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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 20 jan 2009Lecture 5 min

Faut-il encore mesurer l'intervalle HV devant une syncope ?

S. PREVOT, J.-C. DEHARO, CHU Timone, Marseille

Le bloc auriculo-ventriculaire (BAV) complet paroxystique est une des étiologies de syncope d’origine cardiaque à rechercher. L’enregistrement percritique de l’électrocardiogramme permettant d’affirmer le diagnostic est rare. C’est donc un diagnostic difficile qui repose sur un faisceau d’arguments cliniques mais aussi électrophysiologiques avec la mesure de l’intervalle HV. Cependant, des études récentes, telle ISSUE, ont soulevé des incertitudes sur l’utilité de la mesure du HV en montrant par ailleurs l’intérêt des moniteurs rythmiques implantables dans le diagnostic des BAV complets paroxystiques.
Dans quelles circonstances faut-il encore mesurer cet intervalle HV ? Quelle place donner aujourd’hui au moniteur rythmique implantable dans notre démarche diagnostique ?

Pourquoi mesurer encore le HV ? La valeur pronostique de l’allongement de l’intervalle HV dans la survenue d’un BAV complet est connue depuis longtemps. Scheiman et coll. ont en effet montré dans une étude prospective chez des patients asymptomatiques avec bloc de branche qu’un intervalle HV > 70 ms constitue un facteur de risque d’évolution vers un BAV de haut degré. Ainsi, après 4 ans de suivi, 12 % des patients évoluent vers un BAV complet si le HV est compris entre 70 et 100 ms, 24 % si le HV est > 100 ms contre seulement 2 % si le HV est < 70ms. Guérot et coll. ont également montré que le risque de BAV complet augmente avec la longueur du HV : il est, pour un suivi moyen de 56 mois, de 1 à 6 % pour un intervalle HV < 80 ms et de 62,5 % pour un HV > 100 ms. La mesure du HV garde un intérêt du fait de sa bonne valeur prédictive positive. Quand proposer une exploration électrophysiologique ? D’après les recommandations de la Société européenne de cardiologie, l’exploration électrophysiologique est indiquée pour les syncopes où une cause rythmique est suspectée devant : - un ECG anormal, - la présence d’une cardiopathie, - une notion de palpitations, - une mort subite familiale. Nous nous intéressons ici aux patients suspects de syncope par BAV paroxystique où une exploration est réalisée principalement pour rechercher des troubles conductifs infranodaux. Ainsi, une EEP est proposée dans ce but lors de l’association d’une syncope inexpliquée, le plus souvent à l’emporte-pièce, et de troubles conductifs à type de blocs trifasciculaires ou bifasciculaires (bloc de branche gauche ou bloc de branche droit associé à un hémibloc antérieur gauche ou postérieur gauche). L’association syncope et bloc de branche est une indication de classe I pour réaliser une EEP. Mauvaise sensibilité de la mesure du HV Il y a 20 ans, Fujimura et coll. avaient déjà montré le manque de sensibilité de l’EEP pour le diagnostic de BAV paroxystique. En effet, sur une petite série de 13 patients victimes de syncope secondaire à un BAV paroxystique documenté, seuls 2 patients présentaient des anomalies à l’exploration évocatrices du diagnostic. Gaggioli et coll. ont également souligné la faible valeur prédictive négative de l’EEP chez des patients porteurs d’un bloc de branche ayant présenté au moins une syncope : 21 % des patients à 5 ans avaient un BAV complet. Plus récemment, Brignole et coll. dans l’étude « ISSUE » observaient 52 patients victimes de syncope ayant un bloc de branche et une EEP négative. Ils étaient équipés d’un moniteur rythmique implantable. Sur un suivi de 15 mois, un BAV a été documenté chez 33 % des patients (17/52). À noter que seuls 6 % des patients ont évolué vers un BAV complet permanent. Aucun facteur prédictif de BAV paroxystique ne ressortait mais il semble que les patients avec BB droit isolé ou une histoire syncopale évoluant depuis plus de 2 ans sont à faible risque d’évoluer vers un BAV. Les auteurs concluent donc que chez les patients porteurs d’un bloc de branche sans anomalie à l’exploration électrophysiologique, la principale étiologie responsable de récidive syncopale est l’asystole prolongée provoquée par un BAV, ce qui témoigne de la sensibilité très imparfaite de l’exploration électrophysiologique. La sensibilité de l’EEP dans le diagnostic du BAV paroxystique est médiocre. Deux épreuves électrophysiologiques et pharmacologiques ont montré un intérêt dans l’amélioration de la sensibilité de l’exploration électrophysiologique : - l’épreuve de stimulation atriale à fréquence croissante : Lors d’une stimulation atriale à fréquence croissante, la survenue d’un bloc intra- ou infrahissien pour une fréquence < 150/min est anormale et hautement prédictive de la survenue ultérieure de trouble conductif auriculo-ventriculaire (figure 1) ; - l’épreuve pharmacologique par injection intraveineuse d’anti-arythmique de classe Ic : le test à l’ajmaline réalisé par certaines équipes chez des patients sans cardiopathie consiste à injecter en IV lent 1mg/kg d’ajmaline. Il a été montré que l’apparition d’un BAV de haut degré pendant cette épreuve de provocation est très prédictive de la survenue ultérieure d’un BAV complet spontané (figure 2). De même, le test est également considéré par certains comme positif si l’intervalle HV devient > 120 ms sous ajmaline ou s’il est majoré de 50 % par rapport au HV de base. Figure 1. Stimulation atriale (S) à 140/min. Présence dans l’encadré d’un bloc infrahissien avec enregistrement d’un potentiel hissien (H) non suivi d’un potentiel ventriculaire (V). Figure 2. Apparition sous ajmaline d’un bloc auriculo-ventriculaire infrahissien. Quand implanter un stimulateur cardiaque après l’EEP ? La mesure de l’intervalle HV devant une syncope inexpliquée avec bloc de branche permet d’individualiser deux situations : - HV anormal > 70 ms : Il existe une indication formelle d’implantation d’un stimulateur cardiaque (classe 1). À noter que la découverte fortuite chez un patient asymptomatique d’un HV > 100 ms est également une indication acceptable d’implantation (classe IIa) ; - HV normal < 70 ms : c’est dans cette situation que la prise en charge est la moins consensuelle. Le risque important d’éliminer à tort un BAV paroxystique explique que l’implantation d’un stimulateur cardiaque est envisageable en première intention (indication de classe IIa). Malheureusement, on sait depuis l’étude « ISSUE » que deux tiers de ces patients seront implantés inutilement sur un suivi de 15 mois. On préfèrera donc une implantation en première intention chez des patients préférentiellement âgés et avec des troubles conductifs majeurs (bloc trifasciculaire, bloc de branche droite et hémibloc postérieur gauche). L’utilisation d’un moniteur rythmique implantable est une alternative séduisante et recommandée (indication classe I) qui permet de documenter des troubles conductifs paroxystiques symptomatiques ou non sur un suivi actuellement de 3 ans. En pratique Devant une syncope, un BAV paroxystique peut être suspecté si les QRS sont larges. On doit alors proposer une EEP avec mesure de l’intervalle HV. Si le HV est anormal, il existe une indication formelle d’implantation d’un stimulateur cardiaque. Si le HV est normal, le diagnostic de BAV paroxystique n’est pas éliminé et on peut proposer l’implantation d’un moniteur rythmique.

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