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Échocardiographie

Publié le 01 sep 2009Lecture 7 min

Apports des nouvelles techniques en échocardiographie

L. ERNANDE (CHU de Clermont Ferrand) et F. TOURNOUX (Hôpital Lariboisière, Paris) du Groupe de Travail des Jeunes Cardiologues en Formation de la SFC


Le Printemps de la cardiologie
Le développement des techniques échocardiographiques suit souvent un ordre assez classique. Il débute par la présentation d’un nouvel outil avec un enthousiasme initial dont l’intensité est mesurable par la multitude des publications qui en découlent. Cet enthousiasme est généralement suivi plus ou moins rapidement d’une déception, parfois profonde, conduisant à une nécessaire réévaluation et, dans le meilleur des cas, à une application clinique. Parmi les innovations technologiques mises en avant au cours de cette session, deux d’entre elles ont particulièrement attiré notre attention. Bien que déjà connues depuis quelques années, le speckle tracking et l’échocardiographie 3D commencent à trouver progressivement leur place aussi bien en recherche (pour mieux comprendre certains mécanismes physiopathologiques encore obscures), qu’en pratique quotidienne pour l’évaluation de la fonction ventriculaire gauche, de la cardiopathie ischémique et des valvulopathies.

Principe du speckle tracking La performance myocardique est directement liée à l’orientation variée de ses fibres musculaires autorisant différentes déformations (longitudinale, radiale, circonférentielle) ainsi qu’un mouvement de torsion du muscle sur lui-même. L’ensemble de ces mouvements tend à garantir non seulement la performance systolique mais aussi la diastole par une relaxation musculaire optimale à l’origine d’un phénomène « d’aspiration » du sang de l’oreillette vers le ventricule. Les techniques usuelles d’échocardiographie Doppler ne permettaient jusqu’à maintenant qu’une évaluation limitée de ces déformations. Le développement rapide du Doppler tissulaire puis plus récemment du speckle tracking ont ouvert de nouvelles perspectives à l’échocardiographiste. L’étude de la déformation myocardique (ou myocardial strain) à un instant t consiste en l’estimation de la longueur d’un segment musculaire à ce temps t « l(t) » relative à une longueur de référence « l(0) » arbitrairement choisie (figure 1). Figure 1. Principe de la mesure de la déformation myocardique. Par commodité, cette déformation s’exprime en pourcents, de valeur positive ou négative, selon qu’il y ait étirement, épaississement ou raccourcissement du segment étudié. En fait, l’échocardiographiste n’a pas attendu l’arrivée des nouvelles technologies pour estimer le strain myocardique et beaucoup de cardiologues ont « fait du strain » sans s’en rendre compte. L’appréciation visuelle de l’épaississement du myocarde à la recherche d’une ischémie est en soit une première estimation du strain. De même, la mesure du pourcentage d’épaississement d’une paroi en mode TM (figure 2) est en fait la mesure de la déformation systolique maximale de cette paroi au cours du cycle cardiaque. Alors qu’apporte le speckle tracking exactement ? Figure 2. Mesure du pourcentage d’épaississement d’une paroi en mode TM. Cet outil a l’avantage de dépasser les limites des autres techniques : il permet une quantification objective (à l’opposé d’une estimation visuelle) de la déformation du myocarde, aussi bien globale que régionale et, à l’inverse du mode TM ou du Doppler tissulaire, dans 3 directions (longitudinale, radiaire et circonférentielle). Son principe est simple mais son application technique fiable extrêmement complexe nécessitant des algorithmes robustes disponibles que depuis peu. De façon schématique, à partir d’une image bidimensionnelle en niveau de gris classique, le logiciel sélectionne, au sein d’une région définie par l’opérateur, un motif (composé de marqueurs acoustiques ou speckle) caractéristique de cette région. Ce motif est alors traqué par l’algorithme dans chaque image composant la séquence à étudier, les plus souvent un cycle cardiaque. Le déplacement, la vitesse de déplacement et finalement la déformation du myocarde au sein de ce motif peuvent alors être déterminés (figures 3, 4 et 5). Figure 3. Analyse du déplacement. Figure 4. Le strain permet une quantification dans 3 directions. Figure 5. Mesure du strain radial en coupe petit axe dans 6 segments myocardiques. Applications du speckle tracking dans l’évaluation de la fonction myocardique et de la cardiopathie ischémique Recherche d’une dysfonction systolique débutante : le cas de la fibrillation auriculaire Dans une étude récente, l’équipe bordelaise a étudié la fonction ventriculaire gauche de 30 patients souffrant de fibrillation auriculaire paroxystique, avant et après ablation. Ils ont mesuré la fonction ventriculaire gauche de façon classique par la fraction d’éjection mais aussi par speckle tracking. Avant l’ablation, alors que la fraction d’éjection des patients souffrant de fibrillation auriculaire paroxystique était similaire à celle d’une population témoin, les déformations circonférentielle et longitudinale étaient abaissées. Après l’intervention par radiofréquence, ces paramètres de fonction régionale se sont progressivement améliorés et même complètement normalisés après 12 mois de suivi. Il semble donc possible d’objectiver, de quantifier et de suivre précocement des dysfonctions systoliques qui seraient « invisibles » avec les outils classiques. Essayer de différencier l’infarctus sous-endocardique de l’infarctus transmural Chan J. et Coll. ont mesuré les strains longitudinal, radial et circonférentiel des segments myocardiques de 80 patients porteurs d’une cardiopathie ischémique avec dysfonction ventriculaire gauche. Le caractère transmural ou non de la nécrose était défini par les résultats d’une IRM cardiaque réalisée chez chaque patient pendant la même période. Le strain circonférentiel se révéla plus altéré en cas de nécrose transmurale versus une nécrose sous-endocardique. Le speckle tracking pourrait donc, sous réserve d’études complémentaires, être une alternative intéressante pour préciser par écho le caractère transmural ou non d’une nécrose myocardique. Recherche de viabilité Becker et Coll. ont comparé le speckle tracking avec l’IRM cardiaque dans la recherche de viabilité et l’amélioration de la fonction ventriculaire gauche après revascularisation. Les pics des strains radial et circonférentiel étaient déterminés à partir d’images petit axe au niveau basal, moyen et apical puis comparés au taux de rehaussement mesuré par IRM dans ces mêmes segments. Un pic de strain radial > 17 % prédisait une récupération myocardique fonctionnelle après revascularisation (sensibilité de 70 % et une spécificité de 85 %) avec une valeur prédictive peu différente de celle de l’IRM ! Place du speckle tracking dans l’échocardiographie de stress La détection de l’ischémie par écho de stress est à l’heure actuelle avant tout visuelle et repose pour beaucoup sur l’expérience du praticien. L’arrivée de paramètres plus automatisés et de fait plus objectifs seraient un atout indéniable. En utilisant un modèle animal d’ischémie myocardique, Réant P. et Coll. ont réussi à démontrer les capacités du speckle tracking à détecter, lors de plusieurs conditions d’ischémie, des modifications de la déformation similaires à celles enregistrées par une méthode de référence (des micro-cristaux). Cette méthode avait une bonne sensibilité, aussi bien au repos que lors de l’administration de dobutamine et cela dans les différentes directions de la déformation (longitudinale, circonférentielle et radiale). Elle pourrait permettre d’associer à l’œil du clinicien une quantification objective de l’ischémie, renforçant ainsi la sensibilité et la spécificité de l’écho de stress. L’échocardiographie 3D Le développement de nouvelles sondes matricielles permettant leur miniaturisation et leur intégration aux sondes trans-oesophagiennes vient de redonner un second souffle à cette technologie que beaucoup trouvaient décevante. En effet, la taille (souvent peu ergonomique) des premières sondes trans-thoraciques, leur plus faible résolution et la nécessité de patients forcément plus échogènes ont découragé beaucoup de cardiologues alors même que les premières études offraient des perspectives enthousiasmantes. Le 3D par voie trans-thoracique La mesure de la fraction d’éjection ventriculaire gauche par écho 3D est reconnue depuis quelques années comme étant plus fiable qu’un Simpson biplan classique se rapprochant même des valeurs obtenues par les méthodes de référence comme l’IRM. Toutefois, la faible échogénicité de certains patients limite considérablement son application même si l’adjonction de contraste intra-cavitaire peut permettre de passer cette difficulté. L’étude des valvulopathies et en particulier du rétrécissement mitral est une application intéressante de l’écho 3D. L’équipe de Bichat a récemment démontré que la planimétrie de la valve mitrale peut être facilitée par l’utilisation de l’écho 3D trans-thoracique permettant de réaliser des planimétries en bout de valve mitrale et non de biais comme cela peut arriver au début d’une jeune carrière d’échocardiographiste. L’évaluation de l’insuffisance mitrale bénéficierait aussi de l’écho 3D. Certains travaux récents (Matsumura et Coll.) en ont démontré un intérêt potentiel. La quantification d’une fuite mitrale par la PISA fait l’assomption que le flux, tout en s’approchant de l’orifice de régurgitation, forme des lignes de courant hémisphériques et de même vitesse. La mesure de la vitesse et de l’aire de n’importe laquelle de ces surfaces permet de déterminer la surface de l’orifice régurgitant ainsi que le volume régurgitant. Or il s’avère que la forme de la PISA correspondrait plutôt à une demi-ellipse qu’à une demi-sphère. Par l’écho 3D, cette différence de forme peut-être appréciée et semble alors mieux quantifier la fuite mitrale. Cette approche nécessite un logiciel spécial qui doit être validé à plus grande échelle mais qui pourrait trouver assez facilement sa place dans notre pratique quotidienne. Le 3D par voie trans-oesophagienne Il s’agit sans doute de l’application à l’heure actuelle la plus intéressante et sans doute la plus utile. Comme cela a déjà été évoqué plus haut, l’une des principales limites d’une bonne évaluation tridimensionnelle par écho trans-thoracique est l’échogénicité des patients. Par voie trans-oesophagienne, cette limite évidemment disparaît. Plusieurs applications pratiques s’offrent alors à l’échocardiographiste. Lors de la fermeture percutanée de communication inter-auriculaire (CIA), l’écho 3D s’avère particulièrement intéressante pour apprécier au mieux la forme de la CIA, sa position, son caractère unique ou multiple et enfin les possibilités de fermeture percutanée (taille du rebord pour un appui optimal…). Elle va ensuite permettre le « monitoring » échographique de la procédure en guidant le cathétériseur et en confirmant ou non le succès de la fermeture. Une utilisation similaire de l’écho 3D peut être faite lors des valvuloplasties mitrales percutanées ou des remplacements aortiques percutanés par exemple. Enfin, cette technique permet de mieux apprécier les valves (prolapsus par exemple, bicuspidie aortique (figure 6)) ou les prothèses (figures 7 et 8) et donne pour le chirurgien une vision pré-opératoire moins abstraite que des images ETO 2D classiques. Figure 6. Bicuspidie aortique. Figure 7. St Jude en position mitrale. Figure 8. Bioprothèse en position aortique. En pratique L’échocardiographie est en train de s’enrichir de nouveaux outils dont l’évaluation et la ré-évaluation vont en identifier les avantages et les limites, en raffiner l’utilisation afin de permettre de répondre à d’importantes questions non seulement en recherche mais aussi en pratique quotidienne.

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