Publié le 07 déc 2010Lecture 4 min
Le rehaussement tardif
P. DAUDON et L.-D. NGUYEN, CHR d’Orléans
Le rehaussement tardif (RT), en IRM cardiaque, est le renforcement, sous l’aspect d’un hypersignal blanc, d’une zone du myocarde 10 minutes après l’injection de gadolinium. L’acronyme anglo-saxon est explicite : LGE (late gadolinium enhancement).
Mise en évidence
Le chélate de gadolinium est un agent de contraste paramagnétique qui raccourcit le temps de relaxation longitudinal, c’està- dire le temps de retour à l’état d’équilibre des protons préalablement excités. Ce temps (dit T1) caractérise chaque tissu. Le gadolinium est injecté en intraveineux par une seringue électrique (en moyenne 20 ml à 5 ml/s). Cet agent diffuse rapidement dans le secteur vasculaire puis dans le secteur interstitiel du myocarde sain où il donne à son passage une image grise fugace. Au contraire, dans le myocarde nécrosé ou fibrosé, il s’accumule et donne l’hypersignal blanc du RT qui est recherché 10 minutes après l’injection.
Le myocarde doit être le plus noir possible de façon à ce que le contraste soit maximal avec l’hypersignal blanc du rehaussement induit par le gadolinium. Pour cela on réalise une première séquence, 9 minutes environ après l’injection du gadolinium, pour évaluer le temps (appelé TI) où le myocarde apparait le plus noir. Ce temps est alors programmé juste avant de réaliser la séquence recherchant le RT, dès la 10e minute suivant l’injection.
L’évaluation de ce TI n’étant pas toujours parfaite, on a souvent recours à une séquence complémentaire (dite PSIR) qui donne d’emblée, en se dispensant de l’évaluation du TI, un contraste important (figure 1).
Figure 1. RT (flèche blanche) d’un infarctus du myocarde inférieur en plage sous-endocardique avec 50% d’extension transmurale sur une coupe petit axe, touchant le pilier inférieur et le septum interventriculaire. A : Avec séquence classique, après évaluation du TI ; B : Avec séquence PSIR.
Signification
La mise en évidence d’un RT est devenue un élément important du dossier de cardiologie. Le RT signe la nécrose myocytaire ou la fibrose, et va modifier le pronostic et le traitement. Sa recherche devient souhaitable dans de très nombreuses situations.
Cardiopathies ischémiques
La détection d’un RT, dont la caractéristique ici est d’être sousendocardique (figure 2s Aa et Ba), signe une nécrose myocytaire parfois très petite, indécelable par aucune autre technique actuelle (intérêt pour le dépistage notamment chez le diabétique à risque).
Le RT indique également la topographie de la nécrose (basale, moyenne, apicale, antérieure, latérale, inférieure sur les 17 segments du VG) mais aussi et surtout il est le seul à préciser le degré d’extension transmurale (ET), c’est-à-dire le pourcentage de l’épaisseur du myocarde nécrosé (figure 3). Si la nécrose est < 25 % d’ET, il est légitime de revasculariser. Si elle fait > 75 %, revasculariser l’artère correspondante fait courir un risque inutile.
Figure 2. Schémas des RT.
Figure 3. L’extension transmurale du RT est exprimée en pourcentage de l’épaisseur myocardique. Ici l’hypersignal blanc du RT est à 50% de l’épaisseur du myocarde.
Cardiomyopathies dilatées à coronarographie normale
Dans 60 % des cas, on ne trouve pas de RT. Dans 10 % des cas on trouve un RT sous-endocardique évoquant une séquelle ischémique de signification discutable puisque la coronarographie est normale (lésion revascularisée, microangiopathie, etc.).
Dans 30 % des cas on trouve un RT particulier en fuseau linéaire médio-pariétal (figures 2Ab et Bb) qui correspond à une fibrose et qui constitue un élément indépendant de mauvais pronostic.
Myocardites
Lorsqu’il est retrouvé, en règle dans 90 % des cas, le RT constitue un élément diagnostique de poids. Il apparaît sous forme de nodules sous-épicardiques (figures 2Ac et Bc), souvent au niveau de la paroi latérale.
Cardiomyopathies hypertrophiques
Le RT apparaît plutôt nodulaire, médio-pariétal, souvent à la jonction VD-VG au niveau du septum sur la coupe petit axe. Il correspond à de la fibrose qui est un élément de mauvais pronostic et sa découverte va influer sur le choix du traitement.
Dysplasie arythmogène du ventricule droit (VD)
À côté des signes initialement décrits au niveau de la paroi du VD, à savoir infiltration graisseuse, amincissement, hypokinésie, microanévrysmes, la découverte d’un RT de cette paroi ou de celle du VG fait maintenant partie des critères de ce diagnostic difficile.
Autres
L’amylose donne un aspect du RT circonférentiel caractéristique. La sarcoïdose présente un RT dans 50 % des cas, signant une atteinte cardiaque qui assombrit le pronostic, nécessitant une adaptation du traitement comme dans d’autres maladies systémiques ou vascularites.
En pratique
La recherche d’un RT est justifiée et souhaitable chez de très nombreux patients atteints de cardiopathies mais aussi dans de nombreuses autres pathologies. Sa présence, qui témoigne d’une nécrose cellulaire ou d’une fibrose, est en règle un élément de mauvais pronostic et peut influer utilement sur le traitement.
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