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Vasculaire

Publié le 15 mar 2011Lecture 9 min

Accidents vasculaires cérébraux de la femme

F. WOIMANT et D. HERVÉ, Hôpital Lariboisière, Paris

L’accident vasculaire cérébral (AVC) de la femme est un réel problème de santé publique en raison de :
– sa fréquence : le nombre de femmes hospitalisées pour un AVC augmente régulièrement ;
– sa gravité : le pronostic de l’AVC est plus sévère chez la femme que chez l’homme ; l’AVC est  la première cause de mortalité chez la femme en France ; la prévalence et la fréquence des institutionnalisations et des démences vasculaires sont plus élevées chez la femme.  
Cet article rappelle quelques données épidémiologiques, fait le point sur les particularités de la pathologie neurovasculaire de la femme, en particulier lors de la grossesse, du post-partum et de la ménopause, et en relation avec les traitements.

Épidémiologie L’incidence des AVC est plus basse chez les femmes que chez les hommes L’incidence des AVC sur la ville de Dijon est de 113,5 cas pour 100 000 personnes-années. Cette incidence est plus élevée chez l’homme (115,7) que chez la femme (111,7) pour tous les sous-types d’AVC, sauf pour l’hémorragie méningée (1,4 versus 2,6). Si l’incidence des AVC est stable dans ce registre depuis 1985, l’âge moyen de survenue du premier AVC a augmenté en 20 ans de 5 ans pour les hommes (66,0 ans en 1985 et 71,7 en 2006) et de 8 ans pour les femmes (67,8 en 1985 et 75,7 en 2006)(1). Les hospitalisations en court séjour pour AVC deviennent plus fréquentes pour les femmes que pour les hommes En France, sur l’année 2007, 120 982 personnes ont été  hospitalisées en court séjour pour AVC ou accident ischémique transitoire (AIT). En dépit d’une incidence moindre des AVC chez la femme, les séjours féminins sont plus fréquents (50,3 % des séjours). Ceci s’explique par la plus grande longévité féminine, comme le montre la répartition des séjours en fonction de l’âge. Près d’un tiers des hommes victimes d’AVC ont moins de 65 ans lors de leur hospitalisation et moins de 20 % des femmes. À l’inverse, 30 % des femmes hospitalisées avaient plus de 80 ans et seulement 14 % des hommes (tableau 1)(2). L’AVC est plus sévère chez la femme L’AVC est la première cause de mortalité chez la femme En 2004, 19 502 femmes sont décédées de maladie cérébrovasculaire et 13 985 hommes. Le taux standardisé de décès par âge pour 100 000 habitants en France métropolitaine pour les années 2000-2004 est de 43,8 pour les maladies cérébrovasculaires chez la femme. Par comparaison, il est de 29,5 pour les cancers du sein(3). L’AVC est la première cause de mortalité de la femme. Le pronostic de l’AVC en termes de handicap et de qualité de vie est moins bon chez la femme Les femmes ont, après un AVC, une moins bonne qualité de vie et une plus grande dépendance que les hommes(4). Plusieurs explications sont proposées et encore discutées. Les femmes victimes d’AVC sont plus âgées, et seulement 78 % seraient autonomes avant l’AVC, contre 87 % des hommes(5). Les infarctus cérébraux (IC) de la femme sont plus sévères, ce qui pourrait être expliqué en partie par l’étiologie principale des IC de la femme qu’est l’arythmie cardiaque (tableau 2)(6). Les étiologies cardio-emboliques sont plus fréquentes chez les femmes (27,9 % des IC féminins et 14,9 % des IC masculins), l’athérothrombose est plus fréquente chez les hommes (13 % des IC féminins et 25,3 % des IC masculins) ; le pourcentage d’infarctus cérébraux par maladies des petites artères diffère peu selon le sexe (8,9 % chez la femme et 12,6 % chez l’homme) Les infarctus cérébraux d’origine cardioembolique sont volontiers plus sévères que ceux d’autres étiologies. Les complications post-AVC sont plus fréquentes chez la femme, qu’il s’agisse des infections respiratoires, urinaires ou de la dépression(4). Particularités des AVC de la femme jeune Étiologies Les étiologies des infarctus cérébraux (IC) des sujets jeunes sont par ordre de fréquence : la dissection (10 à 23 %), l’athérothrombose (5 à 27 %), les embolies cardiaques (5 à 21 %), la maladie des petites artères (3 à 5 %). Aucune cause n’est retrouvée chez 15 à 40 % des patients(4). Si l’étiologie athéromateuse est plus fréquente chez l’homme, les causes rares comme la dysplasie fibromusculaire, le syndrome des antiphospholipides, l’artérite de Takayashu ou le SICRET syndrome (Small Infarcts in the Cochlear, Retinal and Encephalic Tissues) sont plus fréquents chez la femme. Le SICRET syndrome ou syndrome des micro-infarctus rétiniens, cochléaires et cérébraux, est une affection rare associant des occlusions des branches de l’artère centrale de la rétine et des artérioles terminales cochléaires et cérébrales. Il touche habituellement la femme jeune et peut se révéler par un infarctus cérébral. Sa physiopathologie n’est pas connue et sa prise en charge thérapeutique n’est pas actuellement codifiée(8). Grossesse et post-partum Le risque cérébrovasculaire n’est pas augmenté de façon notable pendant la grossesse. Mais, il est multiplié par plus de 12 durant la période du post-partum, et concerne les infarctus, les hémorragies et les thromboses veineuses(9) (tableau 3). Les facteurs de risque principaux sont l’hypertension artérielle (HTA) gravidique, l’âge maternel, la réalisation d’une césarienne(10). L’enquête étiologique d’un AVC survenant pendant la grossesse ou en post-partum doit être rigoureuse recherchant une cause classique d’AVC du sujet jeune (telle la dissection) ou une cause spécifique : • l’éclampsie est à l’origine de près de la moitié des IC et des hémorragies cérébrales (HC) de la grossesse en France. Elle complique environ 5 % des grossesses et se manifeste après 20 semaines d’aménorrhée par une protéinurie et une HTA. Elle peut s’accompagner d’un syndrome biologique associant thrombopénie, cytolyse hépatique et hémolyse réalisant le HELPP syndrome (Hemolysis, Elevated Liver enzymes, Low Platelets). L’éclampsie complique < 1 % des prééclampsies(11). Les symptômes associent céphalées, troubles de la vigilance, crises épileptiques, troubles visuels et déficits focaux. L’imagerie cérébrale montre des lésions symétriques, cortico-sous-corticales, prédominant en pariéto-occipital, comparables à celles décrites dans les encéphalopathies postérieures réversibles (figure 1).   • Les autres étiologies spécifiques des infarctus cérébraux de la grossesse sont plus exceptionnelles : choriocarcinome placentaire, embolie amniotique, cardiomyopathie gravido-puerpuérale. Figure 1. IRM Flair : Hypersignaux symétriques pariéto-occipitaux, au cours d’une éclampsie. • L’angiopathie du postpartum se révèle, après une grossesse normale, dans un délai de quelques jours à quelques semaines, par des céphalées intenses, souvent en coup de tonnerre, pouvant de répéter à quelques jours d’intervalle, des vomissements, parfois des crises d’épilepsie ou des déficits focaux. L’angiographie montre de multiples rétrécissements segmentaires des artères intracrâniennes de grand et moyen calibre (figure 2). Le mécanisme physiopathologique évoqué est le vasospasme, parfois favorisé par des médicaments vasoconstricteurs : ocytociques, bromocriptine, sympathomimétiques, sérotoninergiques. Les lésions vasculaires sont réversibles L’évolution est le plus souvent favorable ; elle peut toutefois se compliquer d’une hémorragie intracrânienne ou d’infarctus(12). Figure 2. Angio IRM : rétrécissements segmentaires des artères intracrâniennes de grand et moyen calibre au cours d’une angiopathie du post-partum. • L’hémorragie cérébrale de la grossesse est le plus souvent secondaire à une éclampsie, à une HTA ou à la rupture d’une malformation vasculaire. Le rôle de la grossesse sur le risque de rupture des malformations vasculaires reste controversé. L’incidence des thromboses veineuses cérébrales varie de 2 à 20 pour 100 000 accouchements dans les pays occidentaux. Elles surviennent dans 95 % des cas durant la 2e ou la 3e semaine du post-partum. La stase sanguine, la survenue de lésions des parois veineuses lors de efforts d’expulsion et l’état d’hypercoagulabilité du post-partum jouent probablement un rôle favorisant. Il est néanmoins indispensable de rechercher une autre cause associée, telle une thrombophilie(13). AVC, contraception orale et traitement hormonal de la ménopause Contraception orale et infarctus cérébraux Deux métaanalyses ont montré que la contraception orale (CO) est associée à un risque accru d’infarctus cérébraux(14). L’association existe quel que soit la génération de pilule et le dosage d’estrogènes ; elle est plus faible avec les pilules de dernière génération et celles microdosées (OR : 4,53 si > 50 µg d’estrogènes et 2,08 si < 50 µg d’estrogènes)(15).  Compte tenu de la très faible incidence des AVC chez les femmes jeunes, l’augmentation de risque absolu est très faible. En revanche, les femmes âgées de > 35 ans ou ayant des facteurs de risque (HTA, tabac, diabète), des migraines (avec aura) ou un antécédent d’accident thromboembolique ont un risque plus élevé(16). Pour la Haute Autorité de Santé (HAS), « un antécédent d’AIT ou d’IC est une contre-indication formelle et définitive à la prescription d’une CO estroprogestative. Il est recommandé d’adopter une contraception non hormonale. Le cas échéant, si une contraception hormonale est souhaitée, il est possible de prescrire une CO par progestatif seul (microprogestatifs ou implant ou DIU au lévonorgestrel) »(17). Contraception orale et hémorragies cérébrales L’influence de la CO sur le risque d’accident hémorragique est mal connue et reste controversée. Contraception orale et thrombose veineuse cérébrale Dans l’étude International Study on Cerebral Vein and Dural Sinus Thrombosis (ISCVT), 46 % des femmes ayant une thrombose veineuse cérébrale (TVC) prenaient des contraceptifs oraux (CO)(13). La contraception orale estroprogestative n’est souvent qu’un facteur favorisant et d’autres causes associées telles que les thrombophilies constitutionnelles doivent être systématiquement recherchées(18). Traitement hormonal de la ménopause (THM) et infarctus cérébraux L’hormonothérapie substitutive par voie orale est associée à une augmentation du risque d’infarctus cérébral. Une métaanalyse portant sur 28 essais randomisés (près de 40 000 femmes) a montré une augmentation du risque d’AVC de 29 % sous THS liée à un risque accru d’infarctus cérébraux, sans excès d’hémorragies cérébrales(19). Le traitement était associé à un pronostic fonctionnel plus sévère des AVC. Ces résultats étaient homogènes quels que soient le type de THM (estro-progestatifs ou estrogènes seuls) et la durée du suivi ou qu’il s’agisse d’études de prévention primaire ou secondaire. Toutefois, il est certain que l’extrapolation des résultats des études américaines en France est délicate en raison des différences notables entre les molécules utilisées sur les deux continents. De plus, ces études ont été réalisées chez des femmes de plus de 60 ans, et peut être faut-il envisager le THM plus précocement. Une récente étude cas-témoins montre que l’administration par voie transdermique d’estrogènes à faible dose, associés ou non à des progestatifs, n’entraine pas d’augmentation du risque d’AVC(20). Ces résultats devront être confirmés par des études randomisées. La HAS recommande « d’arrêter le THM après un IC ou un AIT (grade A). En cas de symptômes altérant la qualité de vie de la patiente ou de risque élevé d’ostéoporose chez une patiente intolérante aux autres thérapeutiques de prévention de cette affection, une reprise éventuelle du THM peut être discutée »(17). Traitement Prévention primaire Une métaanalyse de 6 essais randomisés sur la prévention primaire par aspirine montre que l’aspirine réduit significativement chez la femme le risque d’AVC de 19 %, mais ne réduit pas le risque d’infarctus du myocarde (IDM). L’inverse est observé chez l’homme : réduction de 32 % du risque d’IDM et pas d’effet sur le risque d’AVC(21). Les raisons de ces effets spécifiques en fonction du sexe ne sont pas claires. Traitement à la phase aiguë La plupart des études ne montrent pas de différence dans le délai entre les premiers symptômes et l’arrivée à l’hôpital en fonction du sexe. Par contre le délai intrahospitalier (en particulier « door to scan ») est plus long pour la femme qui a, de plus, moins fréquemment accès aux explorations ultrasonores cervicales et cardiaques durant l’hospitalisation(4). Après ajustement sur l’âge, la race, les comorbidités, le traitement thrombolytique est significativement moins fréquemment administré aux femmes avec un OR de 0,77 (0,72-0,82) dans l’étude de Schumacher(22) et de 0,58 (0.20–0.81) dans celle de Reid(5). Pourtant le rt-PA est aussi voire plus efficace dans les infarctus cérébraux de la femme(23). Le traitement médical de prévention de récidives ne semble pas différer en fonction du sexe. Chirurgie carotidienne Les femmes ont un risque spontané d’infarctus cérébral (IC) sur une sténose athéroscléreuse carotidienne inférieur à celui des hommes, et un plus haut risque de complications liées à l’endartériectomie. Le bénéfice de la chirurgie carotidienne est démontré dans les sténoses symptomatiques serrées > 70 %. Chez la femme, il est faible pour les sténoses symptomatiques modérées (50-69 %) et pour les sténoses asymptomatiques serrées (> 60 %)(24). En pratique L’incidence des AVC étant fortement corrélée à l’âge et l’espérance de vie des femmes étant plus élevée que celle des hommes, les femmes sont davantage victimes d’AVC que les hommes. L’impact social de cette pathologie est majeur et va encore augmenter dans les années à venir du fait du vieillissement de la population : pertes d’autonomie conduisant à l’institutionnalisation, et démences post-AVC sont déjà plus fréquentes chez la femme que chez l’homme. Le postpartum est une période à risque vasculaire élevé, l’éclampsie reste la première cause d’AVC. Sur le plan thérapeutique, l’aspirine est plus efficace chez la femme en prévention primaire des infarctus cérébraux ; l’effet bénéfice/risque de la chirurgie carotidienne est moins important ; la thrombolyse serait plus efficace, mais la prise en charge en phase aiguë est moins satisfaisante.

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