Publié le 09 déc 2008Lecture 5 min
Les jeunes cardiologues - J'ai passé une année à l'étranger...
F. TOURNOUX, Hôpital Lariboisière, Paris
En 2004, après trois ans d’internat et 1 an de DEA, se posait la question de « l’après internat ». Mon poste de chef de clinique ne se libérait pas avant un an. Mon patron me proposa alors de partir à l’étranger pendant cette période. Pourquoi pas ? Je suis finalement parti 2 ans à Boston, au Massachusetts Hospital, pour faire de la recherche en échocardiographie.
Pour quelles raisons partir ?
Apprendre l’anglais
Bien entendu, une des principales raisons est l'acquisition d’une langue étrangère. Cela est d’autant plus vrai pour l'anglais : un an d’immersion permettant de se « débrouiller » non seulement dans la vie courante mais surtout dans les congrès internationaux et les relations avec les collègues étrangers.
Acquérir une nouvelle technique
Bien entendu, viennent ensuite des raisons beaucoup plus professionnelles. Il peut s’agir de l’acquisition d’une technique nouvelle que l’on rapporte dans son service d’origine garantissant ainsi un certain niveau d’expérience (et parfois un poste !) ou encore d’un projet de recherche en vue d’un post-doc. Le but est de travailler dans un laboratoire d’experts, avec des moyens nouveaux ou simplement de manière différente. Rencontrer et échanger avec de tels mentors est sans doute la partie la plus bénéfique du séjour : on acquiert une façon différente d’appréhender les problèmes, de conduire un projet et ensuite de l’exposer aussi bien au travers de communications en congrès que de publications. C’est une formation souvent absente de notre internat ou que l’on n'aborde qu'au cours d’un DEA/master.
Il y a encore sans doute de nombreuses autres raisons pour tenter une telle expérience. Elles doivent en tous cas s’inscrire dans un projet personnel et surtout professionnel le plus précis possible. Il est très important de savoir avant de partir ce que l’on attend de ce séjour. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’un « mentor » vous pousse dans cette voie. Car, si toutes les personnes que j’ai rencontrées ont été ravies de leur expérience à l’étranger, certaines ont été parfois déçues lors de leur retour (disparition d'un poste de chef de clinique, non-développement de l’activité pour laquelle vous vous êtes formé, etc.).
Combien de temps partir ?
Un an au minimum, surtout si l'on part faire de la recherche. Il faut déjà 1 mois pour s’installer (en particulier pour ceux qui emmènent une petite famille), 2 mois pour monter un projet « réalisable » et se créer un « network » de personnes avec lesquelles travailler (en effet, contrairement à ce que l’on vous a dit, personne ne vous attend vraiment…). Comme toute bonne recherche qui se respecte, les premières expériences échouent lamentablement… On apprend de ses erreurs et on recommence. On ne voit pas le temps passer et il est déjà temps de rentrer !
Partir plus longtemps n’est pas une hérésie. Beaucoup de fellows nord-américains passent souvent au moins deux ans dans le même laboratoire pour terminer et publier leur projet. Bien évidemment, tout cela dépend de ce qui vous attend à votre retour et surtout de l’état de vos finances… Ne pas oublier non plus qu’il ne peut se passer plus de 3 ans entre la fin de l’internat et la prise de fonctions de chef de clinique!
Où trouver l’argent nécessaire ?
Il est souvent difficile de monter son budget. Plusieurs sources de financement sont à prospecter.
La recherche de fonds auprès de l’industrie est souvent difficile, en particulier dans la conjoncture économique actuelle. Il faut savoir que les sociétés qui vont vous sponsoriser n’ouvriront pas spontanément leur porte-monnaie pour un interne ou un jeune chef de clinique. L’implication de votre « mentor » français est souvent indispensable.
Certains laboratoires d’accueil ont parfois des fonds pour financer au moins partiellement un ou plusieurs fellows. Si un laboratoire spécifique vous intéresse, il ne faut pas hésiter à leur poser la question. Ils peuvent vous aider voire vous mettre en contact avec des services, au sein de l’université à laquelle ils sont rattachés, qui offrent de substantielles bourses (c’est ainsi que je suis parti bénéficiant d’une bourse d’Harvard International).
Enfin, il existe en France, plusieurs fondations ou sociétés savantes qui proposent, elles aussi, des bourses. Certaines permettent à elles seules de couvrir l’ensemble de votre budget, d’autres de le compléter. On peut citer parmi ces organismes la Société française de cardiologie (www.sfcardio.org), la Fédération française de cardiologie (www.fedecardio.com), l’Académie nationale de médecine (www.academie-medecine.fr), la Fondation Leducq (www.fondationleducq.org) ou encore la Fondation pour la recherche médicale (www.frm.org).
Combien de temps à l’avance faut-il s’y prendre ?
Une fois que l’idée commence à germer, prendre une année pour tout préparer n’est pas un luxe ! Il faut bien entendu avant tout trouver un centre d’accueil, rassembler suffisamment de fonds et donc pour cela commencer à écrire un projet. Ce n’est pas toujours facile car il doit être écrit en relation avec votre mentor français mais aussi étranger. Ne pas hésiter à profiter de congrès internationaux pour faire connaissance et commencer à définir les grandes lignes de votre fonction une fois sur place : ce sera autant de temps gagné pour la suite !
Enfin, il ne faut pas oublier de régler les problèmes pratiques liés au pays d’accueil : passeport, visa, assurance maladie, qui peuvent devenir un véritable casse-tête, parfois jusqu’aux dernières semaines précédant le départ (ne pas hésiter à demander des conseils à des Français vivant ou ayant vécu là où vous allez).
Les petites choses auxquelles on ne pense pas en partant…
Il faut s’assurer en particulier, si votre bourse vient de votre laboratoire d’accueil, de combien exactement vous allez disposer à la fin du mois. Certaines bourses peuvent paraître très attractives, mais on omet souvent de vous dire que l’institution hospitalière à laquelle votre laboratoire est attaché se permet de prélever un pourcentage non négligeable (jusqu’a 30 %) au titre d’avantages en nature… Par ailleurs, il est important de savoir si cette bourse est versée directement à vous ou via votre laboratoire, en une seule fois ou sous la forme d’un salaire mensuel. En effet, l’imposition n’est pas toujours la même (procurez-vous la convention fiscale entre la France et votre pays d’accueil si elle existe), l’accès à certaines assurances santé non plus. Enfin, il ne faut pas hésiter à contacter la Caisse de sécurité sociale des Français à l’étranger (www.cfe.fr) pour vous faire préciser vos droits en France aussi bien en matière de retraite (pour éviter de perdre des années de cotisation) que d’assurance.
En pratique
Partir un ou deux ans à l’étranger est une expérience enrichissante tant sur le plan personnel que professionnel. Elle doit s’inscrire dans un projet clairement défini, nécessite une préparation longue, parfois stressante mais souvent excitante. Elle permet une ouverture sur un monde différent et la rencontre de gens souvent étonnants. Si vous en avez l'opportunité, n'hésitez pas !
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