Échocardiographie
Publié le 15 sep 2009Lecture 6 min
Infarctus du myocarde au cours d'une échocardiographie de stress - À propos d’un cas
A. TAMDY, R. CHERRADI, N. ETALIBI, D. KHATRI, H. FETOUHI, S. AITBELLA, A. FADILI, L. OUKERRAJ, N. DOGHMIi et M. ARHARBIi, Service de cardiologie B, CHU IBN SINA, Rabat, Maroc
L’échocardiographie de stress est une méthode non invasive très utilisée dans la détection et l’évaluation de la maladie coronaire. Toutefois, elle n’est pas dénuée de risque. L’infarctus du myocarde en est une complication très rare. Le mécanisme invoqué serait celui d’un vasospasme ou d’une déstabilisation d’une plaque d’athérome créée par la dobutamine. Quelques rares cas ont été décrits dans la littérature. Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 54 ans qui, à l’occasion d’une douleur thoracique, a été adressé pour une échocardiographie de stress. Au pic du stress, un tableau d’IDM clinique et électrique est survenu.
Ayant une grande valeur diagnostique et pronostique dans la pathologie ischémique, l’utilisation de l’échocardiographie de stress à la dobutamine (ESD) s’est largement étendue aux autres pathologies cardiaques.
Ce test au stress est basé sur l’augmentation de la consommation en oxygène du myocarde induite par l’effet inotrope et chronotrope de la dobutamine. Le pourcentage des complications liées à ce test est très bas et est similaire à celui décrit pour les autres tests de stress conventionnels.
La plupart des complications observées lors de ESD sont liées à l’ischémie ou à l’arythmie qui semblent être induites par la dobutamine. L’IDM est une complication rare de l’ESD.
Observation
Ce patient de 54 ans, ayant comme facteurs de risque cardiovasculaire un tabagisme important, une hypertension artérielle traitée par inhibiteurs calciques plus bêtabloquant et une hérédité coronarienne, accuse depuis une année une dyspnée d’effort et blockpnée. L’examen clinique et l’ECG du patient sont sans anomalies. La radiographie pulmonaire montre un volume cardiaque et un parenchyme pulmonaire normal. L’échocardiographie transthoracique n’objective pas de troubles de la cinétique segmentaire, d’où l’indication d’une échocardiographie de stress à la dobutamine (ESD).
Au début du test, le patient était eupnéique avec un bon état hémodynamique (TA = 150/80 mmHg, FC = 75 bpm), la FMT est de 170 bpm. Durant l’examen à 130 bpm (fréquence maximale théorique = 170, soit 78 %) et au début du palier de 40 gamma de dobutamine, le patient accuse un malaise avec douleur thoracique typique et collapsus (TA = 90/60 mmHg, froideurs des extrémités, pâleur et sueurs). Les tracés électrocardiographiques concomitants montrent un sus-décalage ST en antéroseptoapical avec image en miroir en postéro-inférieur (figure 1). L’échocardiographie met en évidence une akinésie des segments moyen et basal de la paroi antéroseptale, des segments moyen et apical de la paroi inféroseptale (figures 2 et 3). Le test est donc immédiatement arrêté et le patient rapidement transporté en salle de cathétérisme cardiaque.
Figure 1. ECG per critique montrant le sus décalage avec onde en dôme de pardée en antéroseptoapical, avec image en miroir en postéro inférieur.
Figure 2. Incidence parasternale grand axe : akinésie de la paroi antéroseptale au pic de stress (image B).
Figure 3. Incidence apicale quatre cavités montrant une akinésie de la paroi inféro-septale au pic de stress (image D).
La coronarographie objective une occlusion de l’artère interventriculaire antérieure dans sa portion moyenne (figure 4). Après thromboaspiration avec le cathéter Export, on met en évidence une sténose très serrée et excentrée avec un flux ralenti TIMI 1 (figure 5). Une angioplastie avec mise en place d’un stent non actif est réalisée avec un bon résultat immédiat et flux TIMI 3 (figure 6). Le suivi du patient est marqué par une bonne évolution clinique avec disparition de la douleur et régression du sus-décalage du segment ST. L’échocardiographie réalisée à J5 montre la persistance de l’akinésie au niveau du segment moyen et apical de la paroi septale. Un mois après l’épisode infarctoïde, le contrôle échocardiographique objective une récupération de la fonction contractile avec FE à 60 % et régression du trouble de la contractilité de la paroi septale.
Figure 4. Coronarographie en incidence oblique antérieure droite montrant l’occlusion de l’artère interventriculaire antérieure dans sa portion moyenne.
Figure 6. Coronarographie en incidence oblique antérieure droite : mise en place d’une angioplastie avec pose d’un stent non actif, notant un bon résultat immédiat et flux TIMI 3.
Discussion
Depuis l’introduction du dipyridamole et de la dobutamine dans le test de stress en 1986, l’échocardiographie de stress (ESD) est devenue une méthode non invasive très performante dans la détection et l’évaluation de la maladie coronaire. Bien qu’elle soit généralement considérée comme une méthode sûre et bien tolérée, les effets secondaires extracardiaques restent fréquents, telles les nausées, les céphalées, et uniquement 2 à 5 % des tests sont arrêtés devant l’apparition de ces effets secondaires. Toutefois, des complications cardiaques sévères ont été rapportées avec l’utilisation du dipyridamole ou de la dobutamine, dont les plus fréquents sont : les troubles du rythme (tachycardies ventriculaires, extrasystoles ventriculaires et supraventriculaires), la rupture de la paroi ventriculaire, l’hypotension, la mort subite.
L’IDM semble être une complication très rare avec une incidence < 0,1 %. Uniquement quelques cas ont été rapportés dans la littérature.
Gregg et coll. rapportent le cas d’un infarctus du myocarde qui s’est produit chez une patiente lors de la recherche d’une ischémie en postangioplastie ; la coronarographie montre l’occlusion du stent. Dans un deuxième cas rapporté par Takcuchi et coll., l’IDM s’est produit durant la réalisation de l’échocardiographie de stress à 70 % de la FMT, chez un patient qui présentait des douleurs thoraciques atypiques avec un ECG et une échocardiographie sans anomalies. B. Weidman et coll. décrivent une patiente de 42 ans, qui durant la réalisation d’une ESD pour la recherche de la viabilité myocardique après un IDM antéro-septal traité par thrombolyse, a présenté une nécrose postéro-inférieure avec, à la coronarographie, une sténose de la partie proximale de l’artère coronaire droite. Le tableau de l’IDM peut être de survenue tardive après l’ESD comme dans le cas qui a été rapporté en 2004 par Abdou et coll. où le tableau clinique n’est apparu que deux heures après l’examen échocardiographique.
À côté de ces observations isolées, quelques séries sur la sécurité de l’ESD ont été publiées ; dans la série de Picano et coll. sur 2 799 examens d’échocardiographie à la dobutamine, deux cas d’IDM ont été notés ; dans une autre série de Lewis et coll. sur 650 patients ayant bénéficié d’une échocardiographie de stress à la dobutamine, deux autres cas d’IDM ont compliqué cet examen.
Le mécanisme pouvant induire un infarctus n’est pas bien déterminé. Il semblerait que la dobutamine soit à l’origine d’un vasospasme coronaire en stimulant les récepteurs a. Par ailleurs, elle augmenterait les forces de contrainte sur les artères coronaires et pourrait être responsable de rupture de la plaque athéroscléreuse. Pour mieux comprendre le mécanisme par lequel la dobutamine pourrait causer un infarctus du myocarde, Galloway et coll. ont mené une étude en comparant chez des sujets ayant fait une ESD, une épreuve d’effort simple à des sujets témoins, l’effet de la dobutamine sur les plaquettes in vitro et in vivo. Ils ont alors constaté une activation plaquettaire directe significative induite par la dobutamine aussi bien in vitro qu’in vivo, le degré de cette activation plaquettaire est directement lié à la dose administrée de dobutamine et à la durée de l’administration. La durée de cet effet après l’arrêt de la dobutamine est incertaine, mais suffisamment longue pour expliquer la survenue de l’IDM même après l’arrêt de l’examen.
Notre patient, au vu de ses facteurs de risque et du tableau clinique, nécessitait un test de recherche d’ischémie myocardique. Devant l’impossibilité de réaliser un effort et la bonne échogénicité du patient, l’échocardiographie de stress nous a semblé l’examen le plus approprié. Néanmoins, le patient avait probablement une plaque serrée de l’artère interventriculaire antérieure qui a été rompue avec thrombose occlusive sous l’effet du stress à la dobutamine. Enfin, étant donné les risques, certes rares mais réels de l’ESD, il paraît fondamental de respecter certaines règles dans la réalisation de cet examen qu’on peut étiqueter comme semi-invasif. Le respect des contre-indications est primordial et la réalisation de l’examen dans des normes de sécurité est impérative.
En pratique
La survenue d’un IDM lors de l’ESD est une complication très rare mais possible, malgré le respect des contre-indications et des normes de sécurité. Chez notre patient, l’ESD est un examen justifié mais compliqué malheureusement de rupture de plaque préalablement préexistante. L’ESD est un examen qui devrait être réalisé avec prudence, dans un service spécialisé en réanimation cardiovasculaire.
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