Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 15 jan 2013Lecture 9 min
Prise en charge des patients resynchronisés - Le consensus EHRA-HRS 2012
J.-C. DAUBERT, CHU de Rennes
Ce document de consensus publié simultanément dans Europace et Heart Rhythm(1) en août 2012, a été rédigé sous l’égide de l’EHRA et de la HRS par 30 cardiologues américains et européens représentant 7 sociétés savantes (American Heart Association, American Society of Echocardiography, European Association of Echocardiography, European Heart Rhythm Association [EHRA], Heart Failure Association of the ESC, Heart Failure Society of America, Heart Rhythm Society [HRS]). Pour permettre un réel consensus, le comité a fait appel à des compétences variées : électrophysiologistes, spécialistes de l’insuffisance cardiaque et spécialistes d’imagerie cardiaque.
L’objectif n’était pas d’écrire de nouvelles recommandations sur les indications cliniques de la CRT, mais d’établir un consensus international sur les aspects pratiques de la prise en charge du patient avant, pendant et après implantation.
Les indications de resynchronisation se sont multipliées depuis 2 ans(1-3), issues soit des électrophysiologistes, soit des spécialistes de l’’insuffisance cardiaque, rarement des deux réunis. Les « ESC guidelines on cardiac pacing and cardiac resynchronization therapy » viendront compléter le tableau en 2013 ; il s’agira cette fois d’une version « électrophysiologistes ». Les esprits avertis auront noté des divergences sensibles d’un document à l’autre. Elles peuvent surprendre car l’évidence clinique devrait être commune à tous les comités de rédaction. Il semble que l’interprétation des preuves diffère selon qu’on est spécialiste de l’insuffisance cardiaque ou électrophysiologiste. Il serait hautement souhaitable qu’à l’avenir les deux communautés se rapprochent pour parler un même langage ! Mais là n’est pas le propos de EHRA-HRS consensus statement. L’objectif est différent. Il part du constat que cette thérapie, née il y a bientôt 20 ans (en France) et maintenant validée par des preuves solides, connaît un développement très important dans le traitement de l’insuffisance cardiaque. En 2011, plus de 200 000 nouveaux appareils (CRT-D et CRT-P) ont été implantés à travers le monde. Le moment est venu d’établir un consensus international sur les aspects pratiques de la prise en charge du patient avant, pendant et après l’implantation (suivi à court et à long terme). Ce document a une double ambition : faire une revue exhaustive « state of the art » du sujet ; pour ce faire, plus de 350 références ont été analysées ; émettre des recommandations pratiques de consensus là où les preuves scientifiques font défaut ; pour être retenues, les recommandations devaient être approuvées par 70 % au moins des membres du comité de rédaction. Au total, 45 recommandations ont été émises et classées en trois niveaux : « est recommandé » (équivalent d’une recommandation de classe I dans les guidelines) ; « peut être utile » (équivalent d’une recommandation de classe II) et « n’est pas recommandé » (équivalent d’une recommandation de classe III). Le document final est organisé en 6 chapitres.
Évaluation pré-implantation
(Recommandations I)
Objectifs
Identifier une contre-indication temporaire à l’implantation, s’assurer que la procédure d’implantation peut être réalisée dans les meilleures conditions de sécurité, recueillir les données de base (bilan minimum) qui permettront l’évaluation ultérieure de la réponse au traitement, enfin la gestion optimale du traitement médicamenteux avant et pendant la procédure d’implantation.
Principaux points discutés
• Faut-il optimiser le traitement médical de l’insuffisance cardiaque avant la décision de CRT ? Idéalement, les patients devraient être traités avec les médicaments recommandés dans les guidelines à une posologie stable depuis au moins 3 mois.
• Faut-il réaliser une évaluation fonctionnelle objective avant l’implantation ? Une évaluation cardio-respiratoire à l’effort et un questionnaire de qualité de vie peuvent être utiles comme base de comparaison.
• Faut-il identifier la cause ischémique ou non ischémique de l’insuffisance cardiaque ? Oui, car elle peut influer sur la réponse.
• Comorbidités et espérance de vie : l’évolution clinique après CRT dépend plus des comorbidités que de la situation cardiaque initiale. Les recommandations déconseillent l’implantation d’un CRT-D chez les patients dont l’espérance de vie avec bonne qualité de vie, est inférieure à 1 an.
• Quelle imagerie cardiaque réaliser en préopératoire ? En dehors de l’écho-Doppler de base indispensable pour évaluer la fraction d’éjection et les dimensions du VG, la place de l’imagerie cardiaque reste limitée. L’évaluation de l’asynchronisme mécanique ne doit pas intervenir dans l’indication clinique. L’apport de l’imagerie de coupe (IRM et scanner cardiaque) reste à préciser.
• En revanche, l’ECG de surface garde une place essentielle dans l’indication de CRT et l’évaluation de la réponse après CRT. La mesure de la durée de QRS et la détermination de sa morphologie (aspect de BBG typique) sont les paramètres les plus importants.
• La gestion périopératoire du traitement médicamenteux hors insuffisance cardiaque, fait l’objet de recommandations, concernant en particulier les antithrombotiques.
Procédure d’implantation
(Recommandations II)
Objectifs
Ce chapitre coordonné avec maestria par Jag Singh (Boston, États-Unis) est un véritable guide pratique pour l’implantation des systèmes de CRT, en particulier la sonde ventriculaire gauche.
Principaux points discutés
Sont abordés successivement : l’environnement en salle d’implantation, le mode d’anesthésie, le choix du côté : gauche plutôt que droit, les accès veineux périphériques, l’ordre d’implantation des sondes (VD en premier), le choix et le positionnement de la sonde VD, l’intérêt controversé du test de défibrillation peropératoire en cas de CRT-D, l’opacification du réseau veineux coronaire, le choix de la sonde VG, les techniques d’imagerie peropératoire, le positionnement de la sonde VG (standard ou guidé par l’imagerie), le test de stimulation phrénique, le choix de configuration électronique pour la stimulation VG, les particularités techniques des procédures d’upgrading, les techniques interventionnelles pour faciliter l’accès au réseau veineux coronaire, les techniques alternatives d’implantation d’une sonde VG (épicardique chirurgicale, endocardique…).
Chacune des étapes fait l’objet de conseils pratiques et, quand cela est souhaitable, de recommandations.
Évaluation postopératoire
(Recommandations III)
Objectifs
Vérifier l’absence de complications périopératoires, s’assurer de la stabilité clinique du patient et du bon fonctionnement du système de CRT, réaliser la programmation initiale de l’appareil.
Principaux points discutés
L’identification et la prévention des complications périopératoires sont discutées. La réalisation d’une radiographie face/profil est recommandée après l’intervention pour éliminer un pneumothorax/hémothorax, déterminer la position exacte de l’électrode VG et identifier un déplacement précoce. Un ECG-12 D doit être enregistré avant la sortie de l’hôpital pour vérifier la capture biventriculaire et évaluer durée et morphologie du QRS stimulé. Il servira de référence pour le suivi ultérieur. Les paramètres de programmation les plus importants à contrôler avant la sortie de l’hôpital sont le mode (VDD/DDD en cas de rythme sinusal ; DDIR/VVIR en cas de FA), les fréquences basse et haute en rappelant que le patient resynchronisé est avant tout un insuffisant cardiaque et qu’il convient de ne pas imposer des fréquences trop rapides (en règle, 50-60 bpm pour le rythme de base). Les délais AV et VV sont habituellement maintenus à leurs valeurs nominales.
Une échocardiographie standard n’est recommandée en postopératoire qu’en cas de suspicion clinique de complication. L’évaluation de la réponse aiguë à la CRT et l’optimisation individuelle des délais AV et VV ne sont pas recommandés en routine.
Suivi après l’implantation
(Recommandations IV)
Objectifs
Les principaux objectifs de suivi chez le patient CRT sont d’optimiser son statut d’insuffisant cardiaque et d’adapter la programmation de l’appareil pour qu’il délivre une resynchronisation pleinement efficace et assure une réponse optimale. Dans l’idéal, le suivi est assuré par une équipe de soins avec expertise en insuffisance cardiaque et dans le suivi des appareils de CRT. Il repose sur les visites périodiques dans le centre et la revue des données de télésurveillance.
Principaux points discutés
Les modalités de suivi du patient insuffisant cardiaque resynchronisé sont décrites en détail : analyse des symptômes, évaluation fonctionnelle objective (tests d’effort, scores de qualité de vie), évaluation périodique de la fonction cardiaque essentiellement par échocardiographie… Une gradation des investigations et un calendrier type sont proposés pour le suivi. Après l’implantation, l’optimisation du traitement médicamenteux de l’IC doit être poursuivie en accord avec les recommandations internationales. En cas de non-réponse et d’aggravation du statut d’IC, le recours à d’autres thérapeutiques non médicamenteuses, en particulier l’implantation d’un système d’assistance VG ou une transplantation cardiaque, doit être discuté.
La télésurveillance joue un rôle essentiel dans le suivi de l’appareil de CRT mais ne dispense pas d’un suivi clinique régulier dans le centre car le patient est et reste un insuffisant cardiaque. Les limites actuelles du monitoring hémodynamique continu par système implantable sont discutées. Ce mode de surveillance ne peut être encore utilisé en routine.
Évaluation de la réponse à la CRT
(Recommandations V)
Objectifs
Comment et quand évaluer la réponse à la resynchronisation ? Que faire en cas de non-réponse ?
Principaux points discutés
Les différents critères de réponse sont analysés allant des plus « durs » (événements cliniques majeurs : décès, transplantation, hospitalisation pour IC) aux plus « doux » (classe NYHA) en passant par les critères intermédiaires, dont le remodelage VG. En pratique, il n’existe pas de critère unique pour caractériser la réponse à la CRT. Elle ne peut être évaluée que sur un ensemble de paramètres associant symptômes, évaluation fonctionnelle objective, événements cliniques, et éventuellement remodelage ventriculaire. La conférence de consensus n’a pu valider un critère composite acceptable par une majorité de ses membres. Malgré ces limites, il faut essayer d’identifier les patients non répondeurs sur un faisceau d’arguments, et développer une stratégie d’identification et de traitement des causes potentiellement réversibles : optimisation du traitement médicamenteux de l’IC, meilleure délivrance de la resynchronisation (% de capture biventriculaire), traitement médicamenteux ou interventionnel des arythmies atriales (FA) ou ventriculaires (extrasystoles nombreuses). L’intérêt d’optimiser individuellement les délais AV ou VV, de repositionner une ou plusieurs sondes implantées, ou d’ajouter des sondes complémentaires reste à démontrer.
Questions diverses
Dans ce dernier chapitre, sont abordés des problèmes plus spécifiques : le patient CRT avec FA ; le patient dialysé ; les critères de choix entre CRT-P et CRT-D ; les stratégies d’upgrading (passage de CRT-P à CRT-D) ou à l’inverse de downgrading (passage de CRT-D à CRT-P) lors d’un changement de boitier ; le patient CRT en fin de vie ; l’éducation du patient CRT ; les aspects coût-efficacité…
Aucun de ces points spécifiques ne fait l’objet de recommandations.
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