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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 15 juin 2010Lecture 8 min

Électrophysiologie, ablation et nouvelles techniques

C. GRIMARD, InParys, Clinique Val d’Or (Saint Cloud) et Clinique Bizet (Paris)

CARDIOSTIM

Si, comme attendu, la fibrillation auriculaire est la reine incontestée des communications de ce cru 2010 de Cardiostim (mécanismes arythmogènes, nouvelles évaluations du risque de récidive, techniques ablatives), les troubles du rythme ventriculaire ont toute leur place avec les syncopes et la mort subite et leur lot de processus techniques.

Prise en charge des syncopes La prise en charge des syncopes reste actuellement un parcours de longue haleine dans nos hôpitaux, et il n’est pas rare que les patients soient l’objet de nombreux examens avant que le diagnostic « syncope inexpliquée » ne les conduise en cardiologie. La mise en place récente d’unités spéciales dédiées à la prise en charge des syncopes devrait nous permettre d’améliorer les pratiques dans les années à venir. C’est aussi le but de l’étude multicentrique observationnelle PICTURE (Edvardsson et coll.), dans laquelle la majorité des patients enrôlés ont été vus par au moins 3 médecins spécialistes avant le diagnostic, avec la réalisation d’en moyenne 13 examens complémentaires par patient ! Cette étude renforce l’utilité du Holter implantable Reveal (lequel était ici implanté chez tous les patients), qui permet de retrouver une origine cardiaque dans 84 % des cas de syncope étiquetée « inexpliquée », et ainsi de valider l’indication d’implantation d’un stimulateur ou d’un défibrillateur. L’équipe de Favale a étudié l’intérêt du tilt test. Comme attendu, cet examen permet de reproduire les symptômes et de poser le diagnostic de syncope vasovagale dans 20 % des cas. Des facteurs de risque indépendants de récidive de syncope (sexe féminin, au moins 3 syncopes avant le diagnostic et un tilt test positif) ont également été dégagés. Ce travail fait donc la lumière sur cet examen important dans l’arsenal diagnostique actuellement disponible, et malheureusement trop souvent non réalisé, la plupart du temps par manque de savoir-faire ou d’installations adéquates. Triste bilan pour les morts subites De façon plus alarmante que l’étude des syncopes inexpliquées, un registre suisse (Katz) nous rappelle à l’ordre concernant la prise en charge préhospitalière de la mort subite : la survie reste faible (6,4 %, ici). Cette étude fait le point sur les circonstances « salvatrices » : la majorité des survivants correspond aux morts subites ayant eu lieu en présence d’un témoin qui a commencé la réanimation cardiorespiratoire. Cette réanimation a été d’autant plus bénéfique que ce témoin avait eu une formation aux gestes d’urgence (52 % des survivants), et que l’origine de la mort subite était un trouble du rythme ventriculaire (82 % des survivants). Nos efforts doivent donc en partie porter sur une meilleure connaissance des mécanismes de la mort subite, afin d’en améliorer la prise en charge globale. Trois équipes font le point sur l’un de ces mécanismes : le syndrome de repolarisation précoce, très « en vogue ». Un registre grec (Dilaveris) ne le retrouve que dans 5 % de la population tout-venant étudiée, sans antécédents. L’équipe bordelaise, pionnière dans ce domaine, s’est intéressée à la valeur de la fragmentation des QRS pour prédire la survenue des arythmies ventriculaires chez 44 patients avec l’anomalie ECG et un antécédent de mort subite. Une récurrence de trouble du rythme ventriculaire a été enregistrée chez 71 % des patients porteurs de QRS fragmentés versus aucune récidive lorsque les QRS ne l’étaient pas et ce, sur un suivi de 5,5 ans. Enfin, une équipe finlandaise (Tikkanen) a tenté de relier ce syndrome avec des anomalies morphologiques cardiaques : il semblerait que la présence d’une repolarisation précoce dans les dérivations latérales soit associée plus souvent avec une HVG et un syndrome métabolique. Recherche et techniques nouvelles Plusieurs communications s’intéressent à l’utilisation des cellules souches, tant sur le plan de la faisabilité que de la genèse d’arythmies ventriculaires. Dans la cardiomyopathie dilatée, l’équipe slovène de Vrtovec a étudié la repolarisation ventriculaire dans les suites d’une transplantation de cellules par voie intracoronaire : les résultats sont encourageants, avec une amélioration significative des paramètres fonctionnels, biologiques et échographiques, sans modification de l’intervalle QT. Dans la cardiopathie ischémique, l’équipe de Krause a réalisé une transplantation cellulaire chez des patients victimes d’un IDM 10 jours auparavant, avec altération sévère de la FEVG. Ici aussi, les résultats sont encourageants sur l’amélioration de la FEVG, sans augmentation de l’arythmogénicité ventriculaire et ce, lors d’un suivi de 6 mois. Dans la cardiopathie ischémique chronique compliquée d’insuffisance cardiaque, l’équipe russe de Romanov réussit à réduire de façon significative la mortalité de cause cardiaque à 1 an grâce à une amélioration de la pompe ventriculaire gauche. Une équipe suisse (Salvarani) s’est intéressée à la genèse accrue de troubles du rythme ventriculaire après transplantation cellulaire, question qui reste à l’heure actuelle l’un des freins au développement de la technique. Il semblerait que le facteur de croissance TGF-b1 ne soit pas étranger à ce phénomène, par modification de la polarisation membranaire. Ces études sont donc prometteuses et, même si elles concernent de petites cohortes, seront sans doute le point de départ de travaux plus concrets et plus ciblés pour le développement de la technique. Ablation des troubles du rythme ventriculaire Trois communications retiennent l’intérêt dans ce domaine. L’équipe égyptienne d’Amin, qui s’est intéressée à la relation entre la taille de la cicatrice myocardique et le succès d’ablation de la TV. Lorsque la cicatrice est « petite » (définie par une surface < 35 cm2 sur la carte de voltage CARTO), le pourcentage de succès de l’ablation est supérieur, et le risque de récidive moins important. Toujours concernant les TV, citons une communication conjointe Bordeaux- Toulouse (Maury) qui donne la préférence à l’ablation de TV (vs DAI) chez un patient porteur de TV récidivantes sur cardiopathie avancée et dont les comorbidités donnaient à réfléchir quant à l’implantation du DAI. Cette discussion est dans l’air du temps et se posera sûrement de plus en plus à l’heure où nos « vieux » patients porteurs de cardiopathie vivent de plus en plus longtemps. Enfin, impossible de clore ce chapitre sans parler d’ablation de FV (Jadidi, Bordeaux), ici à propos de la caractérisation du substrat arythmogène dans la genèse de cette arythmie : on retrouve des anomalies tissulaires inhomogènes, au niveau du Purkinje, mais aussi des dispersions de potentiels d’action à l’origine de phénomènes de réentrée. Figure 1. Syndrome de repolarisation précoce en latéral chez une patiente récupérée de mort subite rythmique. Figure 2. Tachycardie ventriculaire sur cardiopathie ischémique. Figure 3. Ablation curative de la fibrillation atriale : une procédure non standardisée. La FA dans tous ses états Un peu de génétique Une équipe allemande (Boldt) s’est intéressée à l’implication du facteur GATA4, dont les mutations sont connues pour être à l’origine de malformations cardiaques congénitales. Chez 96 patients porteurs d’une FA idiopathique et sans malformation cardiaque, la région génique codant pour GATA4 a été séquencée : deux mutations ont été isolées et pourraient avoir une implication dans la genèse de la FA. FA et traitement médical Dans les suites de l’étude AFFIRM, plusieurs métaanalyses avaient établi que le contrôle de la cadence ventriculaire en FA était au moins équivalent au maintien du rythme sinusal en termes de mortalité. L’équipe italienne de Bonanno propose une nouvelle métaanalyse incluant les études les plus récentes et démontre que le maintien du rythme sinusal est supérieur en termes de réduction de la mortalité cardiovasculaire. Dans le même sens, une étude observationnelle japonaise (Matsuda) a mis en évidence la supériorité du rythme sinusal en termes de FEVG et d’absence de désynchronisation (2D speckle tracking). Il est probable que les nouvelles thérapeutiques antiarythmiques ne soient pas indifférentes à ces nouveaux résultats. Un nouvel outil prédictif des récurrences de FA : le Doppler tissulaire auriculaire (PA-TDI) Deux études se sont intéressées à ce nouveau paramètre (équipe néerlandaise de Van de Veire), qui semble être un bon facteur prédictif indépendant du risque de récidive de FA chez les patients insuffisants cardiaques et en phase aiguë d’IDM. La gestion de la FA chez ce type de patients est cruciale puisque l’on connaît le risque de mortalité accru en cas d’apparition de FA au cours du suivi. Les techniques ablatives Si les techniques pionnières d’ablation de la FA, décrites par Haissaguerre et Pappone, consistaient en la déconnexion des veines pulmonaires, on pourrait presque dire qu’il y a aujourd’hui autant de techniques que d’équipes entraînées… Ainsi, de nombreuses communications cherchent à étayer une nouvelle technique, à trouver de nouvelles cibles et à remettre en question celles déjà existantes. Pour Ginks, les variations anatomiques des veines pulmonaires n’ont plus de secret grâce aux cartographies électroanatomiques fusionnées avec l’imagerie cardiaque ; pour Schiebeling, la réalisation d’une ligne d’ablation dans les interveines « carina », lorsque celles-ci sont larges, n’augmente pas les taux de succès de l’ablation ; pour Seitz, la recherche de potentiels complexes fragmentés (CFAE) grâce aux cartes électroanatomiques doit être couplée aux potentiels électrophysiologiques pour être plus précisément ablatés ; pour Krummen, un tiers des sites d’ablation de la FA se trouve dans l’oreillette droite, et seulement 16 % dans les seules veines pulmonaires ; enfin, pour Albenque, le flux de l’auricule gauche semble être la clé lorsque que toutes les autres lignes ont été faites pour apprécier le succès sur la FA persistante. Chaque ablation de FA, en fonction de l’origine, de ancienneté, et la persistance de celle-ci, fait donc l’objet de lignes, encerclements, ou destruction de points chauds variés. Quatre communications insistent sur l’usage de l’ATP (Yamane, Yao, Matsuo, Maeda) pour tester la reconnexion des veines pulmonaires en fin de procédure (10 à 20 % des cas), permettre de compléter l’ablation et éviter ainsi les récidives précoces. Enfin, pour prévenir la survenue (bien que rare) de lésions œsophagiennes pouvant aller jusqu’à la fistule, dont le pronostic est gravissime, deux équipes (Rolf, Fürnkranz) proposent d’utiliser une sonde thermique oesophagienne, qui permet, grâce au monitoring permanent de la température, de moduler les tirs pour éviter des dommages irréversibles. Quelques beaux cas cliniques pour terminer… Celui de l’équipe hongroise (Borbola) concernant de nouvelles indications potentielles de l’ivabradine (très attendues par les rythmologues depuis sa mise sur le marché !) : les tachycardies sinusales inappropriées semblent bien contrôlées par cet inhibiteur du canal If, sans présenter les effets secondaires d’un traitement bêtabloqueur, ni les difficultés du traitement radical par ablation. Celui de l’équipe italienne de Cantu, qui décrit une ablation par radiofréquence de TV ventriculaires gauches incessantes par voie transapicale, chez un patient porteur de deux valves mécaniques aortique et mitrale. Celui de l’équipe toulousaine (Maury), qui réalise une première en ablatant FA/flutter auriculaire gauche responsables d’une dégradation hémodynamique, chez un patient équipé d’une assistance ventriculaire définitive Heart Mate II et ce, sans système de navigation en raison d’interférences magnétiques. Ces prouesses techniques, qui restent des procédures exceptionnelles, souvent éloignées de notre quotidien et de son lot de stimulateurs, défibrillateurs et ablations « simples », démontrent que le domaine de la rythmologie reste en pleine évolutivité, capable d’inventivité et d’excellence pour résoudre les cas les plus complexes.

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