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Thrombose

Publié le 16 nov 2010Lecture 5 min

Quand arrêter les anticoagulants après l’ablation ?

P. RICARD, D.G LATCU, M. ARNOULT, N. SAOUDI, CH princesse Grâce, Monaco

Un des principaux objectifs du cardiologue lorsqu’il prend en charge un patient présentant une fibrillation auriculaire est la prévention du risque embolique. Depuis une dizaine d’années, l’ablation de la fibrillation auriculaire (FA) s’est développée avec le succès que l’on connaît et les études ayant comparé les médicaments anti-arythmiques à l’ablation ont toujours démontré la supériorité de cette dernière, pour ce qui concerne le maintien du rythme sinusal. Cependant une question importante reste encore sans réponse : «  Est-ce que l’ablation élimine totalement le risque embolique et en particulier celui d’accident vasculaire cérébral ? » En effet, la poursuite du traitement anticoagulant après une ablation est bien sur directement liée à la réponse à cette question.

Les résultats de l’ablation et le problème de la définition du succès La plupart des études rapportent des taux de succès (maintien du rythme sinusal) élevés variant entre 75 et 90 % pour la fibrillation auriculaire paroxystique avec un suivi d’un à deux ans(1,2). Cependant, des travaux récents suggèrent que même lorsqu’aucune récidive de FA n’est observée durant la première année, celle-ci peut survenir ultérieurement, lorsque le suivi est plus long. En effet, elle peut être observée chez 5 à 13 % des patients durant la seconde année, chez 25 à 46 % pendant la cinquième année et jusqu’à 54 % à 6 ans(3-5). Ainsi, ces études nous montrent que le succès à la fin de la première année n’est pas synonyme d’un succès définitif, à l’inverse de ce que l’on connaît pour l’ablation de la plupart des autres troubles du rythme (tachycardie par réentrée nodale, voie accessoire ou flutter dépendant de l’isthme cavo-tricuspidien, par exemple). Par ailleurs, la définition du succès elle-même n’est pas aussi aisée qu’il n’y paraît car absence de symptôme ne rime pas forcément avec absence de FA. Une étude allemande a montré qu’avant l’ablation la plupart des patients (57 %) avaient à la fois des épisodes symptomatiques et asymptomatiques. Tandis qu’après l’ablation la proportion de patients présentant des épisodes uniquement asymptomatiques était multipliée par 7(6). Il faut bien reconnaître que dans notre pratique quotidienne, la définition du succès repose sur quelques consultations cardiologiques annuelles accompagnées de Holter ECG de 24 heures. Ainsi, à l’inverse de ce que l’on observe avec les autres troubles du rythme, l’ablation de la FA pose deux problèmes spécifiques : il n’est pas si aisé d’être absolument sur de l’absence de récidive d’arythmie et même lorsque le rythme sinusal se maintient durant la première année, une récidive ultérieure est toujours possible.   Évaluation du risque thrombo-embolique et recommandations sur la poursuite du traitement anticoagulant après une ablation de FA ? Tous les patients en FA n’ont pas le même risque embolique. Actuellement le score CHADS2 (Insuffisance cardiaque, hypertension artérielle, âge > 75 ans, diabète, antécédent d’AVC ou d’AIT) est le plus utilisé pour évaluer ce risque et une anticoagulation par antivitamine K sera proposée de façon quasi systématique lorsque ce score est supérieur ou égal à 2. Pourtant si CHADS2 a été validé pour évaluer le risque embolique avant l’ablation, il existe plus d’incertitudes quant à son application chez les patients ayant subit une ablation de FA. En effet, il n’est pas illogique de penser que le risque embolique puisse être modifié par l’ablation. Malgré cette incertitude, et faute de mieux, de nombreuses équipes utilisent CHADS2 également pour évaluer le risque embolique après l’ablation et finalement pour déterminer la nécessité ou non de poursuivre le traitement anticoagulant. Un consensus d’expert(7) a émis des recommandations claires sur le sujet (tableau 1).   En émettant de telles recommandations, leurs auteurs reconnaissent implicitement la difficulté d’évaluer le résultat de l’ablation, puisque le succès ou l’échec ne sont pas pris en compte dans la décision d’une éventuelle anticoagulation à long terme.   Une étude récente va contre les recommandations de ce comité d’experts Récemment, une étude importante a été publiée(8). Il s’agit d’un travail multicentrique européen et américain (Mestre-Venise, Philadelphie, Bordeaux, Austin, Akron et Cleveland) regroupant le plus grand nombre de patients sur ce sujet (n = 3 655). Un groupe de patients a interrompu le traitement anticoagulant entre 3 et 6 mois après l’ablation (n = 2 692, suivi : 28 ± 13 mois), un autre groupe l’a poursuivi à long terme (n = 663, suivi : 24 ± 15 mois). Les critères de choix pour arrêter les AVK étaient fondés sur 3 facteurs : le maintien du rythme sinusal (absence de FA, flutter auriculaire ou tachycardie atriale durant plus d’une minute), l’absence de sténose d’une veine pulmonaire ≥ 70 %, l’absence de dysfonction ventriculaire gauche sévère. Pour le groupe de patients ayant poursuivi le traitement anticoagulant au long cours, le motif le plus fréquent était une récidive d’arythmie. Les accidents vasculaires ischémiques étaient comparables dans les deux groupes. En effet, 3 patients (0,45 %) ont présenté un AVC dans le groupe « poursuite des AVK » contre 2 (0,07 %) dans le groupe « arrêt des AVK ». En revanche les accidents hémorragiques étaient 13 fois plus fréquents lorsque les AVK étaient poursuivis indéfiniment. Enfin un point particulièrement intéressant était l’analyse de la survenue des évènements ischémiques et hémorragiques selon le score CHADS2 (tableau 2). Les patients étaient classés en 3 groupes (CHADS2 = 0, CHADS2 = 1, CHADS2 ≥ 2). Dans cette étude, après l’ablation, il n’y avait aucune différence entre ces différents groupes. Sur la base de ces données, les auteurs de ce travail défendent donc l’idée que le score CHADS2 ne serait pas adapté pour évaluer le risque embolique après une ablation de FA et que l’arrêt des AVK doit être proposer entre le 3e et le 6e mois, lorsque l’ablation est jugée réussie et lorsque le patient n’est pas en insuffisance cardiaque ou ne présente pas de sténose des veines pulmonaires.   En l’absence de consensus, quelle attitude adopter après une ablation de FA ? Si la question reste débattue et qu’il n’est pas possible d’apporter aujourd’hui une réponse définitive, certaines notions doivent être soulignées. 1. Après une ablation de FA, quelque soit son résultat, une anticoagulation par AVK doit être poursuivie, chez tous les patients, impérativement pour une durée de 2 à 6 mois. 2. À l’inverse de ce que l’on connaît pour l’ablation de la plupart des tachycardies supraventriculaires (flutter, réentrée nodale, voie accessoire), une récidive tardive de  FA est toujours possible après son ablation, même après une période de succès initial. 3. Il est parfois difficile d’évaluer le succès de l’ablation car le patient peut avoir des épisodes de FA asymptomatiques. 4. Des points 2 et 3, il ressort qu’après une ablation de FA, un suivi cardiologique attentif est indispensable, même chez les patients qui semblent initialement guéris. 5. La poursuite indéfinie des AVK est l’objet de débats. Elle est recommandée, par les sociétés savantes européennes et américaines, chez les patients présentant un score CHADS2 ≥ 2, et ce quelque soit le résultat de l’ablation. Cette attitude est contredite par une seule étude récente. L’attitude doit donc être discutée individuellement en confrontant, pour chaque patient, l’évaluation du risque embolique et hémorragique et le résultat de l’ablation. Quoiqu’il en soit, il existe un groupe de patients pour lequel la poursuite  indéfinie des AVK est impérative : les insuffisants cardiaques.  

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