Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 15 nov 2011Lecture 7 min
Ablation des tachycardies supraventriculaires : quoi de neuf ?
J. LACOTTE, F. SALERNO, M. AÏT SAÏD, A. ROSIER, A. MALTRET, J. HORVILLEUR, Institut Cardiovasculaire Paris Sud, Massy
12es Journées de rythmologie
Dans le domaine de l’ablation, la fibrillation atriale focalise toute l’attention. Cependant, les autres tachycardies supraventriculaires représentent encore les deux tiers des interventions réalisées chaque année. Voici donc l’occasion de faire le point sur les indications, inchangées depuis 2003(1), ainsi que sur les questions pratiques concernant l’ablation du flutter, des voies accessoires et des tachycardies jonctionnelles.
Flutter : un grand classique qui peut réserver des surprises
Pour que l’ablation soit simple, le flutter doit être commun
Commun, c’est-à-dire passant dans l’isthme cavo-tricuspide. Ce chenal de 3 à 4 cm est limité en arrière par la veine cave inférieure et en avant par l’anneau tricuspide. L’ablation linéaire de cet isthme réalise en moins de 30 minutes un bloc de conduction synonyme de guérison du flutter dans 95 % des cas.
Mais avant de parler d’ablation, il est important de prédire si le flutter sera commun.
Cette analyse repose sur deux critères :
– l’absence de cicatrice telle qu’une atriotomie (chirurgie mitrale, CIA, cardiopathie congénitale) ou celle laissée par une précédente ablation, notamment de FA ;
– la polarité des ondes F, inversée entre les dérivations inférolatérales et antérieures : quand le « toit d’usine » descend en DII ou V6, il monte en V1, alors que cette polarité sera concordante de V1 à V6 en cas de flutter atypique.
Ablation dès le premier épisode ou uniquement si récidive ?
Les recommandations les plus récentes(1) rapportent une indication formelle d’ablation (classe I) pour des épisodes récidivants de flutter commun, sinon pour un premier épisode de flutter mal toléré. En cas de bonne tolérance du flutter, ces recommandations privilégient dans un premier temps la réduction par choc électrique (classe I), l’ablation étant proposée comme alternative (classe IIa).
Ablater dès le premier épisode pose la question du potentiel récidivant du flutter et de la supériorité de l’ablation sur les antiarythmiques.
Plusieurs études récentes ont démontré le bénéfice de l’ablation dès le premier épisode.
Sur 104 patients randomisés entre amiodarone et ablation et suivis pendant un an(2) :
– le flutter récidive dans 29 % sous amiodarone vs 3 % après ablation (p < 0,0001) ;
– l’antiarythmique induit 10 % d’effets secondaires gênants vs 0 % pour l’ablation (p < 0,03) ;
– la récidive ou la survenue d’une fibrillation reste identique dans les deux groupes (25 % vs 18 %, p < 0,3).
À ce jour, l’ablation du flutter commun a clairement fait ses preuves. En plus d’un pourcentage très faible de complications, presque nul pour les centres expérimentés, elle permet d’éviter les récidives à long terme, là où le tandem cardioversion – antiarythmiques ne fait que repousser les échéances.
La présence d’une FA change-t-elle la donne ?
• Oui, si l’on considère que l’ablation du flutter est la promesse d’arrêter les antiarythmiques et les anticoagulants, car :
– qui a fait de la FA en refera, flutter ablaté ou non : cela signifie que l’ablation simultanée du flutter et de la fibrillation est maintenant proposée d’emblée aux patients jeunes et symptomatiques ;
– qui n’a pas fait de FA avant l’ablation du flutter est à haut risque d’en faire à distance :
environ 30 % à 3 ans !
• Non, si la fibrillation est parfaitement contrôlée par les antiarythmiques au point que le patient ne présente plus que du flutter : c’est alors le dernier circuit capable de se manifester, souvent de façon plus symptomatique que la fibrillation en raison d’une conduction atrioventriculaire rapide. Dans ce cas, l’ablation du flutter reste logique, même si le bénéfice symptomatique demeure spéculatif à moyen terme, y compris en poursuivant les antiarythmiques. Cette prise en charge hybride (ablation + antiarythmiques) apparaît clairement dans les recommandations, en classe I, sous le libellé « FA convertie en flutter par antiarythmiques de classe Ic ou III ». L’antiarythmique « coupable » sera alors maintenu ou repris dès l’ablation du flutter effectuée.
L’ablation du flutter permet-elle d’arrêter les anticoagulants ?
Généralement oui, mais on tiendra toujours compte de la présence d’une FA préexistante ainsi que du principe ablation = cardioversion, autrement dit :
– pour un flutter associé à une FA, les AVK seront maintenus à vie (sauf CHADS < 2) ;
– pour un flutter isolé, les AVK seront arrêtés un mois après l’ablation.
Mais dans ce cas, la prudence est d’informer le patient du risque de voir apparaître une fibrillation à moyen ou long terme, justifiant la reprise des anticoagulants et ce, d’autant plus que le score CHADS est élevé : au-delà du risque cérébral, les comorbidités définissant le CHADS sont également des facteurs prédictifs de fibrillation.
WPW : attitude invasive dans tous les cas ?
Quelles sont les voies accessoires à risque ?
Si l’on considère le risque de mort subite, les 5 éléments péjoratifs retenus de façon consensuelle(1) sont :
– mort subite ou syncope,
– WPW multiple,
– maladie d’Ebstein,
– tachycardie spontanée ou induite (FA ou rythme réciproque),
– période réfractaire lors de l’exploration ou RR minimal préexcité en FA ≤ 250 ms.
Les 3 premiers critères étant rarement un mode de révélation et le 4e étant assez banal, l’appréciation du risque repose essentiellement sur la détermination de la période réfractaire, ce qui pose d’emblée la question de l’exploration systématique des WPW, même asymptomatiques.
Voie accessoire symptomatique : ablation dans tous les cas ?
Que la voie accessoire soit symptomatique en antérograde (FA conduite) ou en rétrograde (rythme réciproque), l’ablation est à proposer en première intention (indication de classe I). Il existe cependant des situations justifiant de temporiser, notamment en présence d’une voie accessoire septale, proche des voies de conduction, dont l’ablation expose à un BAV iatrogène. Dans ces cas, la cryo-ablation est à préférer, mais avec un taux d’échecs relativement élevé (30 à 35 %), avec comme seule alternative, la poursuite d’un traitement antiarythmique (flécaïnide ou sotalol le plus souvent).
L’autre cas particulier est celui de l’enfant où l’on peut être tenté d’attendre une hypothétique disparition du WPW, ou que le patient atteigne un gabarit d’adulte afin d’intervenir dans des conditions plus confortables.
Les WPW asymptomatiques le restent-ils ?
Pas toujours, car 5 ans après la découverte d’un WPW asymptomatique :
– 25 % perdent leur préexcitation, ce qui règle le problème de l’arythmie létale mais pas forcément celui du rythme réciproque (la voie accessoire peut toujours conduire en rétrograde) ;
– 10 % deviennent symptomatiques, une fois sur deux pour une arythmie mal tolérée, ceci étant d’autant plus fréquent que le patient est jeune (< 30 ans), que la période réfractaire est courte (< 250 ms) et qu’une tachycardie est inductible lors d’une exploration systématique.
La meilleure façon de prédire le potentiel arythmogène d’un WPW asymptomatique est donc de l’explorer, cette attitude paraissant logique chez les jeunes ainsi qu’en cas de sport ou de profession justifiant une expertise.
On rappellera à ce sujet que l’épreuve d’effort n’est rassurante que dans le seul cas où elle montre une disparition brutale de la préexcitation, ce qui ne se produit que dans 15 à 20 % des cas.
En revanche, l’abstention thérapeutique sera de mise en présence d’une voie accessoire asymptomatique et sans danger, compte tenu des 3 % de complications liés à l’ablation, surtout en rapport avec l’abord vasculaire.
Tachycardies jonctionnelles : quand, avec quelle énergie ?
Voie lente ou voie accessoire ?
Deux tiers des tachycardies jonctionnelles (TJ) sont en rapport avec une double voie nodale, le tiers restant avec une voie accessoire rétrograde. Les arguments en faveur de ce dernier mécanisme sont bien évidemment la présence inconstante d’une préexcitation, mais aussi le début des accès de TJ dès l’enfance.
Prédire le mécanisme responsable de la TJ présente surtout l’intérêt d’informer sur les risques spécifiques de l’ablation, soit de la voie lente (risque de BAV), soit d’une voie accessoire rétrograde souvent située à gauche (complications de l’abord artériel rétrograde ou du transeptal).
Quand ablater ?
Les indications ne dépendent pas du mécanisme de la TJ, sauf préexcitation dangereuse, et sont très larges. L’ablation peut même être proposée chez un patient présentant des accès rares, peu gênants mais désireux de se débarrasser des crises et d’un traitement bradycardisant(1).
L’information du patient sur les risques de l’ablation est plus importante que jamais dans ce type de situation, étant donné qu’il s’agit d’un public jeune, souffrant de tachycardies gênantes, mais de toute façon bénignes. La complication essentielle correspond au BAV définitif survenant exceptionnellement lors de l’ablation de la voie lente en radiofréquence (0,8 %).
Dans ces conditions, il semble raisonnable d’attendre que la TJ récidive, sinon de tester un traitement de fond et de laisser murir la réflexion du patient vis-à-vis de l’ablation.
Chaud ou froid ?
• Radiofréquence pour toutes les voies accessoires situées à distance de la voie normale, cette technique étant la plus rapide et la plus efficace (95 % de guérison).
• Cryoablation s’il faut travailler très près du nœud auriculo-ventriculaire, comme c’est parfois nécessaire avec les dualités nodales, le risque de BAV étant presque nul avec le froid.
Cependant, le prix à payer pour la sécurité qu’apporte la cryoablation est un taux de récidives beaucoup plus important, de l’ordre de 10 à 20 %, justifiant presque à chaque fois une 2e intervention, souvent alors réalisée en radiofréquence.
• En l’absence de recommandations claires, le choix du cathéter demeure conditionné par l’expérience de l’opérateur, les particularités anatomiques ou électrophysiologiques de la tachycardie sinon par les souhaits du patient, de mieux en mieux informé des solutions techniques.
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