cardioversion d’une FA en fonction de la tolérance et de l’existence d’une cardiopathie sous-jacente selon les recommandations européennes 2010 (www.escardio.org/guidelines). Le choix de l’antiarythmique dépend de l’existence d’une cardiopathie sous-jacente et de la durée de l’accès de FA. Si le bilan réalisé chez le patient en FA met en évidence une cardiopathie structurelle, les antiarythmiques de classe I seront contre-indiqués et seule l’amiodarone sera utilisable en l’absence d’hyperthyroïdie (figure). S’il s’agit d’une FA paroxystique (durée ≤ 48 heures en général) et en l’absence de cardiopathie, flécaïnide et propafénone seront plus efficaces que l’amiodarone. Cette dernière sera préférée en cas de FA persistante (durée > 7 jours). Dans le cas particulier d’une FA survenant chez un patient porteur d’une voie accessoire à conduction antérograde et présentant une réponse ventriculaire rapide, le risque est la survenue d’une FV. Dans ce cas, la cardioversion se fera en milieu hospitalier en utilisant soit le flécaïnide IV soit une cardioversion électrique.   Efficacité des antiarythmiques actuellement disponibles   Flécaïnide Pour obtenir une cardioversion rapide, la voie intraveineuse sera préférée à la voie orale, surtout en milieu hospitalier. L’administration par voie intraveineuse se fait en 10 minutes à la posologie de 2 mg/kg. Elle permet une réduction dans la majorité des cas dans les 30 à 60 minutes. Lorsque la voie orale est utilisée, la cardioversion est obtenue dans 57 à 68 % des cas en 2 à 4 heures et dans 75 à 91 % des cas 8 heures plus tard. La posologie recommandée est de 4 mg/kg sans dépasser 300 mg. La FA sur voie accessoire est l’une des meilleures indications du flécaïnide, mais également en l’absence de cardiopathie structurelle sous-jacente. Les effets secondaires sont essentiellement la survenue d’une chute tensionnelle ou d’un flutter atrial à conduction rapide 1/1 dans le ventricule. La largeur des QRS doit être surveillée car une augmentation > 30 % doit faire arrêter la perfusion. Enfin, il ne faut pas oublier la contre-indication de cette molécule (et des antiarythmiques de classes IA et IC) que représente le syndrome de Brugada.   Propafénone L’efficacité de la propafénone est comparable à celle du flécaïnide (56 à 83 % de cardioversions obtenues sur des FA récentes) 2 à 6 heures après administration per os d’une posologie de 600 mg. Si la voie intraveineuse est utilisée, le taux de cardioversions est compris entre 41 et 91 % (posologie de 2 mg/kg en 10 à 20 minutes). Les effets secondaires sont identiques à ceux du flécaïnide. Du fait des propriétés de la propafénone, elle peut induire également un ralentissement modéré de la fréquence cardiaque.   Amiodarone En cas de cardiopathie structurelle, le flécaïnide et la propafénone sont contre-indiqués et l’amiodarone est alors le traitement de référence, que ce soit par voie intraveineuse ou per os, nécessitant alors une forte dose de charge pour accélérer son effet. L’efficacité de l’amiodarone est moindre que celle des antiarythmiques précédemment cités jusqu’à la 8e heure après leur administration. Toutefois, à la 24e heure, la différence d’efficacité de ces molécules disparaît. À l’inverse, lorsqu’il s’agit d’une FA persistante ayant duré plus de 48 heures, l’amiodarone est plus efficace que les antiarythmiques de la classe IC du fait de ses propriétés électrophysiologiques. L’efficacité de la voie intraveineuse est comprise entre 34 et 69 % en utilisant une injection de 3 à 7 mg/kg en 30 à 60 minutes et entre 55 et 95 % si le bolus est suivi par une perfusion (900 à 3 000 mg/j). Du fait de la toxicité veineuse du produit, une voie centrale est préférée. La posologie recommandée est de 5 mg/kg en 1 heure suivie de 50 mg/h. Si la voie orale est préférée, une dose de charge de 30 mg/kg est nécessaire. Outre l’hypotension ou la bradycardie en particulier sinusale mais aussi un bloc auriculo-ventriculaire, l’amiodarone peut entraîner un allongement du QT et plus rarement des torsades de pointe imposant la surveillance de l’ECG et de la kaliémie et l’interruption du traitement en cas d’allongement excessif du QT.   Le vernakalant Le vernakalant est un nouvel antiarythmique relativement sélectif de l’oreillette qui active le courant potassique rapide sortant IKur et faiblement inhibiteur des canaux sodiques. Plusieurs études ont déjà montré son efficacité et son intérêt pour obtenir une cardioversion rapide avec une tolérance très satisfaisante. Sur le plan électrocardiographique en particulier, il allonge très modérément le QRS et le QT. Les effets indésirables les plus fréquents sont la nausée, la toux, l’éternuement et la dysgueusie. Ces symptômes régressent rapidement à la fin du traitement qui est ponctuel. Les contre-indications de ce traitement sont : l’hypersensibilité au chlorhydrate de vernakalant ou à l’un des excipients, une instabilité hémodynamique (y compris une sténose aortique sévère), une pression artérielle systolique < 100 mmHg ou une insuffisance cardiaque de classe NYHA III ou NYHA IV, la présence d’un QT long avant traitement (non corrigé > 440 ms), une bradycardie sévère, une dysfonction sinusale ou un bloc auriculo-ventriculaire du deuxième et du troisième degrés, l’administration d’antiarythmiques par voie intraveineuse (classes I et III) dans les 4 heures précédant ou suivant l’administration de vernakalant, un syndrome coronaire aigu (incluant infarctus du myocarde) au cours des 30 jours précédents. Le vernakalant est utilisable uniquement par voie intraveineuse. Il est administré en perfusion de 10 min à la dose de 3 mg/kg suivie d’une seconde perfusion de 10 min à la dose de 2 mg/kg 15 min plus tard si nécessaire. Le temps médian de cardioversion sous vernakalant est de 10 à 12 min. À 90 minutes, la cardioversion est obtenue dans 50 % des cas. Ce traitement prometteur est utilisable en particulier aux urgences, permettant ainsi d’éviter l’hospitalisation.   Cardioversion en milieu hospitalier ou en ambulatoire ? Il s’agit d’une question récurrente pour laquelle aucune recommandation claire n’est encore disponible. Si la FA est mal tolérée, l’hospitalisation s’impose d’autant plus qu’il s’agit d’un sujet âgé ou ayant une cardiopathie sous-jacente. L’utilisation des antiarythmiques lors d’un premier accès de FA devrait être précédée d’un bilan minimal comportant en particulier une vérification de la kaliémie, de la fonction ventriculaire gauche, de la TSH et d’une surveillance de la tolérance clinique et électrocardiographique des antiarythmiques. Ces éléments sont donc plutôt en faveur d’une hospitalisation pour traiter un premier accès de FA puis, selon le profil du patient, traiter les accès ultérieurs en ambulatoire ou à domicile, en particulier par une prise unique d’un antiarythmique per os. Cette prise peut être prescrite ponctuellement par le médecin ou selon la stratégie pill-in-the-pocket si le profil du patient le permet.   La stratégie pill-in-the-pocket L’approche pill-in-the-pocket se résume à une auto-administration par le patient (sur prescription) d’une dose unique d’antiarythmique par voie orale (flécaïnide 200 à 300 mg ou propafénone 600 mg par exemple), afin de limiter la durée d’un accès de tachycardie gênante qui se prolonge. Il est préférable toutefois, en raison des effets secondaires potentiels (bloc auriculo-ventriculaire, bloc de branche, allongement du QT, syndrome de Brugada), de vérifier leur innocuité au cours d’une hospitalisation lors de la 1re prise. Par ailleurs, il faut s’assurer de la compréhension du patient pour éviter des surdosages graves en antiarythmique. Cette approche a été évaluée par Alboni et coll. en 2004 et a entraîné une diminution significative du nombre d’hospitalisations avec une efficacité dans 94 % des cas. Dans cette étude, le traitement a été utilisé en moyenne 36 minutes après le début des symptômes qui se sont amendés en moyenne 113 minutes plus tard. Des effets secondaires sont survenus dans 7 % des cas, la plupart du temps non cardiaques. Un cas de flutter à conduction rapide a été rapporté. De ce fait, dans les dernières recommandations européennes, cette approche est considérée acceptable et sûre chez des sujets sélectionnés avec des accès paroxystiques peu fréquents. Toutefois, elle n’est pas conseillée en cas d’altération de la fonction ventriculaire gauche, de cardiopathie ischémique.

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