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Valvulopathies

Publié le 29 nov 2005Lecture 7 min

Bilan préopératoire du rétrécissement valvulaire aortique - Le cathétérisme cardiaque est-il encore nécessaire ?

D. CROCHET, Nantes

Les techniques d’imagerie cardiaque non invasives ont une performance qui leur permet actuellement de remplir les objectifs du bilan préopératoire du rétrécissement valvulaire aortique, en intégrant notamment le scanner multibarrettes pour les artères coronaires. Cela devrait amener à restreindre les indications du cathétérisme cardiaque aux seules limites et échecs de ces techniques.

Les recommandations les plus récentes sur la pratique du cathétérisme cardiaque dans le rétrécissement valvulaire aortique datent de 1998 et émanent de l’ACC/AHA. Elles donnent des indications larges, à la fois pour confirmer le caractère serré du rétrécissement mais aussi pour évaluer son retentissement ventriculaire gauche et détecter une atteinte associée, coronaire ou valvulaire. Le cathétérisme cardiaque peut remplir l’ensemble des objectifs assignés au bilan préopératoire de ces patients à condition de franchir la valve aortique, ce qui lui confère un risque conséquent. Celui-ci a été bien évalué par l’étude randomisée d’Omran (Lancet 2003) qui montre qu’un accident vasculaire cérébral embolique est détecté par IRM après franchissement de la valve aortique chez 22 % des patients, accompagné d’un déficit clinique dans 3 % des cas. En revanche, il n’y a pas d’événement embolique en l’absence de franchissement de la valve. Ces résultats sont de nature à remettre en cause le bien-fondé du cathétérisme cardiaque d’autant que depuis 1998 les techniques d’imagerie cardiaque non invasives ont fait d’importants progrès. La question posée est donc de savoir si, aujourd’hui, ces techniques sont suffisamment performantes pour se passer du cathétérisme cardiaque dans le bilan préopératoire du rétrécissement valvulaire aortique. Sévérité du RA évaluée par ETT, ETO ou IRM L’échocardiographie transthoracique (ETT) constitue l’approche la plus appropriée et la plus constamment disponible pour mesurer la sévérité du rétrécissement valvulaire aortique dans plus de 90 % des cas, avec les limites reconnues de la mauvaise échogénicité de certains patients. Des alternatives ont été proposées avec l’échographie trans-œsophagienne (ETO) et l’IRM : l’étude de Kupfahl (Heart 2004) et celle de John (JACC 2004) montrent que la planimétrie de la valve aortique en IRM est une technique fiable et reproductible comparativement aux autres méthodes non invasives et au cathétérisme cardiaque. Cette évaluation IRM utilise une séquence d’imagerie facile à mettre en œuvre. Si l’IRM prend sa place parmi les techniques évaluant la sévérité du rétrécissement aortique, le cathétérisme avec franchissement de la valve aortique devrait être réservé à quelques rares cas. Quoiqu’il en soit, il existe quelques rares cas où les méthodes non invasives sont en discordance entre elles ou avec l’état clinique du patient, nécessitant le recours au cathétérisme cardiaque, encore considéré comme méthode de référence. Seule une exploration complète est valable : • mesure du débit cardiaque par cathétérisme droit ; • mesure du gradient transaortique par recueil simultané des pressions VG et aortique (ou de l’artère fémorale par la voie latérale d’un désilet de plus grand diamètre que le cathéter) peut être de nature à lever le litige en apportant des informations fiables.   Analyse de la fonction VG par ETT, gamma angiographie ou IRM Cet objectif peut être atteint depuis de nombreuses années sans recours au cathétérisme cardiaque et à la ventriculographie gauche. L’échocardiographie transthoracique, avec les mêmes limites de fenêtre acoustique, est en mesure d’apporter cette information, de préciser les volumes ventriculaires gauches, l’importance de l’hypertrophie myocardique et son caractère éventuellement asymétrique sur le septum ainsi que la présence d’une éventuelle dysfonction localisée du ventricule gauche. En outre, une atteinte valvulaire associée peut être dépistée et le niveau des pressions pulmonaires précisé. Si l’ETT ne peut être réalisée ou si sa fiabilité est mise en doute, la gamma-angiographie ainsi que l’IRM peuvent parfaitement être utilisées en substitution pour donner toutes les informations nécessaires à l’évaluation de la fonction ventriculaire gauche. Ces deux dernières méthodes sont considérées comme des références en la matière.   Détection d’une maladie coronaire par scanner multibarrettes L’association d’une maladie artérielle coronaire au rétrécissement valvulaire aortique est fréquente, observée chez 30 à 40 % de ces patients en général âgés. L’angor, qui peut être d’origine fonctionnelle et organique, n’est un symptôme ni constant, ni discriminant. Ainsi, 15 à 20 % des patients ont une maladie coronaire sans traduction clinique, de telle sorte que le dépistage systématique par la coronarographie fait partie des recommandations de l’ACC/ AHA de 1998 pour toute personne âgée >35 ans, même en l’absence de facteurs de risque. Devant de telles recommandations conduisant à la réalisation quasi systématique d’une coronarographie dans le bilan préopératoire des rétrécissements valvulaires aortiques, existe-t-il des alternatives non invasives pour dépister les lésions coronaires ? - Dans les années 90, les épreuves de stress utilisant l’échocardiographie ou la scintigraphie ont été étudiées avec une sensibilité et une spécificité ne dépassant pas 80 à 90 %. Comme elles n’apportaient pas de précision anatomique sur les lésions suspectées mais évaluaient seulement leurs conséquences myocardiques, elles n’ont pas été retenues dans la stratégie d’évaluation du rétrécissement aortique, d’autant plus que l’épreuve de stress n’était pas elle-même dénuée de risque. - Depuis le début des années 2000, le scanner multibarrettes offre une alternative en passe de concurrencer la coronarographie diagnostique, surtout dans ce type d’indication. Un bilan préopératoire avec la seule aide des techniques d’imagerie non invasives deviendrait alors possible. En tenant compte des données les plus récentes publiées en 2005, le tableau 1 présente les résultats du scanner 16 et 64 barrettes pour le dépistage des lésions coronaires siégeant sur des artères d’au moins 1,5 à 2 mm de diamètre. Son analyse montre une excellente sensibilité et spécificité dans la détection des sténoses coronaires, un faible pourcentage des segments non analysables et des résultats globalement identiques sans différence apparente entre les deux types de scanner. Cependant, ces résultats très encourageants dans la population générale des malades coronariens doivent être tempérés par les conditions particulièrement défavorables observées chez les patients porteurs d’un rétrécissement aortique : il sont âgés, avec une prévalence plus élevée de fibrillation auriculaire, d’insuffisance rénale ou de calcifications coronaires qui vont contre-indiquer ou limiter les performances du scanner multibarrettes. Par ailleurs, l’existence d’un rétrécissement aortique serré contre-indique l’utilisation des bêtabloquants pour réduire la fréquence cardiaque et améliorer la qualité de l’examen. Le nombre des patients éligibles pour cette exploration est donc plus restreint.   En bref - Il existe un glissement perceptible du bilan préopératoire du rétrécissement valvulaire aortique vers le recours exclusif aux techniques d’imagerie cardiaque non invasives. - Cette avancée est permise, en partie, par le développement du scanner multibarrettes qui précise aussi l’état de l’aorte ascendante. - Ces informations supplémentaires sont déterminantes car la présence d’un anévrisme ou de calcifications extensives de la paroi aortique est de nature à modifier la stratégie opératoire. Notre équipe a ainsi conduit une étude (tableau 2) chez 50 patients porteurs d’un rétrécissement aortique avec une moyenne d’âge de 68 ± 11 ans. La prévalence de la maladie coronaire dans ce groupe était de 28 %. Dans 20 % des cas, la qualité de l’imagerie obtenue a été insuffisante pour l’interprétation. Sur les 40 dossiers restants, 483/513 segments coronariens étaient analysables avec une sensibilité de 78 % et une spécificité de 97,8 % pour la détection des lésions coronaires. Au total, 27 patients dont les artères coronaires étaient normales ont été correctement classés. Ainsi, nous aurions pu avec le scanner multibarrettes nous dispenser de faire une coronarographie dans plus de la moitié des bilans préopératoires de ces malades. Synthèse et orientations actuelles Les performances actuelles des techniques d’imagerie cardiaque non invasives autorisent à restreindre les indications du cathétérisme cardiaque dans le bilan du rétrécissement valvulaire aortique.   En pratique En considérant chacun des trois objectifs principaux assignés à ce bilan, il est raisonnable de faire les propositions suivantes. L’évaluation de la sévérité du rétrécissement valvulaire par cathétérisme cardiaque complet avec franchissement de la valve aortique ne doit être envisagée qu’en cas de discordance entre l’état clinique et les résultats des explorations non invasives. Celles-ci doivent inclure l’IRM si l’échocardiographie n’est pas réalisable avec une fiabilité suffisante ; L’analyse de la fonction du VG ne constitue pas une indication de cathétérisme cardiaque en elle-même, compte-tenu de la variété des techniques non invasives permettant de remplir cet objectif ; Le dépistage d’une maladie coronaire associée peut être envisagé, dès à présent, avec le scanner multibarrettes dans les équipes qui en ont l’expérience avec des résultats validés en sachant que les conditions d’observations peuvent être difficiles dans la population RAC. La coronarographie doit alors être réservée aux patients présentant des lésions coronaires significatives ou en présence d’un doute diagnostique sur les données de ce scanner. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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