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Diabéto-Cardio

Publié le 30 nov 2010Lecture 8 min

Diabète de type 2 et revascularisation coronaire : retour sur les résultats de l’étude BARI2D ?

P. GOURDY, Service de diabétologie, maladies métaboliques et nutrition, CHU de Toulouse

Publiés en juin 2009 dans le prestigieux New England Journal of Medicine, les résultats très attendus de l’étude BARI2D (Bypass Angioplasty Revascularization Investigation 2 Diabetes) ont été finalement peu diffusés au sein de la communauté médicale, principalement du fait de l’absence de bénéfice associé à la stratégie de revascularisation coronaire précoce. Également en cause, le recours fréquent à des gestes de revascularisation différés dans le groupe témoin, fragilisant l’interprétation finale des données. Il est cependant important de ne pas occulter l’autre facette de l’étude BARI2D, l’intérêt porté à la gestion du traitement hypoglycémiant et en particulier à l’utilisation des traitements insulinosensibilisateurs chez les patients diabétiques de type 2 présentant une coronaropathie sévère.

Étude BARI2D : une double ambition L’étude BARI2D a été conçue pour répondre à deux questions distinctes concernant la prise en charge de sujets diabétiques de type 2 présentant une coronaropathie stable avec indication d’un geste de revascularisation, sans caractère d’urgence : nExiste-t-il un bénéfice associé à une stratégie de revascularisation précoce (angioplastie ou pontage coronaire, couplés à un traitement médical optimal), par comparaison au seul traitement médical, éventuellement associé à un geste de revascularisation différé ? nLe choix du traitement hypoglycémiant influe-t-il sur le pronostic de ces patients ? Plus précisément, existe-t-il des différences en termes de mortalité et de pronostic cardiovasculaire entre une stratégie basée sur l’utilisation de traitements insulinosensibilisateurs (SENS) et une stratégie privilégiant les traitements visant à corriger l’insulinopénie (INS) ?   Le critère principal de jugement retenu était la mortalité toutes causes à 5 ans, et plusieurs critères secondaires ont été pris en compte : mortalité et événements cardiovasculaires majeurs considérés dans leur ensemble (MACE) ou individuellement, complications microvasculaires…   Étude BARI2D : une population très spécifique   En effet, les sujets inclus dans l’étude BARI2D devaient impérativement présenter les deux critères suivants : – un diabète de type 2, défini par l’existence d’une hyperglycémie documentée et/ou la prise d’un traitement hypoglycémiant ; – et une coronaropathie documentée (ischémie myocardique dépistée avec sténose coronaire > 50 %, ou manifestations angineuses avec sténose > 70 %) ayant conduit à porter l’indication d’un geste de revascularisation coronaire, mais sans aucun caractère d’urgence. Étaient donc exclus tous les sujets présentant un syndrome coronaire aigu (SCA) imposant une revascularisation immédiate. L’âge moyen des sujets était de 62 ans, avec une nette prédominance masculine (70 % des participants). L’ancienneté du diabète était discrètement supérieure à 10 années et le taux moyen d’HbA1c à l’inclusion se situait à 7,6 %. Il s’agissait bien entendu d’une population à haut risque cardiovasculaire, plus de 30 % des sujets signalant un antécédent personnel d’infarctus du myocarde (IDM) et 24 % d’entre eux la réalisation antérieure d’une procédure de revascularisation. En outre, environ 7 % des participants présentaient une insuffisance cardiaque à l’inclusion (stade I ou II de la classification NYHA).   Étude BARI2D : une randomisation en double plan factoriel   Au total, 2 368 sujets ont été inclus et initialement répartis en deux groupes sur décision du responsable médical, en fonction du type de revascularisation coronaire le plus approprié à la situation clinique (pontage ou angioplastie). Puis, la randomisation a été effectuée dans chacun des groupes selon un double plan factoriel orientant les sujets de façon successive (figure 1) : – vers la réalisation précoce de la procédure de revascularisation (durant les 4 semaines suivant la randomisation) ou le traitement médical seul. Les sujets assignés dans le groupe « traitement médical » étaient susceptibles de bénéficier d’une revascularisation différée au cours du suivi en fonction de l’évolution clinique (angor majoré, ischémie sévère, SCA) ; – puis vers un traitement hypoglycémiant favorisant l’emploi des insulinosensibilisateurs (SENS, metformine et/ou glitazone, principalement rosiglitazone) ou privilégiant les molécules visant à corriger l’insulinopénie (INS, sulfamides hypoglycémiants, glinides et/ou insuline). En situation d’échappement thérapeutique (HbA1c > 8 %), il était cependant recommandé d’associer les molécules initialement réservées à l’autre groupe. Les objectifs thérapeutiques étaient identiques pour l’ensemble des patients : HbA1c < 7 %, pression artérielle < 130/80 mmHg, cholestérol-LDL < 1 g/l, traitement antiagrégant plaquettaire systématique, sevrage tabagique. En accord avec les recommandations internationales, les traitements de prévention cardiovasculaire ont été optimisés et maintenus au cours de l’étude : bêtabloquants dans > 85 % des cas, bloqueurs du système rénine-angiotensine dans > 90 % des cas, statines dans 95 % des cas et aspirine dans 94 % des cas.   Figure 1. Distribution des sujets selon le processus de randomisation en double plan factoriel1. D : décision médicale, R : randomisation, INS : traitement privilégiant les traitements visant à corriger l’insulinopénie, SENS : traitement privilégiant les insulinosensibilisateurs. Stratégie de revascularisation précoce : des résultats décevants   Aucun bénéfice n’a été observé chez les sujets randomisés dans le groupe bénéficiant d’un geste de revascularisation précoce, tant en termes de mortalité qu’en ce qui concerne la survenue d’événements cardiovasculaires au terme des 5 années de suivi (figure 2). Comme nous l’avons évoqué en introduction, l’interprétation de ces résultats doit cependant rester prudente dans la mesure où 42 % des sujets randomisés dans le groupe « traitement médical » ont tout de même bénéficié d’un geste de revascularisation, justifié par l’évolution clinique au cours du suivi (figure 2). L’analyse séparée des sujets en fonction de l’indication initiale de pontage ou d’angioplastie conduit cependant à nuancer les conclusions de l’étude. En effet, une réduction significative des événements cardiovasculaires (p = 0,01), et en particulier du risque d’infarctus du myocarde, a été observée dans le groupe « pontage » lorsque celui-ci était réalisé sans délai (figure 3). Il est important de noter que, fort logiquement, les sujets recevant l’indication de pontage présentaient des lésions coronaires plus sévères et plus étendues que les patients du groupe « angioplastie » (atteinte tritronculaire plus fréquente, index de Jeopardy plus élevé).   Figure 2. Pronostic des sujets en fonction de la stratégie de revascularisation1. A : Mortalité totale et événements cardiovasculaires majeurs. B : Taux cumulé de revascularisation. Figure 3. Pronostic des sujets du groupe pontage en fonction de la stratégie de revascularisation1. Stratégie thérapeutique hypoglycémiante : intérêt métabolique des insulinosensibilisateurs   Si les choix thérapeutiques ont été globalement respectés dans les deux bras (tableau), Il est important de noter que > 40 % des sujets du groupe « SENS » ont nécessité l’association secondaire d’un traitement visant à corriger l’insulinopénie, ce qui souligne l’importance d’une stratégie thérapeutique ciblant les différents traits physiopathologiques du diabète de type 2 (figure 4). Le recours aux insulinosensibilisateurs a été moins fréquent dans le groupe « INS », l’insulinothérapie permettant probablement de s’adapter de façon plus souple à l’évolution des chiffres glycémiques. Le type de stratégie thérapeutique hypoglycémiante n’a exercé aucune influence sur le pronostic des patients, ni sur le taux de survie, ni sur l’incidence des événements cardiovasculaires majeurs. Cependant, l’analyse en sous-groupes suggère un bénéfice lié à la mise en place d’une stratégie thérapeutique basée sur l’utilisation des insulinosensibilisateurs chez les sujets bénéficiant d’un pontage immédiat. L’équilibre glycémique a été plus facilement obtenu dans le groupe recevant les insulinosensibilisateurs avec une baisse moyenne d’HbA1c de 0,6 % contre 0,2 % pour le groupe « INS » (figure 5). Après 3 ans de suivi, 55,5 % des sujets du groupe « SENS » ont atteint l’objectif d’HbA1c < 7 % contre 40 % dans le groupe « INS ». Le taux de cholestérol HDL était également significativement supérieur dans le groupe « SENS ». Parallèlement, la fréquence des hypoglycémies sévères s’est avérée moindre dans le groupe « SENS », avec une stabilité pondérale contrastant avec la prise de 2,1 kg dans le groupe « INS ». Le profil de tolérance de la stratégie basée sur les traitements insulinosensibilisateurs s’est par ailleurs montré globalement satisfaisant, avec cependant une augmentation de la fréquence des œdèmes périphériques (56,6 % vs 51,9 % des sujets), probablement liés à l’utilisation des glitazones (principalement rosiglitazone). En revanche, il n’y a pas eu de majoration significative des épisodes d’insuffisance cardiaque et des fractures, même s’il est primordial de rappeler que l’étude BARI2D n’était pas conçue pour évaluer de façon spécifique l’impact cardiovasculaire et les effets indésirables des glitazones, et en particulier de la rosiglitazone.   Figure 4. Évolution des traitements hypoglycémiants au cours de l’étude1. Figure 5. Équilibre glycémique en fonction du groupe de randomisation1. En synthèse : que retenir de l’étude BARI2D ?   Chez des diabétiques de type 2 présentant une coronaropathie motivant un geste de revascularisation sans caractère d’urgence et bénéficiant d’un traitement médical optimisé, la mortalité et l’incidence des événements cardiovasculaires sont similaires : – qu’il y ait une revascularisation précoce ou qu’il n’y ait pas de revascularisation, sinon une revascularisation différée (42 % des cas) ; – que le traitement hypoglycémiant privilégie les insulinosensibilisateurs (metformine et/ou glitazones) ou les molécules visant à corriger l’insulinopénie (sulfamides hypoglycémiants et/ou insuline). Les patients sélectionnés pour un pontage présentent un profil de risque accentué et, dans cette population spécifique : – une procédure de revascularisation précoce réduit l’incidence des événements cardiovasculaires ultérieurs ; – ce bénéfice cardiovasculaire est d’autant plus marqué que les patients reçoivent un traitement hypoglycémiant privilégiant les insulinosensibilisateurs.   Quels messages pour la pratique clinique ?   Sur le versant cardiologique : L’étude BARI2D suggère que la réalisation d’une angioplastie peut être différée en cas de coronaropathie stable chez le diabétique de type 2 bénéficiant d’un traitement médical optimal, et envisagée de façon différée au cours du suivi si ce traitement s’avère insuffisant. Si la réalisation d’un pontage est indiquée, il est préférable d’effectuer cette procédure de revascularisation de façon précoce car il s’agit de patients avec un pronostic vasculaire a priori défavorable. Sur le versant diabétologique : L’utilisation des traitements insulinosensibilisateurs facilite l’obtention d’un équilibre glycémique optimal chez le sujet diabétique de type 2 présentant une coronaropathie stable, avec un profil de tolérance globalement satisfaisant. Le bénéfice cardiovasculaire associé à la réalisation précoce d’un pontage coronaire semble amplifié si le traitement hypoglycémiant privilégie l’utilisation de molécules ciblant l’insulinorésistance. “Publié dans Diabétologie Pratique”

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