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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 10 nov 2009Lecture 5 min

Fibrillation atriale et insuffisance cardiaque : une bonne raison d'ablater ?

F. BRIGADEAU, CHU de Lille


Les Journées françaises de l’insuffisance cardiaque
La fibrillation atriale (FA) et l’insuffisance cardiaque (IC) représentent deux épidémies auxquelles nous devrons faire face dans les prochaines années. La FA devrait toucher environ 15,9 millions d’américains en 2050. L’association des deux pathologies est indiscutable. Dans le registre Framingham, chez 1 470 patients à qui l’on découvre soit une FA soit une IC, 26 % des patients ont une association des 2 anomalies avec une augmentation de cette association linéaire dans le temps.

Préalable à la réalisation d’une ablation chez ces patients : La FA a-elle un impact sur le pronostic de l’IC ? Des petites séries de la fin des années 90 nous avaient confirmé une notion ancienne : la FA est un tournant évolutif de l’IC. La conversion en rythme sinusal permet l’amélioration de ses paramètres. Sur des critères durs les conclusions sont moins manichéennes. Si l’on examine les résultats des études sur le bénéfice des traitements pharmacologiques de l’IC, on retrouve un impact pronostique de la FA une fois sur deux (tableau). Soulignons que la FA était un objectif secondaire de ces études. La question pronostique reste ainsi en partie posée, même si Pedersen résume bien les choses en montrant l’impact pronostic fort de la FA dans la dysfonction diastolique, et la dysfonction systolique avec FA entre 25 et 50 % et l’absence d’impact de la FA sur le pronostic en dessous de cette valeur de FEVG. Doit-on absolument contrôler le rythme chez l’IC ? AFFIRM, RACE, HOT-CAFE, PIAF et STAF ont toutes un effet neutre sur la mortalité mais ces études comportaient une faible proportion d’IC. Il a donc fallu entreprendre chez l’IC une étude comparant le contrôle du rythme au contrôle de fréquence : c’est l’étude AF-CHF. 1 376 patients IC (FE médiane à 27 %) avec de la FA ont été randomisés en 2 groupes. À l’issue d’un suivi moyen de 3 ans, il n’y a pas de différence de mortalité entre les deux groupes (figure 1). Les conclusions de ce travail doivent être soigneusement soupesées : - 40 % des patients de l’étude n’étaient pas en situation rythmique conforme à leur groupe de randomisation ; - On connaît l’effet neutre de l’amiodarone sur la mortalité chez les patients en IC ; - A 3 ans, 10 % des patients sous amiodarone ont du arrêter le traitement en raison d’effets secondaires ; - Il existe un cross over de 21 % du groupe contrôle du rythme vers le groupe contrôle de fréquence en raison de l’incapacité à maintenir un rythme sinusal chez ces patients. Figure 1. Mortalité de cause cardiovasculaire au cours du suivi dans l’étude AF-CHF. Les antiarythmiques ne sont donc pas efficaces pour diminuer la mortalité dans l’IC chez les patients en FA, en particulier l’amiodarone. Mais on ne peut pas conclure que le maintien en rythme sinusal n’est pas nécessaire chez ces patients. Dans le cas d’une cadence ventriculaire mal contrôlée, l’ablation du nœud auriculo-ventriculaire est-elle une alternative recevable ? Une métaanalyse a montré le bénéfice de l’ablation du nœud auriculo-ventriculaire chez les patients en FA non contrôlable pharmacologiquement. En revanche on connaît le rôle délétère de la stimulation apicale ventriculaire droite et on sait que les patients en FA avec IC doivent être resynchronisés. Si l’on résume : la FA a un impact pronostic dans les formes les moins sévères de l’IC. Les antiarythmiques sont inefficaces en terme de mortalité par rapport au contrôle de fréquence. L’ablation du nœud auriculo-ventriculaire bien que recevable nécessite la mise en place d’une stimulation biventriculaire. L’ablation par radiofréquence de la fibrillation atriale a donc toute sa place dans ce contexte. Résultats de l’ablation par radiofréquence de la fibrillation atriale chez les patients insuffisants cardiaques L’ablation du nœud auriculo-ventriculaire avec mise en place d’une stimulation/ resynchronisation a été comparée à l’ablation par radiofréquence de la FA centrée autour des veines pulmonaires dans l’étude PABA-CHF. L’ablation fait mieux que l’amputation de la jonction nodo-hissienne sur les 3 critères principaux. Ces résultats très encourageants doivent être nuancés : - On est surpris de l’absence complète d’amélioration de la FE par la resynchronisation ; - On retrouve une amélioration de FE par l’ablation identique à celle obtenue par resynchronisation : environ 10 % sur 6 mois ; - Le follow up est court et l’effet centre probable. Trois études ont spécifiquement étudié l’impact de l’ablation par radio fréquence de la FA dans l’IC : D’un groupe de 377 patients traités par ablation par radiofréquence pour une FA, Chen a extrait 94 patients dont la FE était inférieure à 40%. En comparaison au groupe contrôle le taux de maintien au long cours en RS est de 15 % inférieur. On constate une augmentation de la FE qui n’atteint pas le seuil de significativité. L’amélioration de la qualité de vie est nette. Sur une étude comparable, Tondo retrouve un résultat significatif sur la FE. Hsu a étudié 58 patients insuffisants cardiaques. Là encore, les paramètres fonctionnels et la FE sont améliorés (figure 2). Figure 2. Amélioration de la FE sur 1 an après ablation de FA dans une population de patients IC. D’après Hsu et coll. L’élément crucial est que ce résultat est obtenu quel que soit la cadence ventriculaire pré-interventionnelle. La moitié des patients avait une cadence ventriculaire contrôlée en pré-interventionnel. Ce groupe bénéficie comme les autres de la procédure, ce qui permet de supposer que le bénéfice obtenu est lié au retour à un rythme régulier avec systole atriale. Ainsi, l’ablation par radio fréquence de la FA permet une amélioration substantielle de la FE et des capacités fonctionnelles. Facteurs d’échec de l’ablation par radio fréquence de la FA Ces résultats plus qu’encourageants ne doivent pas faire oublier que l’ablation par radiofréquence de la FA chez les patients en IC reste un geste difficile. Fisher dans sa métaanalyse a montré que l’existence d’une cardiopathie sous-jacente, diminue le taux de succès de la procédure. La FA, quand elle est persistante est plus difficile à traiter. Dans ce contexte, outre l’isolement des veines, un traitement du substrat est nécessaire. Les procédures sont plus longues et les flutters gauches plus fréquents. En outre, l’oreillette gauche de l’IC est remaniée électriquement et anatomiquement avec des zones de fibrose. L’existence de cicatrices est corrélée à un taux de récidive de FA plus important. Enfin, le diamètre de l’OG détermine le succès de la procédure, puisqu’au-delà de 45/50 mm, le taux d’échec augmente. En pratique Les recommandations des sociétés savantes imposent que la FA soit symptomatique pour la traiter par ablation. Nous manquons actuellement d’une étude randomisée par rapport à un groupe contrôle, sur un suivi long et des critères durs pour conclure définitivement. En attendant, mieux vaut procéder de façon agressive et précoce, pour éviter une procédure sur une oreillette remodelée, dilatée et cicatricielle, situation dans laquelle le maintien en rythme sinusal par l’ablation est plus difficile.

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