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Valvulopathies

Publié le 24 mar 2009Lecture 10 min

Apport de l'évaluation à l'effort dans le RAC asymptomatique

P. LANCELLOTTI, M. MOONEN, L. PIERARD Université de Liège, CHU Sart Tilman, Liège, Belgique

Les Journées européennes de la SFC

Les recommandations actuelles (européennes : ESC (Ic), américaines : ACC/AHA (IIb)) proposent une stratification du risque individuel dans le rétrécissement aortique calcifié (RAC), notamment par l’intermédiaire de la réalisation d’une épreuve d’effort. L’échocardiographie d’effort permet d’apprécier la tolérance à l’effort tout en permettant une évaluation hémodynamique cardiaque complète. Récemment, chez ces patients, la valeur pronostique incrémentielle de l’échocardiographie d’effort par rapport aux données échographiques de repos et aux résultats de l’électrocardiogramme d’effort a été rapportée par notre groupe.
Dans cet article de revue, nous brossons les indications, l’intérêt et les limitations du test d’effort et de l’échocardiographie d’effort.

Le rétrécissement valvulaire aortique calcifié (RAC) du sujet âgé est actuellement l’étiologie la plus fréquente de sténose aortique dans les pays développés, loin devant la maladie rhumatismale. Un patient sur 4 de plus de 65 ans est porteur d’une sclérose aortique qui évoluera vers la sténose dans approximativement un cas sur 6. Les symptômes du RAC sévère comprennent l’angor, la syncope et la dyspnée, dont l’apparition est associée à un très mauvais pronostic à court terme ; la chirurgie de remplacement valvulaire aortique (RVA) est formellement indiquée lorsqu’elle est possible. Chez les patients asymptomatiques, l’indication de RVA est plus difficile à poser. En effet, la chirurgie de RVA ne doit pas être réalisée trop tard dans l’évolution de la maladie, lorsque l’atteinte myocardique secondaire risque d’être irréversible et, inversement, une chirurgie trop précoce expose plus tôt le patient aux inconvénients et aux complications inhérentes à la chirurgie thoracique et aux prothèses valvulaires. La décision d’opérer un patient asymptomatique doit prendre en considération le rapport bénéfice/risque opératoire et le pronostic spontané de la maladie. Un RVA chez un patient asymptomatique ne doit être envisagé, selon les données actuelles, que chez des candidats sélectionnés, à faibles risques opératoires ou n’ayant pas facilement accès aux soins de santé, ce qui rend alors le suivi rapproché problématique. Figure 1. Table d’échocardiographie d’effort Test d’effort sur tapis roulant Une épreuve d’effort peut être réalisée chez les patients porteurs d’un RAC serré (surface valvulaire aortique < 1 cm2 ou < 0,6 cm2/m2 de surface corporelle) asymptomatique et éligible pour une chirurgie de RVA après un interrogatoire minutieux afin d’exclure tout symptôme pouvant être attribué à la sténose aortique et si aucune pathologie extracardiaque ne contre-indique ou empêche sa réalisation. Différents protocoles ont été utilisés dans les études évaluant l’intérêt du test d’effort : le protocole de Bruce modifié, le protocole de Knowlton, le protocole d’Ellestad. Tous ont employé un tapis roulant. Le test doit être réalisé sous la supervision d’un médecin avec surveillance rapprochée de l’électrocardiogramme (ECG) et de la pression artérielle (PA). Figure 2. Sous-décalage du segment ST chez un patient porteur d’un RAC serré asymptomatique. L’épreuve doit être interrompue en cas de survenue des événements suivants : - dyspnée précoce, douleur thoracique, vertiges ou syncope ; - chute ou faible augmentation de la PA (≤ 20 mmHg) ; - sous-décalage horizontal ou descendant du segment ST ? 2 mm ; - > 3 extrasystoles ventriculaires consécutives ou salve de tachycardie ventriculaire. Figure 3. Évaluation échographique d’un patient porteur d’un RAC serré asymptomatique. A) repos, B) effort, C) évaluation de la fonction ventriculaire gauche. GPM : Gradient moyen de pression transvalvulaire aortique, Sao : surface valvulaire aortique, GTT : gradient transtricuspide, FE : fraction d’éjection, PSv : pic de vélocité systolique à l’anneau, SLG : déformation longitudinale globale. La valeur du test d’effort a été démontrée en prédiction de la survenue de symptômes et d’événements cardiovasculaires. Das et coll. ont démontré prospectivement que le test d’effort réalisé chez les patients porteurs d’un RAC serré asymptomatique prédit la survenue de symptômes à 12 mois. Cette équipe rapporte un taux de survie sans symptômes à 12 mois de 49 % chez les patients qui ont un test d’effort positif et de 89 % chez ceux qui ont un test négatif. Le type de symptômes à l’origine de la positivité du test est également à considérer. De manière surprenante, seuls les vertiges semblent avoir une valeur prédictive positive élevée ; la dyspnée et les douleurs thoraciques ont une moins bonne valeur prédictive et semblent surtout associées à une mauvaise condition physique. Amato et coll. ont également démontré la valeur prédictive de l’épreuve d’effort en termes de survenue d’événements. Les auteurs indiquent qu’un test d’effort positif est associé à une survie à 24 mois sans événement dans seulement 19 % des cas contre 85 % chez les patients qui ont un test négatif. Sur la base de ces données, une épreuve d’effort est recommandée afin de détecter les patients ayant une forte probabilité de devenir symptomatiques à court terme et d’identifier les patients faussement asymptomatiques, par exemple par auto-limitation inconsciente ou délibérée de leurs activités physiques quotidiennes. Chez ces patients, porteurs d’un RAC sévère, la chirurgie de remplacement valvulaire est indiquée lorsque le test d’effort est anormal en terme de symptômes (ESC Ic, ACC/AHA IIb), est raisonnable en cas de chute de la PA systolique au cours de l’examen (ESC IIA-C, ACC/AHA IIb) et peut être considérée lorsqu’il existe une arythmie ventriculaire complexe à l’effort (ESC IIB-C). Notons toutefois que ces recommandations se basent sur des études non randomisées concernant un nombre limité et souvent hétérogène de patients (âge, sévérité de sténose). La valeur prédictive positive du test est d’autant plus élevée que les patients sont actifs dans leur vie quotidienne. Elle tombe à < 45 % chez les patients sédentaires âgés de > 70 ans. Par ailleurs, dans la pratique quotidienne, l’interprétation du test d’effort en terme de symptômes reste subjective. Le moment d’apparition des symptômes au cours du test (début versus fin du test) est un élément important qui n’a pas été considéré dans les études de Das et Amato. Seule la dyspnée à une étape précoce du test et l’angor peuvent être considérés comme des symptômes réellement objectifs. Dans notre expérience, aucun des patients soumis à un test d’effort sur tapis roulant (35 patients) n’a présenté de vertige. Dans le travail d’Amato, parmi les 11 % de patients ayant eu des vertiges, aucun n’avait présenté d’événement au cours du suivi. La valeur prédictive du sous-décalage du segment ST et des faibles variations de PA est encore plus faible. Le sous-décalage du segment ST est un critère aspécifique ; il reflète la présence d’une hypertrophie ventriculaire gauche ou témoigne d’une réserve coronaire limitée. La chute de la PA peut être liée à d’autres étiologies que la sténose aortique. Notons que les recommandations américaines sont plus prudentes et prennent probablement en considération ces observations. En bref, le test d’effort sur tapis roulant permet une stratification du risque des patients porteurs d’un RAC asymptomatique avec une sensibilité et une spécificité modérées. Figure 4. Stratification du risque immédiat dans la sténose aortique (St Ao) sévère (surface (SAo) < 1 cm2) asymptomatique avec fraction d’éjection (FE) ventriculaire gauche conservée. PAS : pression artérielle systolique, BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive, D : variations au cours du test. Échocardiographie d’effort en position semi-couchée L’avantage de l’échocardiographie d’effort réside dans la possibilité d’examiner en continu les modifications de la fonction ventriculaire gauche et des paramètres hémodynamiques tout en permettant d’acquérir les images au pic du test ou lors de l’apparition de symptômes. La table d’effort utilisée peut être inclinée latéralement et repliée sur sa partie supérieure, de façon à permettre l’acquisition d’images de qualités optimales. Les paramètres cliniques enregistrés au cours de l’examen comprennent : la durée totale de l’effort, la charge maximale atteinte, la fréquence cardiaque et la PA au pic et la raison de l’arrêt de l’épreuve. Les critères de positivité sont identiques à ceux du test d’effort sur tapis roulant. Les données qui doivent être examinés en échographie sont de trois types : valvulaire (gradient de pression transvalvulaire aortique), ventriculaire (réserve contractile, ischémie myocardique) et hémodynamique (fonction diastolique, pression de remplissage). Notons que la valeur prédictive de l’échocardiographie d’effort dans le RAC serré asymptomatique n’a pas été examinée de manière randomisée. Néanmoins, les données disponibles actuellement sont encourageantes. Otto et coll. ont été les premiers en 1997 à établir la sûreté de l’échocardiographie d’effort. Cette équipe, comme celle de Weisenberg et coll., n’a toutefois pas pu démontrer de supériorité de cet examen par rapport aux données de repos. Ces résultats reflètent probablement l’hétérogénéité des patients examinés, et l’enregistrement en post-effort des données échocardiographiques. Les indices de quantification de la sténose aortique À l’inverse de ces résultats, notre groupe a récemment rapporté, chez les patients porteurs d’un RAC serré asymptomatique, la valeur pronostique incrémentielle de l’échocardiographie d’effort par rapport aux données échographiques de repos et aux résultats de l’ECG d’effort. Une augmentation du gradient moyen de pression transvalvulaire aortique de ≥ 18 mmHg au cours du test était le paramètre le plus prédictif de la survenue d’événement. Une telle augmentation est plus fréquemment associée à la survenue de symptômes au cours du test. Elle traduit la présence d’une valve peu compliante. Donal et coll. ont aussi observé que l’augmentation du débit cardiaque est moindre chez ces patients. Dans l’étude de Maréchaux et coll., au contraire, l’augmentation du gradient de pression n’était pas un élément prédictif. Notons que les populations étudiées étaient différentes. Par ailleurs, une mesure fiable du gradient de pression transvalvulaire aortique nécessite un alignement parfait entre le sens du flux et la direction des ultrasons incidents, ce qui est parfois particulièrement difficile au cours de l’effort. Les indices de fonction systolique ventriculaire gauche Physiologiquement, lorsque la post-charge imposée au ventricule gauche par l’obstruction valvulaire et la diminution de la compliance vasculaire systémique dépasse les capacités de compensation, on observe une altération progressive de la fonction ventriculaire gauche et une chute de la fraction d’éjection. Cette situation hémodynamique, si elle n’est pas rencontrée au repos pour un degré donné de rétrécissement valvulaire, peut tout à fait survenir à l’effort et, dans ces conditions, être à l’origine de la survenue de symptômes. Dans le RAC serré, la fonction systolique ventriculaire gauche à l’effort est affectée non seulement par la sévérité du rétrécissement valvulaire mais aussi par la présence de pathologies associées, diabète, hypertension artérielle, maladie coronaire. Maréchaux et coll. ont suivi des patients asymptomatiques porteurs d’un RAC avec une fraction d’éjection normale au repos pendant une période de 12 mois. Ceux qui présentaient une réponse ventriculaire gauche anormale (faible augmentation de la fraction d’éjection à l’effort) développaient plus fréquemment des symptômes au cours du test et présentaient une survie sans événement plus courte. Ces données ont été confirmées par notre groupe. Notons que la fraction d’éjection, dépendante des conditions de charge, est un mauvais indice de contractilité myocardique et de réserve contractile. À l’inverse, les vélocités myocardiques systoliques obtenues à l’anneau mitral et, mieux, la déformation myocardique dérivée du 2D-strain permettent une estimation plus fiable de la fonction contractile ventriculaire gauche. Ces paramètres de fonction régionale se modifient plus précocement que la fraction d’éjection. Nous avons récemment montré qu’une faible augmentation du pic de vélocité à l’anneau mitral en Doppler tissulaire est associée à la survenue de symptômes au cours de l’effort. Il en est de même des faibles variations de la déformation myocardique longitudinale. L’absence de réserve contractile est également associée à une moins bonne tolérance à l’effort, à une plus faible augmentation de la PA et à une augmentation du taux sérique du peptique natriurétique de type B. La valeur prédictive en termes d’événement de l’analyse de la fonction ventriculaire gauche régionale doit être déterminée. Les indices de l’hémodynamique ventriculaire gauche Dans notre population, nous avons montré que le rapport E/Ea au repos est plus important chez les patients devenant symptomatiques à l’effort. Au cours du test, l’augmentation du rapport E/Ea est également associée à l’intolérance à l’effort. Ces variations surviennent surtout lorsqu’il existe une dilatation auriculaire gauche au repos et que la taille de l’oreillette gauche augmente à l’effort. La valeur prédictive du rapport E/Ea reste à déterminer. La PA pulmonaire peut être évaluée de manière non invasive à l’aide du flux de régurgitation tricuspidien. Le gradient de pression transtricuspide est obtenu à l’effort chez environ 70 % des patients. L’absence de réserve contractile ventriculaire gauche est souvent associée à une augmentation de la pression artérielle pulmonaire. Il en est de même de l’augmentation du rapport E/Ea. En pratique Chez les patients porteurs d’un RAC serré asymptomatique, l’échocardiographie d’effort permet une évaluation fonctionnelle plus complète que l’ECG d’effort. Plusieurs paramètres peuvent être examinés : la tolérance à l’effort, l’apparition de symptômes, la fonction ventriculaire gauche, les pressions de remplissage, la PA pulmonaire,… Dans notre expérience, l’éventail des modifications engendrées par l’effort est de trois types : - bonne réserve contractile et augmentation sévère du gradient moyen de pression transvalvulaire aortique ; - absence de réserve contractile et augmentation significative du gradient moyen de pression transvalvulaire aortique ; - absence de réserve contractile et peu de changement du gradient moyen de pression transvalvulaire aortique. Les patients qui présentent une chute de leur fraction d’éjection ventriculaire gauche et une augmentation de leur gradient moyen au pic de l’effort représentent la catégorie à plus haut risque de survenue de symptômes et d’événements cardiovasculaires. Le test d’effort sur tapis roulant est le test de première intention dans cette population. Si le test est franchement pathologique, une chirurgie de RVA est suggérée. Lorsque le test est douteux ou normal mais que les patients sont âgés de > 70 ans et peu actifs, une échocardiographie d’effort est raisonnable. Une chirurgie de RVA sera surtout suggérée en cas d’absence de réserve contractile et d’augmentation sévère du gradient moyen de pression transvalvulaire aortique à l’effort. Dans les autres cas, un suivi rapproché tous les 6 mois sera envisagé.

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