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HTA

Publié le 28 nov 2006Lecture 7 min

Comment mesurer la pression : en consultation ou en ambulatoire ?

J.-M. HALIMI, hôpital Bretonneau (Tours) et O. Hanon, hôpital Broca (Paris)

La méthode conventionnelle de mesure de la PA au cabinet, quoique apparemment simple, présente de nombreuses limitations. Des méthodes alternatives de mesure ont été développées incluant l’automesure et le monitoring ambulatoire de la PA sur 24 heures (MAPA). Plusieurs études récentes montrent que ces méthodes ambulatoires de mesure de la PA évaluent mieux que la méthode conventionnelle le niveau réel de la pression artérielle, le risque vasculaire et les effets du traitement. Dans ce cadre, l’utilisation de la mesure de la pression artérielle en dehors de la consultation médicale doit être encouragée afin de dépister l’effet blouse blanche et différencier ainsi les « vrais hypertendus » qui nécessitent un traitement des « faux hypertendus », c’est-à-dire ceux avec un effet blouse blanche qui ne nécessitent pas de traitement.

Mesure de la PA en dehors de la consultation   La mesure de la PA en dehors de la consultation par des méthodes de mesures ambulatoires (automesure ou MAPA) permet de corriger les erreurs de diagnostic par excès (HTA blouse blanche) ou par défaut, plus rares (HTA masquée). En outre, la majorité des travaux récents soulignent la meilleure valeur pronostique des mesures tensionnelles effectuées en dehors de la consultation comparativement à celles mesurées au cabinet médical.   HTA « blouse blanche »   L'HTA blouse blanche est définie par des chiffres de PA ≥ 140/90 mmHg lors d’une consultation au cabinet médical, alors que les chiffres de PA sont normaux hors environnement médical. Cette situation se distingue de la réaction d’alerte d’un patient, souvent angoissé, chez qui la PA est initialement élevée (de même que la fréquence cardiaque souvent) et qui diminue avec le temps au cours de la consultation, lorsque les mesures sont répétées. Dans l'étude PAMELA (Pressioni Ambulatoriali e Loro Associazioni), qui comparaît, en population générale, la mesure ambulatoire de la PA, l'automesure et la mesure conventionnelle de la PA, la prévalence de l’HTA blouse blanche était estimée à 15,5 %. La fréquence de l’HTA blouse blanche augmente avec l’âge. Dans l’étude SYST-EUR (SYSTolic hypertension in EURope) réalisée chez des hypertendus > 60 ans, un effet blouse blanche a été observé chez 25 % des patients. Dans les populations plus âgées (> 75 ans), la prévalence de l’effet blouse blanche peut atteindre 35 à 40 %. Le mécanisme de l’HTA blouse blanche est mal connu. L'émotion n'est pas le seul facteur explicatif. La diminution de la sensibilité du baroréflexe et l’altération du fonctionnement du système sympathique qui accompagnent le vieillissement ont pour conséquence une importante augmentation de la variabilité de la PA qui contribue à l’augmentation de la prévalence de l’HTA blouse blanche avec l’âge. De nombreuses études ont montré que le pronostic CV et cérébrovasculaire de ces patients est proche ou semblable de celui des sujets normotendus. Au contraire, la prescription d’un traitement antihypertenseur chez un sujet âgé avec un effet blouse blanche (donc normotendu à domicile) expose fortement au risque d’hypotension et de chutes. Cependant, les patients ayant une HTA blouse blanche semblent avoir plus de risque d’évoluer vers une HTA permanente que la population générale. L’HTA blouse blanche pourrait donc être une étape intermédiaire entre la normotension et l'HTA permanente. Il est donc recommandé de ne pas traiter ces sujets mais de surveiller étroitement leur PA au moyen de mesures ambulatoires (automesure ou mesures ambulatoires sur 24 heures).   HTA masquée   L’HTA masquée, aussi appelée HTA reverse ou HTA ambulatoire isolée, est de découverte plus récente. Elle se définit par une PA normale au cabinet médical alors qu’elle est anormalement élevée en dehors de la consultation. Il est désormais établi que l’HTA masquée constitue un facteur de risque vasculaire. Dans l’étude française SHEAF (Self mesurement of blood pressure at Home in the Elderly Assessment and Follow-up), chez 4 939 hypertendus âgés en moyenne de 70 ans, le risque CV à 3 ans était comparable chez les patients avec HTA masquée (2,06 [IC95% : 1,22-3,47]) et chez les hypertendus non contrôlés (1,96 (IC95% : 1,27-3,02). Ces résultats ont été confirmés dans une étude japonaise avec un suivi de 10 ans, indiquant un risque CV similaire des patients ayant une HTA masquée et des patients ayant une HTA permanente. La prévalence de l’HTA masquée est encore mal connue. Elle varie de 10 à 40 % selon les études, en fonction des populations étudiées (âge, normo- ou hypertension), la présence d’un traitement antihypertenseur ou non, des seuils tensionnels choisis ou du niveau de PA pris en compte (PAS et/ou PAD). Ainsi, dans l’étude ANBP2 (Australian National Blood Pressure study), 21 % des patients présentaient une HTA masquée lorsque la PAS était prise en compte, contre 45 % s’il s’agissait de la PAD. Le mécanisme de l’HTA masquée reste non élucidé. Certains facteurs prédictifs ont été décrits : • une PA normale haute lors de la mesure clinique (PAS entre 130 et 140 mmHg), • la notion d’élévation transitoire de la PA, • un index de masse corporelle élevé, • une consommation excessive d’alcool, • sujets à haut risque CV, • la présence d’un diabète, • la présence d’une maladie rénale (protéinurie). L’existence de ces facteurs doit désormais inciter à la recherche d’une HTA masquée même si la mesure clinique s’avère normale lors de la consultation, au moyen des méthodes de mesure ambulatoire (automesure ou MAPA sur 24 heures).   Automesure tensionnelle   Compte-tenu de la fréquence de l’HTA blouse blanche et de l’HTA masquée, les méthodes de mesure en dehors de la consultation médicale constituent une importante aide au diagnostic de l’HTA avant de débuter un traitement au long cours. L'automesure tensionnelle, permet de mesurer la pression artérielle en dehors de la présence du médecin, c'est-à-dire dans l'environnement habituel du patient mais aussi de multiplier les mesures. Elle permet de poser le diagnostic d’HTA blouse blanche et d’HTA masquée mais aussi d’améliorer l’observance thérapeutique du patient. Enfin, il a été démontré dans l’étude SHEAF que les valeurs de PA mesurées en automesure sont significativement plus prédictives du risque de morbi-mortalité CV que celles obtenues en consultation. En pratique, il est recommandé de suivre « la règle des 3 » ; en effet, il faut mesurer sa PA en position assise devant une table (sur laquelle est placé l’appareil) : • 3 fois le matin, à 1 minute d’intervalle (dans l'heure qui suit le lever), • 3 fois le soir, à 1 minute d’intervalle (dans l'heure qui précède le coucher), • et ce, au moins 3 jours consécutifs. Les chiffres tensionnels obtenus pendant cette période seront notés sur un relevé de mesures. On retient comme valeur normale : PAS/PAD < 135/85 mmHg (chiffres moyens des 18 mesures de la PA sur cette période).   MAPA   La MAPA permet d'obtenir une centaine de mesures de la PA sur 24 heures, au cours des activités habituelles du patient. Elle permet ainsi d'apprécier l'influence du cycle repos/activité. Comme pour l'automesure, plusieurs études ont montré que la mesure ambulatoire de la PA prédit mieux le risque CV que la mesure au cabinet du médecin. Dans l’étude de Dolan et al qui a inclus 5 292 hypertendus non traités, la PA a été mesurée de façon ponctuelle en consultation et en MAPA. Durant la période de suivi de 8,4 ans en moyenne, 646 patients sont décédés, dont 389 de cause cardiovasculaire. Après ajustement sur la PA de consultation initiale et les autres facteurs de risque CV, les mesures de PA ambulatoire apparaissaient supérieures aux mesures cliniques pour prédire la mortalité cardiovasculaire. Une augmentation de 10 mmHg de la PAS s’accompagnait d’un risque relatif de 1,12 (1,06 à 1,18 ; p < 0,001) la journée et de 1,21 (1,15 à 1,27 ; p < 0,001) la nuit, ce qui souligne aussi le rôle important de la charge tensionnelle nocturne dans l’évaluation du risque CV. Plusieurs travaux ont ainsi souligné le rôle pronostique de l’absence de baisse tensionnelle pendant la période nocturne, ces patients « non dippers » présentent un risque CV plus important que les « dippers » dont la PA diminue la nuit (figure ci-dessous). Enfin, les données des essais thérapeutiques ont permis de démontrer la valeur des mesures ambulatoires de la PAsur le bénéfice du traitement antihypertenseur. Ainsi, dans l’étude SYST-EUR, le bénéfice du traitement antihypertenseur sur la prévention des AVC et des événements CV n’est observé que chez les « vrais hypertendus », c'est-à-dire chez les patients ayant une HTA systolique maintenue durant le nycthémère alors qu’aucun bénéfice n’est retrouvé chez les sujets ayant une HTA blouse blanche. Les nouvelles recommandations françaises retiennent pour valeurs normales en dehors de la consultation, une PA : • en automesure tensionnelle : PAS/PAD < 135/85 mmHg, • en MAPA : - PAS/PAD < 130/80 mmHg sur les 24 heures, - PAS/PAD < 135/85 mmHg période d’activité, - PAS/PAD < 120/70 mmHg période de sommeil. Risque relatif de mortalité CV selon le caractère dipper ou non de l’hypertension. Au total   Il existe aujourd’hui des preuves solides pour dire que la prise en charge des hypertendus doit utiliser la mesure de PA en dehors du cabinet médical qui constitue une importante aide au diagnostic et aux décisions thérapeutiques. La mise en évidence d’une hypertension artérielle permanente observée à domicile permet de conforter le prescripteur sur la nécessité d’introduire ou de majorer le traitement antihypertenseur.   Pour la pratique   La simple mesure de la PA en consultation ne permet pas de différencier les « vrais hypertendus » des sujets avec un « effet blouse blanche ». Ce dépistage paraît pourtant essentiel car la prescription du traitement antihypertenseur ne sera pertinente que chez les « vrais hypertendus » dont la PA reste élevée en dehors de la consultation. À l’inverse, la prescription d’un antihypertenseur en présence d’un effet blouse blanche expose aux risques de iatrogénie, en particulier chez le sujet âgé. On doit donc utiliser les méthodes de mesure en dehors de la consultation médicale.

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