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Cardiologie générale

Publié le 15 nov 2005Lecture 12 min

Certificat de non contre-indication à la pratique sportive et responsabilité du médecin

B.-X. CAILLAUX, Dijon

La responsabilité médicale est un problème d’actualité, le conseil médical du GAMM, groupe des assurances mutuelles médicales qui regroupe quelques 22 000 professionnels de santé dont 13 0000 médecins, note une progression des mises en cause médicales de plus de 10 % par an avec une augmentation des condamnations civiles et pénales, ainsi qu’une augmentation des sommes allouées pour réparation. Cette responsabilité est liée à des textes de loi, décrets, circulaires ou règlements.

Textes et règlements Ces textes peuvent être : – spécifiques aux médecins, comme le code de déontologie ou le code la Sécurité sociale ; – spécifiques à un sport, comme l’arrêté ministériel fixant les conditions d’aptitudes exigées pour le personnel navigant de l’aéronautique civile ou le règlement médical de la fédération de boxe ; – communs à tous citoyens, comme le Code civil et pénal.   Textes spécifiques aux sports et sportifs Activité sportive de loisir et de maintien Il n’existe pas actuellement en France de texte concernant les certificats d’aptitude pour les sujets souhaitant pratiquer des exercices physiques dans un centre de remise en forme, et il existe une grande variabilité selon les centres. Certains centres ne demandant rien, d’autres un certificat médical mais de manière non obligatoire, d’autres enfin le rendent indispensable pour l’inscription. En fait, c’est l’assurance du centre de remise en forme qui impose ou non un certificat pour l’inscription. Sportifs licenciés La délivrance d’une licence de sport est régie par la loi 99 223 du 23/3/1999 relative à la protection de la santé des sportifs et par le texte d’application L.36 22 du 17/1/2002 : « La première délivrance d’une licence sportive est subordonnée à la production d’un certificat médical attestant l’absence de contre-indications à la pratique des activités sportives, valable pour toutes les disciplines à l’exception de celles mentionnées et celles pour lesquelles un examen plus approfondi est nécessaire et dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et des sports ». L’arrêté du 28/4/2000 fixe la liste des disciplines pour lesquelles un examen médical approfondi est nécessaire : – sports de combat pour lesquels la mise hors combat est autorisée, – alpinisme de pointe, – sports utilisant les armes à feu, – sports mécaniques, – sports sous-marins, – sports aériens. La nature et le contenu de cet examen médical approfondi sont régis pour les sports aériens par l’arrêté ministériel du 12/12/1988, modifié par l’arrêté du 2/10/1992 et du 27/8/2001. Pour les autres sports, il est indispensable de se référer au règlement médical de la fédération du sport concerné. Sports de compétition La participation aux compétitions sportives est régie par la loi 99 223 du 23/3/1999 relative à la protection de la santé des sportifs et le texte d’application L 3622.2 du 17/1/2002 : « La participation aux compétitions sportives organisées et autorisés par les fédérations sportives est subordonnée à la présentation d’une licence sportive portant attestation de la délivrance d’un certificat médical mentionnant l’absence de contre-indication à la pratique sportive en compétition ou, pour les non-licenciés auxquels ces compétitions sont ouvertes, à la présentation de ce seul certificat datant de moins d’un an. » Sports de haut niveau La surveillance des sportifs de haut niveau concerne les sportifs « espoirs » et hauts niveaux inscrits ou souhaitant l’être — environ 14 000 licenciés en France — ; elle est précisée par l’arrêté du 11/02/04 fixant la nature et la périodicité des examens médicaux des sportifs de haut niveau. Les examens préalables à l’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau comprennent : – un examen clinique classique réalisé selon les recommandations par un médecin diplômé en médecine du sport ; – un ECG de repos avec compte-rendu ; – un échocardiogramme transthoracique avec compte-rendu ; – un test d’effort d’intensité maximale couplé ou non à une VO2 selon les modalités en accord avec les données scientifiques actuelles. La périodicité de ces examens, une fois le patient inscrit dans les filiales d’accès ou sur la liste des sportifs de haut niveau est : – annuelle pour l’ECG de repos ; – tous les 4 ans pour le test d’effort maximal ; – unique pour l’échocardiographie, sauf si l’examen initial a été réalisé avant l’âge de 15 ans, auquel cas il doit être renouvelé entre 18 et 20 ans.   Textes spécifiques aux médecins Les textes spécifiques aux médecins sont le Code de déontologie et le Code de la Sécurité sociale.   Textes généraux À côté de ces textes spécifiques aux médecins et aux sportifs, le médecin, comme tout citoyen, est concerné par les lois et codes généraux comme le Code pénal et le Code civil.   Responsabilités Quelles sont les responsabilités qui peuvent être engagées lors de la signature d’un certificat de non contre-indication à l’activité sportive ?   La responsabilité pénale Cette responsabilité est répressive ; elle a pour but le maintien de l’ordre public, elle concerne tout citoyen et tout médecin. Depuis le dernier Code pénal, elle concerne également les personnes morales comme une fédération sportive, mais elle ne peut en aucun cas concerner l’état. La responsabilité pénale peut être invoquée par la victime, un ayant-droit ou même le ministère public par l’intermédiaire du Procureur s’il a la connaissance de l’affaire. Il faut savoir qu’une fois l’action engagée, le retrait de la plainte du plaignant ou de la partie civile ne peut en aucun cas l’arrêter. Enfin, cette responsabilité ne peut en aucun cas être prise en charge par une assurance. Les peines sont les amendes et la prison. L’infraction est constituée quand sont réunis : – l’élément matériel : le fait actif ou l’abstention, – l’élément moral : la volonté, – l’élément légal : c’est-à-dire que la faute doit être prévue et punie par le Code pénal. La responsabilité pénale d’un signataire de certificat médical peut être évoquée devant les articles suivants : – 221-6, homicide involontaire, – 222-19, blessure involontaire, – 226-13, secret professionnel, – 441-7, faux certificat, – 223-1, mise en danger d’autrui par violation d’une obligation de sécurité imposée par la loi ou le règlement. Le fait d’exposer à un risque de mort ou de blessure par la violation d’une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. Cette nouvelle infraction peut donc être évoquée même en l’absence de préjudice, comme par exemple le fait d’autoriser un sujet à pratiquer un sport alors qu’il est porteur d’une infirmité qui contre-indique cette pratique. L’infirmité doit être prévue par le règlement et les arrêtés, cela peut engager la responsabilité du médecin signataire, même en l’absence de préjudice.   La responsabilité civile Elle a pour principe de réparer le préjudice causé à la victime par des dommages et intérêts. Ce préjudice peut être soit physique par un accident, blessure ou décès, soit moral et d’agrément quand un médecin refuse à tort de signer une licence sportive et prive, de ce fait, le patient de cette possibilité et d’éventuelles victoires. Elle est basée sur les articles 1382 et suivants, et sur le principe de la responsabilité contractuelle de tout médecin qui s’engage à donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science. Il faut un préjudice, une faute et un lien direct entre les deux ; quand ce lien direct ne peut être prouvé avec certitude, on parle de perte de chances : si la faute commise a fait perdre 50 % de chances au sportif de ne pas avoir de préjudice, la somme allouée sera de l’ordre de 50 % des dommages et intérêts demandés.   La responsabilité ordinale Elle est également répressive et a pour but de maintenir les devoirs généraux des médecins. Elle est basée sur le Code de déontologie de juillet 2001 ; néanmoins, le principe de légalité ne s’applique pas pour cette responsabilité ordinale et un comportement peut être sanctionné même s’il n’est pas prévu par les textes. Les peines vont de l’avertissement au blâme, jusqu’à la suspension, voire la radiation. La responsabilité ordinale peut-être évoquée devant les articles suivants : – art. 28, certificat de complaisance, – art. 76, traitant de la manière de rédiger un certificat, – art. 4, sur le secret professionnel. Mais en fait la responsabilité ordinale n’a pas besoin de s’appuyer sur un texte, et un comportement estimé non déontologique peut être sanctionné, qu’il soit professionnel ou non, comme « la pratique de la médecine comme un commerce » ou un « comportement professionnel ou dans la vie privée de nature à discréditer la profession ».   La responsabilité vis-à-vis de la Sécurité sociale Elle est également répressive, les peines peuvent être : – des remboursements des indus ; – des amendes ; – une interdiction de donner des soins aux assurés sociaux. L’article 321-1 des dispositions générales du Code de la Sécurité sociale rappelle que le but de l’assurance maladie est la couverture des frais de médecine générale ou spéciale, des frais de soins, des frais pharmaceutiques, des frais d’analyse et examens de laboratoire, mais cette assurance n’a pas été créée pour permettre aux gens d’effectuer des sports de loisir ou de compétition. L’article L. 315 (ordonnance 96-34 du 24/04/1996) rappelle qu’en cas de non-respect des règles d’établissement des feuilles de soins et des ordonnances destinées aux assurés, le Service de contrôle médical saisit un comité médical qui se prononce sur la matérialité des faits et des sanctions financières susceptibles d’être prises à l’encontre de l’auteur des actes ou des prescriptions. Théoriquement, le certificat d’aptitude aux sports ne donne pas droit à une ordonnance ni à une feuille de soins, car il s’agit d’un acte hors nomenclature. En pratique, néanmoins, les réclamations des caisses paraissent être assez peu fréquentes, la visite d’aptitude sportive étant souvent appelée à produire un autre acte de soin ou d’examen médical. Annexe. Exemple de fiche déclarative. (cliquer pour agrandir) Exemples et jurisprudences (MACSF, Sou Médical)   Exemple 1 Le Dr X., joueur de tennis, licencié de longue date, signe sur le bord du cours les certificats à ses amis et adversaires de tennis sans les examiner, dont M. Y., porteur dans le savoir d’un rétrécissement aortique calcifié relativement serré qui sera heureusement diagnostiqué et opéré avant toute complication. Dans ce cas, il n’y a pas de suite, mais les responsabilités suivantes auraient pu être évoquées : – déontologique pour certificat de complaisance, – pénale pour mise en péril d’autrui, ou même homicide involontaire. Exemple 2 Un patient né en 1969 décède au cours d’un match de basket-ball, alors que le médecin avait délivré un certificat de non contre-indication et que le patient se serait plaint à son entourage, mais pas au médecin, d’une douleur thoracique avec malaise. Une plainte pénale est déposée ; l’affaire est en cours. Cet exemple illustre le problème du sportif qui oublie sciemment ou non de déclarer une maladie ou un symptôme ; ensuite, c’est la parole du médecin contre celle du sportif. La solution réside dans le formulaire médical que les différentes fédérations élaborent de plus en plus avec une partie déclarative engageant la responsabilité du sportif (annexe). Exemple 3 Le Dr X. signe un certificat de non contre-indication à la pratique de la boxe à Mr Y., myope, en ignorant que la myopie supérieure à -3,5 dioptries est une contre-indication absolue, comme cela est spécifié dans le règlement médical de la fédération. Lors d’un match, le patient reçoit un coup à l’œil et subit un décollement de rétine. La responsabilité civile du médecin est engagée, à qui il est reproché de ne pas connaître le règlement médical de la fédération de boxe. Exemple 4 Deux personnes décèdent avec destruction totale de l’appareil lors d’un crash d’aéronef. Le médecin aéronautique fait l’objet d’une réclamation de la part de l’assureur de l’aéroclub. Il lui est reproché d’avoir délivré un certificat à l’instructeur qui avait 65 ans, porteur d’une valve mécanique, sous traitement anticoagulant,) et porteur d’un pacemaker. Le lien de causalité n’a pas été établi. Jurisprudence 1 (cour d’Appel de Caen - 12 mars 2002) M. X. souhaitait effectuer un marathon par relais. Un examen cardiologique complet avec test d’effort avait été effectué sans révéler d’anomalie et le certificat établi, mais au troisième jour de l’épreuve de marathon, M. X présente un infarctus. Le médecin spécialisé en traumatologie et médecine du sport est assigné et il lui est reproché de ne pas avoir évoqué la possibilité d’une pathologie coronarienne chez ce patient, qui s’était plaint d’un essoufflement inhabituel au cours de cette course. En première instance, le patient est débouté de l’ensemble de ses demandes, étant relevée l’absence de lien de causalité entre la faute (celle de ne pas avoir contre-indiqué la poursuite de la course quand la symptomatologie fonctionnelle d’effort présentée était fortement évocatrice d’une origine cardiaque) et le préjudice ; l’expert avait conclu qu’il n’était pas certain qu’un diagnostic plus précoce d’insuffisance coronarienne aurait permis d’éviter l’infarctus du myocarde survenu. En appel, la cour confirme le jugement de première instance, la seconde expertise ordonnée venant confirmer l’absence de lien de causalité. Jurisprudence 2 (Arrêt de la Chambre d’Accusation de la cour d’Appel de Besançon - 18 juin 1997) Le Dr X. est mis en examen du suite à la plainte du frère d’un jeune homme de 17 ans, décédé au cours d’une compétition d’escrime par trouble du rythme ventriculaire compliquant une cardiomyopathie dilatée primitive. Il est reproché au Dr X. d’avoir délivré la licence de sport sans avoir tenu compte du fait que le père du jeune homme était également mort d’un accident cardiaque. Le juge d’instruction rend tout d’abord une ordonnance de non-lieu. Un appel est interjeté par la partie civile et la Chambre d’Accusation confirme l’ordonnance de non-lieu, car « elle fait valoir que le père de la victime était décédé d’une valvulopathie, maladie différente de celle de son fils, et ainsi, il n’était pas suffisamment établi que le médecin se soit trouvé en présence de signal d’appel de nature à l’inciter à prescrire des investigations médicales sortant de la législation sociale ». Jurisprudence 3 (cour d’Appel de Grenoble - 4 avril 2000) Un adolescent de 15 ans, porteur d’un souffle cardiaque dès l’enfance, consulte un médecin généraliste pour une licence de karaté. Ce dernier, découvrant le souffle, refuse le certificat et adresse l’adolescent à un cardiologue qui retrouve une hypertrophie ventriculaire gauche majeure à l’échocardiographie ; il refuse également de signer le certificat et prend rendez-vous pour investigation complémentaire, mais l’adolescent décède entre-temps lors d’une séance d’éducation physique à son collège. Les médecins sont assignés devant le tribunal de grande instance par la famille qui est déboutée en premier ressort ; l’appel est interjeté et la cour infirme le jugement et considère que les médecins ont manqué à leurs obligations d’information et de conseils : « Partant du principe que le médecin est tenu envers son patient d’une obligation permanente de conseil et d’information, la cour a estimé que le médecin généraliste ne pouvait se contenter de refuser le certificat et de l’orienter vers un spécialiste, ainsi que le cardiologue. Ils devaient impérativement, pour respecter l’obligation d’information, interdire à l’adolescent tout effort violent dans le cadre scolaire et extra-scolaire, en avertissant ses parents, et les établissements où il pratiquait un sport. Aucun élément n’établit que les médecins avaient donné un début d’information, le fait que le souffle soit connu de longue date ne signifie pas qu’ils étaient conscients des dangers, la demande de certificat d’aptitude pour le karaté montre le contraire. La faute commise par les deux praticiens est en relation de cause à effet avec le décès de l’adolescent puisqu’elle a privé celui-ci d’une chance de survie. »   Conclusions et recommandations   La rédaction d’un certificat de non contre-indication à la pratique sportive est un acte médical à part entière et doit obéir aux règles de l’art médical : - examen médical complet et réalisé personnellement, - connaissance des données acquises de la science et donc des règlements médicaux des différentes fédérations, - certificat donné en mains propres. La responsabilité du médecin est engagée aussi bien en cas de signature que de refus. Les formulaires médicaux des différentes fédérations ont un grand intérêt car ils comportent une partie déclarative à remplir par le postulant, engageant donc également sa propre responsabilité en cas de fausse déclaration. Il n’y a pas de délivrance de feuille de Sécurité sociale.

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