publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Cardiologie générale

Publié le 09 juin 2009Lecture 4 min

Asthme et syncope... … Ou n’oublions pas les leçons du passé

D. SCARLATTI, L. DROGOUL, P. CERBONI, J.-P. CAMOUS, E. FERRARI, CHU de Nice.

Nous décrivons le cas d’une patiente âgée de 76 ans, hospitalisée dans notre unité pour syncope secondaire à des tachycardies ventriculaires imputables à un traitement à base de b2-mimétique et théophylline pour un asthme allergique.

Observation Mme F., 76 ans, est adressée dans notre unité pour perte de connaissance. Elle décrit depuis une semaine des lipothymies avec palpitations et deux syncopes. Ces malaises surviennent dans un contexte d’exacerbation de son asthme ayant nécessité une augmentation des doses de son traitement de fond. Ce traitement est constitué d’une association de b2 mimétiques et d’anticholinergiques, un antileucotriène, de la théophylline et des corticoïdes per os et en inhalation. Elle présente également un syndrome dépressif traité par inhibiteur de la recapture de la sérotonine. À l’arrivée dans le service, l’examen clinique est sans particularité excepté des râles sibilants encore présents. L’électrocardiogramme est considéré comme sensiblement normal (figure 1). Figure 1. ECG à l’arrivée. Alors qu’elle nous décrit son histoire, La patiente va présenter un épisode lipothymique pour lequel un second ECG percritique est réalisé (figure 2) qui documente une tachycardie ventriculaire avec fréquence ventriculaire rapide, tachycardie ventriculaire spontanément résolutive. Figure 2. ECG percritique. Le ionogramme sanguin est normal avec en particulier un potassium à 4,5 mmol/l. Une échographie cardiaque transthoracique s’avère sans anomalie. La fonction ventriculaire gauche est dans les normes. Il n’y a pas de valvulopathie, pas de cœur droit, le péricarde est sec. Une coronarographie est pratiquée, ne mettant pas en évidence de lésion coronaire. Les b2-mimétiques (b2) et la théophylline sont arrêtés, et un traitement par inhibiteur calcique bradycardisant est instauré. Les arythmies vont persister durant environ 24 h puis s’amenderont. À 48 heures, la patiente, dont la crise d’asthme n’est pas complètement jugulée, reprend spontanément, à notre insu, des b2-mimétiques. Deux heures plus tard, elle représente à nouveau des arythmies ventriculaires subintrantes avec des salves de tachycardie ventriculaire non soutenues. Le dosage de la théophylline, qui a été arrêtée depuis plus de 48 heures, est à un taux inférieur à la norme du laboratoire (< 1 mg/ml). Les b2 sont définitivement arrêtés et un traitement de l’asthme par corticoïdes est privilégié, permettant une disparition complète et durable des troubles du rythme. Discussion Les b2-mimétiques et la théophyline sont des traitements efficaces et incontournables de l’asthme et des bronchopneumopathies obstructives. La théophylline a une action inotrope positive via des mouvements calciques intracellulaires du calcium et une inhibition de la phosphodiestérase. Ces deux mécanismes peuvent être à l’origine d’arythmies ventriculaires. Le salbutamol diminue les périodes réfractaires ventriculaires en plus de son effet chronotrope à l’origine de tachycardies spontanées (Eleftherios M. Chest 2005 ; 127 : 2057-63). Les b2-mimétiques sont tachycardisants, hypokaliémiants et peuvent augmenter l’espace QT, entraînant un sur-risque d’événements cardiovasculaires (RR = 2,54 [1,59-4,05]) (Shelley R. Chest 2004 ; 125 : 2309-21). Du fait de leur action adrénergique, ils sont potentiellement proarythmogènes. Robin ED a décrit des formes de QT long « exogènes » chez les asthmatiques traités au long cours par b2-mimétiques (Robin ED. Chest 1992; 101:1699–1702). L’association de la levée du « frein » parasympathique par les anticholinergiques peut faciliter l’effet proarythmogène des b2-mimétiques et de la théophylline. De petites études ont étudié la fréquence des troubles du rythme supraventriculaires et ventriculaires sous b2-mimétiques et théophylline. Les troubles du rythme ventriculaires semblent plus fréquents sous théophylline (Eidelman DH. Chest 1987 ; 91 : 808-12). Sur des cardiopathies ischémiques sous-jacentes, des tachycardies ventriculaires ont été décrites lors de surdosage en Theophylline (Chevalier B. et al. Arch Mal Coeur Vx 1990 ; 83 : 569-73). La prévalence rapportée des troubles du rythme ventriculaires sévères (150 ESV/h avec doublets et TVS) sur une petite série est de 8 % avec l’association b-2 mimétiques et théophylline. La fréquence des troubles du rythme supraventriculaires ne semble pas modifiée par ces traitements (Cukier A et al. Braz J Med Biol Res 1994 ; 27 : 2869-77). Ces effets arythmogènes ne sont pas nouveaux. Entre 1961 et 1967, en Angleterre, apparaît une « petite épidémie » de morts subites chez les asthmatiques. Inman et Adelstein en 1969 tirent la sonnette d’alarme et incriminent les b2-mimétiques, dont l’utilisation va alors diminuer avec une nette décroissance du nombre de morts subites (Inman WH. Lancet 1969 9 ; 2 : 279-85. La même histoire se reproduit entre 1981 et 1983 en Nouvelle-Zélande (75 morts) où l’on constate que la diminution du nombre de décès par état de mal asthmatique est annulée par l’augmentation de ceux dus à l’utilisation de b2 agonistes ! En 1985, 13 jeunes patients asthmatiques décèdent sans cause évidente. À nouveau l’abus de médicaments adrénergiques est mise en cause (Kravis LP. Am J Dis Child 1985 ; 139 : 558-63). Seuls des troubles du rythme, éventuellement favorisés par l’hypokaliémie, peuvent néanmoins correspondre aux tableaux de mort subite présentés par ces jeunes patients. (Ziment I. Chest 1992 ; 101 : 1703-05). Ces conclusions vont dans le sens des analyses post mortem de jeunes asthmatiques décédés de mort subite, dont l’anamnèse retrouve une sur-utilisation de b2-mimétiques avant le décès, sans autre prise médicamenteuse (Robin ED, Lewiston N. Chest 1989 ; 96 ; 790-3). Les bronchodilatateurs sont néanmoins indispensables dans ces pathologies respiratoires. Correctement utilisés, leurs potentiels effets secondaires cardiaques n’augmentent pas la mortalité (Michael T et al. Chest 1996 ; 110 : 595-603). En pratique La cardiologue doit être averti de ces effets potentiels néfastes pour pouvoir les reconnaître et aussi pour ne pas se précipiter trop vite sur l’indication d’un défibrillateur.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 2 sur 94
publicité
publicité