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Thrombose

Publié le 03 avr 2012Lecture 6 min

Avancées récentes dans l’athérothrombose

P. SABOURET, Institut du Cœur, Pitié-Salpêtrière, Paris

L’agrégabilité plaquettaire constitue la pierre angulaire des manifestations aiguës athérothrombotiques, qui représentent toujours la principale cause de mortalité dans les pays industrialisés et progressent dans les pays émergents. L’arrivée de nouveaux AAP et la place d’un traitement guidé par les tests biologiques restent à définir.

Les nouveaux antiagrégants plaquettaires Le prasugrel et le ticagrelor qui inhibent les récepteurs P2Y12, en procurant une inhibition plus rapide, plus puissante, avec une moindre variabilité par rapport au clopidogrel, ont démontré un bénéfice significatif sur la réduction des événements ischémiques majeurs, qui s’est traduit par une réduction du risque relatif de l’ordre de 20 % sur des critères cliniques « durs » (figures 1 et 2) en analyse combinée (infarctus du myocarde, décès vasculaires, accidents cérébraux), avec pour « prix à payer » un surcroît d’hémorragies mineures et/ou majeures (figure 3), qui a conduit la FDA (Food and Drug Administration) et l’EMEA (agence européenne du médicament) à déconseiller l’emploi du prasugrel à 10 mg chez les patients âgés de > 75 ans et/ou de poids < 60 kg, et à le contre-indiquer en cas d’antécédents d’AVC chez les patients présentant un syndrome coronarien aigu (SCA). Figure 1. PLATO : critère primaire (décès CV, IDM ou AVC). Figure 2. TRITON-TIMI 38 : critère primaire (décès CV, IDM, AVC). Figure 3. Évolution dans le SCA. Seule une étude randomisée comparative entre le prasugrel et le ticagrelor permettrait de déterminer les avantages éventuels de l’un par rapport à l’autre. L’analyse indirecte, comparativement au clopidogrel 75 mg, montre que les bénéfices du prasugrel sont particulièrement marqués chez les patients avec STEMI (figure 4), les patients diabétiques, et sur la réduction des thromboses de stent, alors que le ticagrelor montre une réduction du risque relatif plus modéré sur le STEMI, la thrombose de stent, avec une tendance favorable ; bien que statistiquement non significative, sur le groupe des patients diabétiques, contrebalancée par la réduction sur la mortalité cardiovasculaire. Figure 4. Sécurité = Hémorragies majeures (TIMI) non liées aux pontages (suivi : 12-15 mois). La métaanalyse de Biondi-Zonchai, qui n’a pas été réalisée sur des données individuelles, et donc présente des limites méthodologiques, compare le ticagrelor au prasugrel, et objective une efficacité supérieure du prasugrel versus le ticagrelor sur les événements ischémiques, avec une tendance inverse sur les accidents hémorragiques. L’étude PLATO a inclus des patients NSTEMI, traités médicalement avec un bénéfice clinique versus le clopidogrel, justifiant la place des nouveaux antiagrégants plaquettaires dans les nouvelles recommandations européennes, la place du prasugrel dans ce sous-groupe de patients sera précisée prochainement dans l’étude TRILOGY, dont les résultats sont attendus cette année.   Le suivi post-SCA L’accent a été porté sur l’éducation thérapeutique des patients coronariens au décours des SCA, il faut insister sur la nécessité d’optimiser les filières dans la prise en charge des patients coronariens aux différentes étapes de la maladie, avec l’utilisation insuffisante des moyens non pharmacologiques, dont les bénéfices cardiovasculaires ont été clairement démontrés, notamment pour la réadaptation cardiovasculaire en post-SCA. Les données épidémiologiques des études récentes (EUROASPIRE III, FAST-MI, REACH) montrent que l’application de la médecine fondée sur les preuves est insuffisante en prévention secondaire, notamment coronarienne (figure 5). Figure 5. Prescriptions post-SCA dans les registres chez les patients revascularisés vs les non revascularisés. La durée optimale de la bithérapie antiagrégante plaquettaire est de 12 mois selon les dernières recommandations européennes. Une certaine confusion a été induite par l’étude PRODIGY, qui semblait démontrer une équivalence entre une bithérapie d’une durée de 6 mois versus 24 mois sur les événements ischémiques, avec pour limites majeures les caractéristiques des patients, puisque 25 % d’entre eux n’étaient pas dans la situation de SCA mais avaient une revascularisation coronarienne élective, et la taille de l’effectif. Une étude majeure est en cours pour confirmer ou infirmer ces données nouvelles, en sachant que la durée de la bithérapie demeure d’un an, sur les données de trois études majeures (CURE, TRITON-TIMI 38, PLATO). Ce maintien à un an est souvent difficile, soit par le non-respect des recommandations par les médecins (étude ST-Témoin) (figure 6), soit par les arrêts intempestifs des traitements par les patients eux-mêmes, de l’ordre de 15 % dans les premiers mois pour le clopidogrel ou le prasugrel, sans consulter leur médecin traitant ou cardiologue dans 80 % des cas, alors que l’immense majorité des hémorragies extra-hospitalières est représentée par des phénomènes mineurs. Il sera intéressant de connaître l’observance du ticagrelor dans ce contexte, qui présente l’inconvénient de la double prise quotidienne et d’effets indésirables spécifiques (pauses ventriculaires, dyspnée, etc.) qui peuvent constituer une entrave à l’observance, fondamentale au décours des SCA. Figure 6. Registre S-Témoin : prise en charge antiagrégante des patients SCA ST-. Test(s) ou pas de test ? La question de l’intérêt des tests d’agrégabilité plaquettaire et/ou des tests génétiques a été également abordée. Là encore, une certaine confusion règne sur la base de publications en apparence contradictoires. Les conclusions des auteurs ayant réalisé les études ou métaanalyses divergent en raison très probablement de la méthodologie employée. Si l’on résume l’ensemble des données, l’emploi des tests d’agrégabilité plaquettaire et/ou des tests génétiques ne doit pas être réalisé actuellement en routine. L’intérêt de ces tests semble concentré dans le cadre des SCA avec revascularisation percutanée, en sachant que la valeur prédictive positive (VPP) des tests d’agrégabilité pris isolément est faible (de l’ordre de 30 %), des études étant en cours pour évaluer la VPP selon un algorithme combinant tests plaquettaires, analyses génétiques et caractéristiques cliniques (diabète, insuffisance rénale, âge, etc.). En dehors des études randomisées en cours, les tests d’agrégabilité plaquettaires et les analyses génétiques peuvent être proposés en cas de thrombose de stent, même si les causes sont multifactorielles, ou mise en place d’un stent sur le tronc commun gauche. Des études pharmaco-économiques sont attendues pour déterminer la stratégie optimale dans ce domaine, car si les tests génétiques et/ou plaquettaires ont un coût, prendre un traitement au long cours chez un patient non répondeur en a également un, à la fois économique, mais aussi pronostique. À la phase aiguë, l’enoxaparine IV a démontré un bénéfice clinique net par rapport à l’héparine non fractionnée dans les SCA (étude ATTOLL) et devrait supplanter cette dernière dans les salles de cathétérisme. Concernant les nouveaux anticoagulants, leurs bénéfices ont été démontrés versus les AVK dans 3 études dans le cadre de la FA (RELY, ROCKET-AF, ARISTOTLE), alors que la place des antiagrégants est tenue (ACTIVE-A), l’inverse peut s’appliquer pour les SCA, où la bithérapie antiagrégante plaquettaire se taille la part du lion, alors que les nouveaux anticoagulants n’ont pas leur place, ou une place restreinte très ciblée, en association avec une bithérapie aspirine-thiénopyridines ou apparentés.   Gestion péri-opératoire des nouveaux AAP La gestion de l’arrêt des nouveaux antiagrégants et anticoagulants a fait l’objet de recommandations de la SFAR (Société Française des Anesthésistes Réanimateurs), reposant sur un consensus qui fournit un cadre et un support juridique pour les cardiologues praticiens. Une solution pour la gestion péri-opératoire pourrait être entrevue avec l’emploi du ticagrelor, de retour sur scène dans l’étude BRIDGE, même si ses détracteurs soulignent qu’il ne s’agissait pas d’une étude portant sur les événements cliniques mais sur le PRU (Platelet Reactivity Unit), et que le comparateur était le placebo, critique à pondérer par le fait que les différentes héparines n’ont jamais démontré le moindre bénéfice lors des relais péri-opératoires des patients sous thiénopyridines.   En pratique   L’athérothrombose demeure un problème majeur dans le monde et en particulier dans les pays industrialisés. Les nouveaux antiagrégants ont conquis une place importante dans les SCA chez les patients revascularisés notamment, avec un bénéfice particulièrement marqué dans le STEMI, la réduction de la thrombose de stents, et pour les patients diabétiques. La place des tests antiagrégants plaquettaires et des analyses génétiques reste à définir, leur utilisation n’étant actuellement pas recommandée en routine, mais pouvant s’avérer pertinente pour certains sous-groupes de patients à haut risque athérothrombotique. Les études en cours préciseront la stratégie optimale dans le cadre des SCA, en sachant l’immense fossé qui reste à combler entre les données des études randomisées et celles des registres, soulignant les efforts à fournir pour la formation médicale continue et l’éducation thérapeutique des patients.

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