Explorations-Imagerie
Publié le 18 jan 2011Lecture 6 min
Imagerie cardiaque - Le cœur comme vous ne l’avez jamais vu
M. SIROL, Hôpital Lariboisière, Paris
AHA
L’édition 2010 de l’AHA qui s’est déroulée cette année à Chicago était à l’image des innovations techniques développées par les constructeurs et dévoilées l’année dernière. L’imagerie par résonance magnétique occupe une place de plus en plus importante dans la recherche cardiovasculaire actuelle. Il en est de même concernant l’imagerie de coupe en scanner. Les scanners de toute dernière génération permettent une acquisition de moins en moins irradiante (équivalente à celle d’une coronarographie). Surtout de plus en plus fiables, ils permettent de réaliser une extraordinaire qualité d’image.
Valeur pronostique du scanner coronaire et de l’IRM
Plus intéressant encore et au delà des chiffres annoncés toujours excellents de la valeur prédictive négative du scanner coronaire, sont les études présentées sur le pronostic des patients inclus dans ces études. Tout d’abord, l’analyse faite sur la probabilité pré-test de maladie coronaire, basée sur la classification de Diamond-Forrester (âge, sexe et typicalité de la douleur thoracique), surestime considérablement la maladie coronaire, quand on regarde le scanner coronaire 64 coupes effectué chez plus de 4 700 patients (figure 1).
Figure 1. Diagramme comparant la prévalence de la maladie coronaire, visualisée en coroscanner (barres rouges), comparativement à l’évaluation clinique établie avant la réalisation du scanner coronaire par la classification de Diamond-Forrester (barres bleues), chez l’homme et la femme. Cette étude réalisée sur 4 770 patients met en évidence les limites des scores d’évaluation du risque coronaire en cas de douleur thoracique basée sur les facteurs de risque cardiovasculaire.
Cette étude met en avant la nécessité de revisiter nos modes d’évaluation du risque d’atteinte de la maladie coronaire, qui semble être largement surestimé.
Le registre CONFIRM (Coronary CT Angiography Evaluation For Clinical Outcomes), étude prospective multicentrique et internationale, a permis d’étudier la valeur pronostique du scanner coronaire 64 coupes, réalisé sur plus de 21 000 patients, suivis en moyenne pendant 3 ans.
La présence d’un scanner coronaire normal est de très bon pronostic, avec un taux de mortalité toute cause faible (~1 %). En revanche, la présence de lésions tritronculaires en scanner est de plus mauvais pronostic avec un risque de décès très augmenté (HR = 5,59 ; IC : 4,04, 7,72 ; p < 0,0001), indépendamment des facteurs de risque cardiovasculaires classiques.
De études nombreuses ont également été présentées sur le rôle pronostique de l’IRM cardiaque de stress ou de rehaussement tardif (figure 2). Une équipe japonaise a présenté le suivi sur plus de 10 ans de plus de 1 000 patients ayant bénéficié d’une IRM cardiaque de stress à l’adénosine. Ils confirment l’excellente valeur prédictive négative de l’IRM cardiaque de stress lorsque la perfusion au pic du stress est normale. Les auteurs ont également analysé l’influence de la présence de rehaussement tardif traduisant des zones de fibrose myocardique en termes de valeur pronostique.
Figure 2. Courbes de Kaplan-Meier montrant la survie de plus de mille patients qui avaient bénéficié d’une IRM cardiaque de stress à l’adénosine. La présence d’une anomalie de perfusion ou de zones de rehaussement tardif en IRM est de mauvais pronostic, surtout en présence d’une dysfonction VG, même modérée.
Visualiser les occlusions et la morphologie coronaires
Un papier intéressant confirme l’intérêt de la réalisation d’une IRM cardiaque dans les occlusions coronaires chroniques. En effet, comparativement aux techniques classiques de recherche d’ischémie, l’IRM cardiaque se montre supérieure, en raison de la possibilité de réalisation de recherche d’ischémie de manière fiable, et surtout de l’association à l’identification des zones d’infarctus. En effet, la taille de l’infarctus est mieux déterminée en IRM qu’en médecine nucléaire.
De nombreux abstracts sur le scanner coronaire, ont comparé l’utilisation du scanner de perfusion de premier passage à la scintigraphie de perfusion pour étudier, lors d’un stress pharmacologique, les zones d’hypoperfusion correspondant à des zones d’ischémie. Les résultats du scanner sont tous favorables comparativement à la scintigraphie. En effet, le scanner permet de réaliser, dans le même temps que la perfusion, une étude morphologique coronaire. Celle-ci confirme donc le siège d’une lésion correspondant à un défect perfusionnel, ou au contraire l’absence de lésion sous-jacente, autorisant à éliminer formellement une atteinte coronaire dans un territoire électif des faux positifs de la scintigraphie par exemple.
Un grand nombre d’études se sont également intéressées à la stratification du risque chez des patients à risque faible ou intermédiaire d’événements coronaires. Notamment, la graisse épicardique mesurée sur le scanner cardiaque réalisé chez des patients présentant un syndrome métabolique est corrélée à l’existence de plaques coronaires calcifiées ou mixtes, et aux événements cardiovasculaires. Aucune étude pronostique n’a été présentée pour étudier l’apport du scanner dans cette indication, chez des patients à haut risque cardiovasculaire.
IRM et viabilité myocardique
L’IRM cardiaque est devenue la référence pour la détection de l’infarctus du myocarde (IDM), en raison de sa résolution spatiale supérieure à celle des techniques de médecine nucléaire. Les séquences dites de rehaussement tardif ou de viabilité permettent de mettre en évidence les zones de fibrose myocardique ou de nécrose, en raison d’un hypersignal du muscle dû à l’accumulation du gadolinium dans l’espace intercellulaire pathologique. Cette technique a malheureusement tendance à surestimer la taille de l’infarctus, ne permettant pas de distinguer avec fiabilité le muscle nécrosé, non viable, du muscle périnécrotique, encore viable. Une équipe de chercheurs de Stanford a testé l’utilisation du manganèse (Mn) en IRM à 3 Tesla pour mieux déterminer le myocarde viable au sein de la zone infarcie.
Le manganèse a la propriété de raccourcir le T1 du muscle une fois injecté. Cependant, et à la différence du gadolinium, le Mn s’accumule dans le cardiomyocyte par l’intermédiaire des canaux calciques, c‘est-à-dire qu’il ne peut s’accumuler que dans les myocytes viables. Le principe est donc le même que celui de la tomographie par émission de positrons (TEP) en utilisant le FDG marqué au fluor 18 pour la recherche d’ischémie ou de viabilité. La figure 3 illustre le principe sur un modèle animal d’ischémie-reperfusion (cochon). La zone bordante apparaissant comme non viable sur l’IRM de rehaussement tardif « classique » au Gd est en fait bien viable, lorsque l’on soustrait l’hyposignal dû aux myocytes non viables mis en évidence avec le Mn.
Figure 3. DEMRI : IRM de rehaussement tardif. Mise en évidence de l’infarctus du myocarde en hypersignal (blanc) de la paroi antéro-septale. MEMRI : Rehaussement avec le manganèse. Notez l’hyper signal du muscle non infarci et l’hyposignal du muscle nécrosé. Les images de droite correspondent à une fusion des images de rehaussement tardif classique au gadolinium et du rehaussement au Mn.
Dans la même thématique, une autre étude sur l’animal, avec un modèle d’ischémie-reperfusion sur le chien, s’est attachée à regarder la corrélation de la taille de l’infarctus déterminée en scanner coronaire ou en IRM comparativement à la taille réelle mesurée sur la pièce anatomopathologique (figure 4). Cette étude confirme la surestimation de la taille de l’infarctus par l’IRM, et donne le scanner comme plus précis pour déterminer la zone à risque, souvent impliquée dans les arythmies post infarctus.
Figure 4. Graphiques représentants les corrélations (gauche) de la zone à risque (AAR) déterminée par l’hypoperfusion en scanner coronaire ou en hypersignal sur les images IRM en T2. A droite, la comparaison des techniques en utilisant le test de Bland et Altman retrouvant une faible dispersion en utilisant le scanner et une plus grande en utilisant l’IRM. Le scanner réalisé sur un modèle animal d’ischémie reperfusion permet une meilleur détermination de la zone à risque que l’IRM, qui a tendance à la surestimer.
En recherche fondamentale
Les applications de la recherche plus fondamentale et moins clinique s’orientent vers l’utilisation d’imagerie multi-modalité. L’exemple pris ci-dessous montre l’intérêt de l’utilisation d’imagerie moléculaire afin de déterminer de manière plus précise la composition biologique d’une structure in vivo. Un modèle d’anévrysme de l’aorte abdominale de souris à été injecté avec un contraste spécifique du collagène de type I impliqué dans la fragilisation de la paroi et facilitant donc son risque de rupture. La figure 5 illustre la supériorité de l’utilisation d’un agent de contraste spécifique (imagerie moléculaire) comparativement à l’utilisation d’un contraste standard. En effet, le rehaussement 32 heures après injection du produit de contraste spécifique du collagène I à base de gadolinium (CNA35) est très supérieur au rehaussement obtenu avec un contraste classique.
Figure 5. Modèle d’anévrysme de l’aorte abdominale chez la souris, avec imagerie moléculaire par résonance magnétique réalisée à très haut champ (9,4-T). L’imagerie moléculaire utilise un produit de contraste à base de gadolinium, spécifique du collagène de type I, impliqué dans la déstabilisation et la fragilisation de la paroi de l’anévrysme. Ces images montrent d’une part des coupes axiales sur l’aorte abdominale de souris, avec IRM dite de haute résolution en pondération multiple (haut-gauche). Egalement l’imagerie avant et après injection du contraste spécifique (CNA35) et avec la mesure du signal (haut-droit), et les images histopathologiques correspondantes.
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