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Cardiologie générale

Publié le 20 sep 2011Lecture 5 min

Un thrombus ball piégé dans les cordages mitraux

L. BENDRISS, H. JALLAL, S. ARIOUA, A. KHATOURI, Hôpital militaire Avicenne Marrakech

Le thrombus ball du ventricule gauche est une entité rarement décrite dans la littérature. Il constitue une urgence chirurgicale. Nous en rapportons un cas compliquant une atteinte rhumatismale affectant le myocarde et la valve mitrale ; son originalité réside dans le piégeage du thrombus dans les cordages valvulaires. Des complications emboliques cérébrales et du membre inférieur sont survenues. La sanction chirurgicale sans délai a permis son exérèse et confirmé son confinement dans les cordages.
Nous soulignons l’intérêt de l’anticoagulation chez les patients à risque afin de prévenir les complications emboliques.

Le thrombus ball du ventricule gauche (VG) est une entité rarement rapportée dans la littérature. Il peut emboliser à tout moment et requiert un traitement chirurgical urgent. L’urgence est aussi dictée par le risque de mort subite suite à l’obstruction valvulaire aortique. Nous rapportons le cas d’un thrombus ball du VG compliquant une valvulopathie mitrale associée à une myocardite rhumatismale et qui a été piégé dans les cordages valvulaires.   Observation clinique Ce patient EL, âgé de 61 ans, avait comme facteur de risque cardiovasculaire un diabète type 2 évoluant depuis 5 ans sous insulinothérapie. Il avait présenté, il y a deux ans, un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique avec hémiplégie gauche. L’échocardiographie transthoracique avait conclu à un rétrécissement mitral rhumatismal lâche associé à une fuite grade II. L’échocardiographie transœsophagienne n’avait pas été pratiquée et l’écho Doppler vasculaire cervical était sans anomalies. Le patient a été perdu de vue et ne prenait pas de traitement anticoagulant ni antiagrégant plaquettaire. Il s’est présenté dans un tableau d’ischémie aiguë du membre inférieur droit remontant à 2 jours (au stade de nécrose). L’examen clinique notait un patient conscient, stable sur le plan hémodynamique (TA : 120/70 mmHg) et hémiplégique du côté gauche (séquelles d’AVC). L’examen cardiovasculaire retrouvait un roulement diastolique de pointe de rétrécissement mitral et un souffle systolique d’insuffisance mitrale. Le membre inférieur droit était froid, bleuâtre et sans pouls. L’électrocardiogramme s’inscrivait en rythme régulier sinusal avec une hypertrophie auriculaire gauche et des troubles de repolarisation diffus (ondes T plates à négatives). L’écho-Doppler artériel des membres inférieurs a visualisé une occlusion de l’artère iliaque externe droite sans flux en aval. L’échocardiographie transthoracique montrait un ventricule gauche dilaté (DTD : 63 mm, DTS : 54 mm), globuleux, avec une dysfonction systolique modérée (FE par Simpson à 40 %). La sténose mitrale était toujours lâche (surface mitrale estimée à 1,8 cm2) et l’insuffisance mitrale cotée grade II. L’oreillette gauche était légèrement dilatée (diamètre antéropostérieur à 40 mm et surface à 22 cm2), sans thrombus visible à son niveau ni phénomène de contraste spontané. Le ventricule gauche était le siège d’une masse échogène mobile évoquant un thrombus (vu son aspect et le terrain). Cette masse était piégée dans les cordages de la valve mitrale et n’était amarrée à aucune paroi. Compte tenu du risque de migration de ce thrombus, l’exploration n’a pas été complétée par la voie œsophagienne. Une intervention chirurgicale cardiaque a été décidée afin d’extirper le thrombus et éviter une éventuelle troisième récidive embolique. Une coronarographie a été pratiquée en préopératoire (étant donné l’âge du patient, le diabète et pour exclusion de l’origine coronarienne de la cardiomyopathie dilatée), couplée à une artériographie de l’aorte abdominale et des artères des membres inférieurs. Les artères coronaires étaient lisses sans sténose et l’angiographie visualisait une occlusion d’allure emboligène de l’artère iliaque externe droite sans lit d’aval. L’intervention chirurgicale a retrouvé effectivement la masse piégée dans les cordages de la valve mitrale et a permis son exérèse. Aucun geste n’a été fait sur la valve mitrale. L’étude anatomopathologique a conclu à un thrombus fibrinocruorique. L’amputation du membre nécrosé a été décidée dans un deuxième temps. La surveillance postopératoire a été marquée par la survenue d’accès de flutter atrial régularisés par choc électrique externe. Le patient est décédé en postopératoire immédiat. Figure. Thrombus ball du ventricule gauche piégé dans les cordages de la valve mitrale postérieure vu sur deux incidences. A : parasternale gauche grand axe en diastole B : parasternale gauche grand axe en systole. C : apicale 4 cavités. Discussion La sténose mitrale rhumatismale est une valvulopathie encore très fréquente dans les pays en voie de développement. Contrairement au thrombus mural, le thrombus ball est une complication très rare de la sténose mitrale et à fortiori si elle est lâche et sans dilatation importante de l’oreillette gauche (OG). La sténose mitrale entraîne une stase sanguine favorisant la formation d’un thrombus essentiellement au niveau de l’auricule gauche, le diabète et la fibrillation auriculaire étant des facteurs potentialisateurs. Durant le développement du thrombus, l’évolution peut se compliquer d’accidents emboliques dans le cerveau, les coronaires, les viscères et les membres. Son mouvement libre peut entraîner une syncope voire une mort subite en fonction du degré d’obstruction de la valve mitrale(1,2). Notre patient diabétique avait une sténose mitrale avec des accès de flutter atrial. Il avait déjà présenté deux accidents emboliques, l’un cérébral et l’autre périphérique. Le thrombus pourrait avoir débuté au niveau auriculaire gauche ; il s’est détaché par la suite pour migrer dans la circulation systémique. Au cours de son chemin, il a été piégé dans les cordages de la valve mitrale au niveau du ventricule gauche. La myocardite pourrait être aussi source de thrombus ball du VG. La littérature corrobore nos constatations, quoique les cas rapportés soient très restreints. Le premier est un double thrombus ball aussi bien au niveau de l’OG que du VG chez un patient avec une sténose mitrale serrée et un rétrécissement aortique, dans ce cas la sténose mitrale est la source probable des deux thrombi ; l’issue a été fatale chez ce patient(3). Le deuxième cas était la récurrence d’un thrombus ball au cours d’une myocardite en l’absence de dyskinésie ou de dilatation du VG ; la genèse de ce thrombus pourrait être due à un dommage endocardique résiduel après la myocardite(4). Le troisième cas est un thrombus ball du VG concomitant à une sténose aortique calcifiée isolée sans dysfonction systolique ventriculaire ni trouble de la cinétique(5). L’obstruction mécanique face au flux sanguin pourrait être à l’origine d’un syndrome acquis de Von Willebrand et des anomalies de la coagulation au cours des sténoses aortiques(6) ; la fibrose myocardique prédispose aussi à la formation des thrombi(7). Il a aussi été rapporté un cas d’infarctus de myocarde au cours duquel la dysfonction diastolique a pu être incriminée dans la genèse des thrombi du VG(8). D’autres cas sont rapportés au cours de la cardiomyopathie dilatée et du syndrome de Sweet(9,10). Le thrombus ball est une urgence chirurgicale. Le traitement consiste en une thombectomie sans délai sous circulation extracorporelle.   En pratique   Le thrombus ball est une complication très rarement décrite dans la littérature. C’est une urgence chirurgicale. Nous soulignons l’intérêt de l’anticoagulation chez les patients à risque et a fortiori avec des antécédents emboliques.

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