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Valvulopathies

Publié le 31 jan 2006Lecture 7 min

Insuffisance mitrale dynamique des cardiomyopathies : intérêt de l'échocardiographie d'effort

J.-L. MONIN, CHU Henri Mondor, Créteil

Faut-il tester à l’effort tous les patients dont la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) est < 40 % ?
Cette question, qui peut paraître saugrenue au premier abord, mérite d’être posée au vu d’une littérature récente qui démontre l’importance pronostique de l’insuffisance mitrale (IM) dynamique des cardiomyopathies. En une dizaine d’articles, dont la plupart émanent de l’équipe de L. Piérard et Patrizio Lancellotti (CHU de Liège, Belgique), la faisabilité d’une quantification de l’insuffisance mitrale à l’effort, la valeur pronostique indépendante de l’IM dynamique et son rôle dans la genèse de l’œdème aigu du poumon ont été démontrés. Reste le problème non résolu du traitement à proposer à ces patients, sachant que les techniques chirurgicales actuellement employées pour corriger l’IM des cardiomyopathies n’ont pas encore démontré de bénéfice en termes de survie à moyen terme.

IM et cardio-myopathie : quelle valeur seuil au repos ? - Tout a commencé par l’étude d’une sous-population de l’étude SAVE (Survival And Ventricular Enlargement) comprenant 727 patients évalués dans les 16 jours suivant un infarctus du myocarde. Les auteurs ont retrouvé une IM minime à modérée chez 139 patients (19 %) et une IM sévère dans 2 cas seulement. Il s’avère que malgré son caractère modéré, la présence d’une IM était corrélée avec : • un fort taux d’occlusion de l’artère responsable (27 vs 15 %, p = 0,001), • une dilatation ventriculaire gauche plus importante • et surtout une mortalité cardiovasculaire significativement plus élevée qu’en l’absence d’IM (29 vs 12 % à 3 ans, p < 0,001). Dans cette étude, la présence d’une IM était un facteur prédictif indépendant de mortalité cardiaque (RR = 2,0, IC 95 % = 1,28-3,04). - L’équipe de la Mayo Clinic a évalué l’importance d’une IM (quantifiée par l’étude de la zone de convergence ou PISA) sur un groupe de 303 patients recrutés au-delà du 16e jour postinfarctus. Les 194 patients ayant une IM significative étaient comparés à un groupe témoin de 109 patients appariés sur l’âge (70 ans en moyenne), le sexe et la FEVG (33 % en moyenne). Une fois encore, la présence d’une IM modérée est un facteur prédictif indépendant de mortalité, avec un taux de décès d’origine cardiaque de 50 ± 6 % versus 30 ± 5 % en l’absence d’IM (p < 0,001). De plus, la quantification de l’IM a permis de montrer que la valeur seuil pour une IM significative en cas de cardiomyopathie est une surface d’orifice régurgitant (SOR) ≥ 20 mm2, soit la moitié de la valeur seuil correspondant à une fuite mitrale de grade 4/4 d’origine dégénérative (figure 1). Figure 1. Courbe de survie en fonction du degré d’insuffisance mitrale (SOR ≥ 20 mm2 ou SOR < 20 mm2) en cas de cardiopathie ischémique stable. Les nombres de patients à risque pour chaque courbe et intervalle de temps considéré sont indiqués sous le graphique. SOR : surface d’orifice régurgitant mitral. Dans le cadre d’une cardiomyopathie avec fraction d’éjection basse (FEVG < 40 %), une insuffisance mitrale est significative pour une surface d’orifice régurgitant (SOR) ≥ 20 mm2, calculée par la PISA.   IM dynamique : quelle méthode de quantification ? La quantification de l’IM à l’effort a été validée par l’équipe de Liège, pionnière en échographie de stress. Dans cette étude, 27 patients ayant une dysfonction VG systolique (FEVG < 35%) et une IM minime à modérée au repos ont été évalués par échocardiographie d’effort, sur table ergométrique (échographie per-effort). L’insuffisance mitrale a pu être quantifiée au repos et pendant l’effort par plusieurs méthodes : planimétrie du jet Doppler couleur, vena contracta, PISA (figure 2) et volume régurgitant calculé par méthode Doppler. Figure 2. Quantification d’une insuffisance mitrale dynamique par échographie d’effort (étude de la zone de convergence ou PISA) avec monitoring des pressions pulmonaires. SOR : surface d’orifice régurgitant mitral ; PAPS : pression artérielle pulmonaire systolique. Les résultats montrent une bonne corrélation entre les deux méthodes quantitatives au repos (r = 0,78, p < 0,001), encore meilleure à l’effort (r = 92, p < 0,001), avec une tendance à la surestimation du volume régurgitant de l’ordre de 10 ml en moyenne pour la méthode Doppler par rapport à la PISA. Les auteurs concluent que le calcul de la surface d’orifice régurgitant mitral par la PISA est fiable à l’effort, à l’inverse de la planimétrie du jet en Doppler couleur qui n’est pas corrélée aux indices quantitatifs. De plus, l’augmentation du volume régurgitant mitral à l’effort est corrélée avec l’élévation des pressions pulmonaires à l’effort (r = 0,73) et permet de séparer les patients qui stoppent l’effort pour dyspnée de ceux qui s’arrêtent pour fatigue musculaire (figure 3). Figure 3. Corrélation entre l’augmentation du volume régurgitant mitral et l’élévation des pressions pulmonaires à l’effort. Noter la bonne séparation (ligne pointillée) entre les patients qui stoppent pour dyspnée et ceux qui stoppent pour fatigue musculaire pour un delta de volume régurgitant mitral entre 25 et 30 ml. La quantification de l’insuffisance mitrale à l’effort par la PISA est fiable et reproductible. L’augmentation du volume régurgitant mitral à l’effort est corrélée avec l’élévation des pressions pulmonaires.   Aggravation du remodelage ventriculaire à l’effort Les facteurs déterminants de l’IM dynamique ont été étudiés chez 70 patients ayant un infarctus de plus de 6 mois et une FEVG < 45 %. Lors de l’échographie d’effort, la variation de la surface d’orifice régurgitant mitral est corrélée avec l’aggravation du remodelage ventriculaire pendant l’effort. En effet, l’augmentation de la post-charge au cours de l’effort aggrave la dilatation et le remodelage du ventricule gauche, ce qui entraîne une diminution de la contractilité de l’anneau mitral et un écartement des piliers. L’écartement des piliers aggrave la restriction des mouvements valvulaires par une traction des feuillets mitraux vers l’avant, cela ayant pour effet d’augmenter la distance entre ligne de coaptation et plan de l’anneau mitral, ainsi que la surface sous la tente (tenting area), (figure 4). Figure 4. Mesure de la surface sous la tente (tenting area), surface grisée située entre les feuillets mitraux et le plan de l’anneau. La distance coaptation/anneau correspond à la double flèche. Il est important de noter que ces phénomènes sont indépendants d’une éventuelle ischémie myocardique segmentaire, dont la présence était un critère d’exclusion pour cette étude. Par ailleurs, en cas d’infarctus inférieur limité, les auteurs ont observé une diminution de l’insuffisance mitrale à l’effort en cas d’amélioration de la cinétique segmentaire liée à une viabilité myocardique. L’insuffisance mitrale dynamique est liée à une aggravation des phénomènes de remodelage ventriculaire à l’effort. Les principaux déterminants sont l’augmentation de la surface sous la tente (tenting area) et celle de la distance coaptation/plan de l’anneau, liées à l’écartement des piliers qui provoque une traction des feuillets mitraux vers l’avant.   Valeur pronostique de l’insuffisance mitrale dynamique Cette étude concerne 98 patients consécutifs ayant une cardiopathie ischémique stable (FEVG < 45 %) et une insuffisance mitral minime à modérée au repos. L’insuffisance mitrale a été quantifiée au repos et pendant l’effort par la méthode Doppler (100 % des cas) et par la PISA (78 % au repos et 91 % à l’effort). Les patients ont ensuite été suivis pendant 18 mois en moyenne. Les résultats montrent une insuffisance mitrale significative au repos (définie par une SOR > 20 mm2) chez 27 patients seulement (28 %). Parmi ces 27 patients, seulement 10 ont une augmentation significative de l’IM à l’effort (définie par une augmentation de la SOR > 13 mm2). Parallèlement, parmi les 24 patients qui augmentent leur IM à l’effort, plus de la moitié (14 patients, soit 58 %) ont une IM minime au repos. Ces résultats montrent donc que le caractère dynamique de l’insuffisance mitrale est indépendant du degré de régurgitation au repos. Lors du suivi, 9 patients sont décédés de cause cardiaque. Les trois facteurs prédictifs indépendants de mortalité sont : • l’augmentation de la SOR > 13 mm2 à l’effort (p = 0,004), • une SOR > 20 mm2 au repos (p = 0,01), • un temps de décélération mitral court (p = 0,04). L’insuffisance mitrale dynamique est indépendante du degré de régurgitation au repos, elle possède une valeur pronostique indépendante pour la mortalité d’origine cardiaque. Ces résultats démontrent l’importance d’une quantification de l’IM pendant l’effort afin de rechercher une augmentation de la SOR >13 mm2 par rapport à la valeur de base.   IM dynamique et œdème aigu pulmonaire La relation forte entre l’élévation des pressions pulmonaires à l’effort et l’IM dynamique a probablement amené les auteurs à l’idée que l’œdème aigu pulmonaire (OAP) pouvait être lié à ce phénomène. Cette hypothèse a été démontrée dans une étude récente dans laquelle 223 patients consécutifs pris en charge pour OAP sur une période de 3 ans ont été présélectionnés. Seuls les cas de dysfonction systolique VG ont été retenus (FEVG < 45 %), à l’exclusion des patients ayant un facteur déclenchant évident (trouble du rythme, valvulopathie aortique significative, IM dégénérative, syndrome coronaire aigu). Finalement, 28 patients ayant présenté un OAP récent ont été inclus et comparés avec un groupe témoin de 46 patients appariés sur l’âge, la FEVG, les volumes ventriculaires, la PAPS et le degré d’IM au repos. Tous les sujets ont été évalués par écho-Doppler d’effort avec quantification de l’IM et des pressions pulmonaires à l’effort. Les résultats montrent que, malgré des caractéristiques de repos strictement comparables, les patients ayant présenté un OAP récent ont une augmentation significativement plus importante comparativement aux témoins de l’IM à l’effort (³ SOR : 16 ± 10 mm2 vs 2 ± 9 mm2, p < 0,001) parfaitement corrélée à l’élévation de la PAPS (³ PAPS : 29 ± 10 mmHg vs 13 ± 11 mmHg, p < 0,001). Cette étude montre donc le lien entre l’IM dynamique et la survenue d’un OAP chez les patients présentant une dysfonction systolique VG, en l’absence d’autre facteur déclenchant.   En pratique   L’insuffisance mitrale des cardiomyopathies, antérieurement appelée insuffisance mitrale « fonctionnelle », est un phénomène dynamique dont le potentiel d’aggravation à l’effort est lié à la symptomatologie de l’insuffisance cardiaque gauche. Les déterminants de l’IM dynamique sont une exacerbation à l’effort du remodelage ventriculaire gauche avec traction vers l’avant des feuillets mitraux, l’augmentation de la distance coaptation/ anneau diminuant ainsi la coaptation valvulaire. La forte valeur pronostique de l’IM dynamique justifie de quantifier l’insuffisance mitrale par échocardiographie d’effort de manière assez large en cas de dysfonction systolique VG stable. Sur le plan thérapeutique, certains travaux préliminaires sont en faveur d’un effet bénéfique de la stimulation multisite (resynchronisation VG), aucune technique chirurgicale n’ayant prouvé à ce jour de bénéfice net en termes d’amélioration de survie.

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