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Insuffisance cardiaque

Publié le 04 mar 2008Lecture 8 min

Faut-il maintenir les diurétiques au long cours ?

F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

L’effet réel d’un traitement diurétique au long cours sur le pronostic de l’insuffisance cardiaque chronique systolique n’est pas connu, faute d’essais cliniques pertinents. Bien que deux écoles s’opposent, l’une préconisant une utilisation large et continue et l’autre une utilisation restreinte des diurétiques dans l’insuffisance cardiaque, tous s’accordent pour au moins utiliser la posologie minimale efficace à garantir un statut clinique stable. De ce fait, les diurétiques n’apparaissent plus indispensables chez certains insuffisants cardiaques.

Bénéfice des diurétiques   Le problème posé Aucun essai thérapeutique n’a été nécessaire pour convaincre les cliniciens d’utiliser les diurétiques chez les insuffisants cardiaques symptomatiques ou ayant des signes de rétention hydrosodée. Chez ces patients, leur effet clinique est rapide et le plus souvent favorable, et tous les médecins ont recours aux diurétiques dans ces situations cliniques. Les diurétiques alors utilisés sont les diurétiques de l’anse et/ou les thiazidiques. La grande question posée par l’utilisation de ces diurétiques est : une fois le patient stabilisé et les signes de rétention hydrosodée disparus, faut-il diminuer la posologie des diurétiques et jusqu’où et peut-on ou doit-on envisager leur arrêt ? Cette question renvoie à la problématique du traitement de fond de l’insuffisance cardiaque et ne s’applique qu’aux diurétiques n’ayant pas d’action directe sur les récepteurs de l’aldostérone. En effet, il est admis que les antagonistes des récepteurs de l’aldostérone, qui ont aussi un effet diurétique, par leur action neuro-humorale et leur bénéfice démontré sur le pronostic de l’insuffisance cardiaque systolique, sont un traitement de fond de cette maladie et doivent être maintenus indéfiniment dès lors qu’ils ont été débutés. La question soulevée par les autres diurétiques est : peuvent-ils être considérés comme un traitement de fond de la maladie ? En d’autres termes, doivent-ils être maintenus ou repris chez des patients qui ne s’aggravent pas cliniquement à leur arrêt ? Dans la balance bénéfice/risque des diurétiques utilisés au long cours, il convient, en effet, de prendre en compte : - du côté bénéfice potentiel : la diminution des symptômes et des signes de rétention hydrosodée ; - du côté des effets indésirables potentiels : le risque arythmogène induit par les troubles kaliémiques, la diminution de pression artérielle, l’altération de la fonction rénale et, enfin, la stimulation de plusieurs systèmes neuro-humoraux.   Les données de l’évaluation Les essais contrôlés Les diurétiques ont été évalués dans plusieurs essais de faible puissance, rassemblés dans une métaanalyse publiée en 2006. Les critères évalués dans cette métaanalyse ont été la mortalité totale, dont les données étaient disponibles dans 3 essais contre placebo ayant enrôlé seulement 202 patients, et l’aggravation de l’insuffisance cardiaque. Ont été mis en évidence : - une moindre mortalité totale chez les patients ayant reçu des diurétiques avec un risque relatif de 0,24 (mais un intervalle de confiance à 95 % très large : 0,07 à 0,83 ; p = 0,02) ; - un moindre taux d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque chez les patients ayant reçu des diurétiques dans deux essais, mais ces essais n’ont inclus que 169 patients, avec un risque relatif de 0,07 (IC 95 % : 0,01 à 0,52 ; p = 0,01). Dans 4 essais ayant comparé les diurétiques à un traitement actif (et ayant inclus 91 patients), il a été mis en évidence une augmentation de la capacité d’exercice sous diurétiques. Que conclure ? Premièrement, ces essais, s’ils ont le mérite d’exister, sont de faible taille. Deuxièmement, la réduction extraordinairement élevée du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (réduction du risque de 93 %) rend bien compte qu’il n’était pas nécessaire d’effectuer des essais thérapeutiques pour convaincre les médecins d’un tel bénéfice. Enfin, ces essais ne renseignent que sur des effets de court terme mais pas sur la problématique du maintien à long terme des diurétiques chez des insuffisants cardiaques stables sans signes ni symptômes de rétention hydro-sodée. Ainsi, la donnée de référence sur le sujet est une analyse a posteriori d’un essai clinique prolongé et de grande puissance, l’étude DIG (Digitalis Investigation Group, parue en 2006). Les données indirectes Les auteurs de l’étude DIG ont exploité rétrospectivement la base de données de leur essai pour comparer le pronostic de patients recevant des diurétiques à celui de patients n’en recevant pas. Afin de limiter le biais induit par la non-randomisation pour les diurétiques dans cette étude, les auteurs ont pris, parmi les 7 788 patients de l’étude, 1 391 patients recevant des diurétiques qui pouvaient être appariés en termes de caractéristiques à 1 391 autres patients ne recevant pas de diurétiques. L’effet des diurétiques a ainsi été apprécié sur la mortalité et le risque d’hospitalisation avec un suivi médian de 40 mois. Dans ce travail, la mortalité totale des patients ne recevant pas de diurétiques a été de 21 %, comparativement à 29 % chez ceux en recevant (soit un risque relatif de 1,31 ; IC 95 % : 1,11-1,55 ; p = 0,002). Le taux d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque des patients ne recevant pas de diurétiques a été de 18 %, comparativement à 23 % chez ceux en recevant. Ainsi, une des plus importantes données à long terme concernant l’effet sur le pronostic des diurétiques dans l’insuffisance cardiaque indique, sans aucunement le démontrer, que le traitement diurétique pourrait augmenter la mortalité totale et le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque chez des patients ambulatoires, peu ou pas symptomatiques. L’utilisation à long terme La possibilité éventuelle d’interrompre un traitement diurétique ne se pose que chez les patients revenus en stade I à II après instauration du traitement diurétique. L’arrêt du traitement est-il possible sans risque ? Quelques études ont été faites pour évaluer les effets d’un arrêt du traitement. La plus récente de ces études, parue en 2006, a évalué l’effet de l’arrêt du furosémide (au moins 80 mg/j) chez 26 patients stables, ayant une dysfonction ventriculaire gauche avec une FE < 45 %. À 3 mois, 17 des 26 patients (65 %) ont pu tolérer l’arrêt du traitement sans détérioration de la capacité d’exercice ou du stade NYHA. Chez ces patients, il y a eu une amélioration de la fonction rénale et une diminution de la glycémie ainsi qu’une diminution de l’activité rénine plasmatique, sans modification des taux plasmatiques d’aldostérone, d’endothéline 1 et de noradrénaline. Cependant il a été mis en évidence une augmentation des peptides natriurétiques. Cette étude montre donc qu’il est possible d’interrompre chez un certain nombre de patients de stade NYHA I à II, le traitement diurétique, sans que cela puisse présumer des effets à long terme. La reprise des diurétiques est par ailleurs toujours possible en cas de nouveaux signes congestifs.   Quelle utilisation ?   Les recommandations pour l’utilisation des diurétiques dans l’insuffisance cardiaque (diurétiques de l’anse et thiazidiques) résultent des données exposées précédemment. Il est ainsi indiqué que les diurétiques sont indispensables dans le traitement symptomatique en présence d’une surcharge hydrique avec surcharge pulmonaire ou œdèmes périphériques, les diurétiques diminuant rapidement la dyspnée et accroissant la tolérance à l’effort. Les recommandations pour le maintien à long terme sont par contre relativement modestes. Schématiquement deux écoles se font face : - la première propose que, dès lors qu’il y a eu des signes congestifs ou des symptômes, un traitement diurétique soit maintenu à long terme ; - une seconde propose que les diurétiques soient utilisés à la posologie minimale efficace pour prévenir les signes congestifs ou les symptômes, et donc, si cela est possible, qu’ils puissent être arrêtés. Le point commun à ces deux écoles est qu’avec ou sans diurétiques, les patients doivent recevoir des IEC et des bêtabloquants.   Principes d’utilisation Les diurétiques devront toujours être administrés en association avec des IEC et des bêtabloquants s’ils sont tolérés. Le recours à un diurétique thiazidique peut suffire en cas d’insuffisance cardiaque modérée, mais lorsque celle-ci s’aggrave, un diurétique de l’anse devient généralement nécessaire. Les diurétiques thiazidiques sont moins efficaces si le taux de filtration glomérulaire est < 30 ml/min, situation fréquente chez les sujets âgés insuffisants cardiaques. L’efficacité des diurétiques de l’anse est dose-dépendante. Il existe une concentration seuil au niveau rénal au-dessous de laquelle les diurétiques ne provoquent pas de natriurèse. L’effet du furosémide est maximal à des posologies intraveineuses de 40 mg. L’absorption du furosémide est en moyenne de 60 %, avec des variabilités inter- et intra-individuelles de biodisponibilité. L’insuffisance cardiaque congestive provoque une diminution de la perfusion intestinale ainsi qu’un œdème au niveau de la muqueuse, diminuant l’absorption du furosémide. Lors d’une décompensation cardiaque, la forme intraveineuse du furosémide a ainsi plus de probabilité d’être efficace. L’équivalent en posologie orale d’une dose intraveineuse de furosémide est le double. Traitement initial Il repose sur les diurétiques de l’anse ou les thiazidiques qui seront toujours administrés en plus d’un IEC. Si le taux de filtration glomérulaire est < 30 ml/min, et chez les sujets âgés, il est préférable d’éviter les diurétiques thiazidiques, sauf s’ils sont prescrits de manière à avoir une action synergique avec un diurétique de l’anse.   En cas d’insuffisance cardiaque sévère L’augmentation des posologies des diurétiques de l’anse s’avère souvent nécessaire, à cause de l’apparition d’une insuffisance rénale ou d’une diminution de l’absorption digestive du furosémide. Les diurétiques thiazidiques ont une action synergique avec les diurétiques de l’anse et ils peuvent être utilisés en association. Il est probable qu’une telle association est préférable, en termes d’efficacité et d’effets indésirables, à une augmentation des doses d’un diurétique de l’anse.   En cas de réponse insuffisante Dans un premier temps, il est nécessaire d’augmenter la posologie du diurétique, et il est préconisé d’augmenter les doses par prise plutôt que le nombre de prises afin d’obtenir une concentration suffisante au niveau du rein. Dans un second temps, il est préconisé d’associer un diurétique thiazidique et un diurétique de l’anse. Une résistance au traitement peut par ailleurs refléter une aggravation de l’insuffisance cardiaque, un excès d’apports sodés ou une prise d’AINS.   Les effets indésirables En cas d’utilisation de posologies élevées de diurétiques, il peut apparaître une contraction volémique avec un risque d’hypotension et d’insuffisance rénale, notamment lors de l’utilisation conjointe d’un bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone. Une hyponatrémie peut aussi résulter d’un excès de diurétiques de l’anse ou d’une association de diurétiques. Dans ces cas, la diminution de posologie des diurétiques devient nécessaire. En cas d’hypokaliémie persistante après début du traitement par un IEC et des diurétiques, le recours aux diurétiques épargneurs de potassium et essentiellement la spironolactone est préconisé. Il faudra débuter par une faible posologie (25 mg/j) pendant une semaine puis vérifier la kaliémie et la créatininémie après 5-7 jours et augmenter progressivement les posologies en fonction des résultats.   En pratique   Les diurétiques restent un traitement indispensable de la prise en charge des patients ayant des signes cliniques d’insuffisance cardiaque en raison de leur effet rapide sur les signes de rétention hydrosodée. Ils doivent être utilisés en association avec les IEC et les bêtabloquants. Leur effet sur le pronostic à long terme n’étant pas connu, il est préférable, chez un patient stable, d’utiliser la posologie minimale efficace à prévenir les symptômes et, si cela paraît possible, de les arrêter. Il est possible que leurs modalités de prescription soient prochainement influencées par l’utilisation régulière des peptides natriurétiques : une élévation de ces peptides pourrait ainsi guider la posologie à utiliser pour éviter une décompensation clinique.

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