Diabéto-Cardio
Publié le 24 nov 2009Lecture 6 min
Jusqu'où traiter le diabète ?
F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque
CNCF
D’après les recommandations spécifiques, le traitement du diabète de type 2, repose sur l’atteinte d’une cible donnée d’hémoglobine glyquée (HbA1c). Cette cible est à moduler en fonction des caractéristiques du patient (ancienneté du diabète, prévention primaire ou secondaire, âge, etc.). Cependant, quelles que soient les caractéristiques du patient, aucune donnée solide ne valide une cible quelconque d’HbA1c dans la réduction du risque de pathologies associées au diabète, que ce soit en termes de macroangiopathie ou de microangiopathie, comme le montrent les 6 principales études disponibles sur le sujet.
Les études anciennes
La première étude UGDP, date de la fin des années 1960. Son effectif était faible et elle a comparé à un groupe contrôle, 4 stratégies : de l’insuline à posologie fixe, de l’insuline à posologie adaptée, un sulfamide (le tolbutamide) et un biguanide (la phenformine). Cette étude a été interrompue avant son terme et dans toutes les branches où était évalué un traitement actif, la mortalité totale et/ou cardiovasculaire étant supérieure à celle constatée dans le groupe contrôle. Cette étude a fait l’objet de plusieurs critiques légitimes pour l’époque, notamment sur le plan statistique.
La seconde étude, UKPDS, a une méthodologie ne permettant pas de répondre à la question posée : existe-t-il un bénéfice à diminuer l’HbA1c chez le diabétique de type 2 ? Elle a débuté en 1977 (c’est-à-dire avant que les dosages d’HbA1c ne soient disponibles) et il aura fallu 14 ans, pour inclure les 4 209 patients randomisés. Son protocole est paru en 1991 et sa lecture est riche d’enseignements. On y apprend, en effet, que : les critères d’évaluation ont été définis en 1982 (soit 5 ans après son début) ; l’évaluation de ces critères a parfois changé (ainsi, les fonds d’œil n’ont été pratiqués de façon régulière qu’à partir de 1982 et, en 1989, la méthode d’évaluation de la rétinopathie a été modifiée) ; le recueil centralisé des prélèvements biologiques n’a été mis en route qu’en 1982, etc.) ; à 3 ans, il y avait déjà 5 % de perdus de vue… On y apprend aussi que les coordinateurs et investigateurs se réunissaient deux fois par an pour discuter des modalités de l’étude, et les changeaient parfois. Ainsi, la branche devant évaluer la metformine a été ajoutée en 1982 et, comme son recrutement était faible, il a ensuite été décidé que les patients randomisés initialement pour recevoir un sulfamide et dont la glycémie restait supérieure à l’objectif (c’est-à-dire > 1,7 g/l, l’objectif de l’étude n’ayant pas été une cible d’HbA1c mais bien une cible glycémique) alors qu’ils avaient un poids supérieur à 120 % du poids idéal, pouvaient recevoir de la metformine. La publication de 1998 nous apprend par ailleurs que, chez ces derniers patients, la mortalité totale a été augmentée de 96 %... On apprend aussi, dans le protocole de l’étude, qu’elle devait être arrêtée lorsqu’un bénéfice serait mis en évidence, ou un effet adverse majeur. Donc l’étude n’avait pas de protocole statistique rigoureux préspécifié. Force est d’admettre qu’elle ne peut répondre aux critères de validité d’une étude d’évaluation d’une stratégie thérapeutique.
Enfin, au-delà de toutes les remarques dont cette étude peut faire l’objet, deux éléments concernant son résultat justifient d’être soulignés :
- ses résultats ont été présentés en 1998, et elle comprenait un groupe contrôle, sans traitement effectif : c’est-à-dire que, jusqu’en 1998, il avait été jugé légitime d’évaluer le traitement du diabète contre un groupe contrôle sans traitement, ce qui a posteriori montre que le bénéfice du traitement du diabète n’était pas établi au moins jusqu’en 1998 ;
- dans le groupe ayant évalué un traitement intensif comparativement à l’absence de traitement, la différence d’HbA1c entre les groupes a été de 0,9 % en moyenne et il a été mis en évidence une réduction du risque des événements microangiopathiques sans réduction des événements macroangiopathiques ni de la mortalité totale, alors que dans le groupe ayant évalué la metformine (chez seulement 342 patients), pour une réduction moindre de l’HbA1c (0,6 %), il y a eu une réduction des événements macroangiopathiques et de la mortalité totale mais pas des événements microangiopathiques.
Les études récentes
Dans la décennie 2000, les résultats de 4 autres études ont été disponibles :
- l’étude PROACTIVE a évalué, en double aveugle et contre placebo, l’effet d’une glitazone en prévention cardiovasculaire secondaire du diabète de type 2. Avec une différence d’HbA1c entre les groupes de 0,5 %, elle n’a pas mis en évidence de bénéfice significatif concernant le critère primaire regroupant un large ensemble d’événements cardiovasculaires ;
- l’étude ACCORD, conduite chez 10 000 patients, a dû être interrompue en 2008, avant son terme, car elle a mis en évidence une augmentation significative et précoce de la mortalité totale chez les patients dont l’HbA1c a été abaissée à 6,4 % (vs 7,5 % dans le groupe contrôle) ;
- l’étude ADVANCE a évalué un sulfamide chez plus de 11 000 patients et n’a pas mis en évidence de bénéfice significatif concernant les événements macrovasculaires et la survenue d’une rétinopathie au terme de 5 ans de suivi. Cette étude a montré une diminution de l’apparition ou de l’aggravation d’une microalbuminurie mais, alors que la pression artérielle était équivalente entre les groupes comparés en début d’étude, en fin d’étude elle était plus basse dans le groupe traité par le sulfamide, ce qui pourrait expliquer pour partie le résultat. Dans le groupe traité, le nombre d’hospitalisation était par ailleurs significativement augmenté ;
- l’étude VADT a inclus moins de patients (1 791) mais son suivi a été prolongé (6,8 ans) et la différence d’HbA1c a été la plus importante constatée dans un essai thérapeutique (1,5 %). Elle n’a mis en évidence aucun bénéfice, tant en termes de risque d’infarctus du myocarde, d’AVC, de rétinopathie, de néphropathie et de neuropathie.
En synthèse
Ainsi, au terme de plusieurs études, il n’y a pas de preuve valide qu’une cible particulière d’HbA1c apporte un bénéfice effectif dans la prise en charge du diabète (tableau).
Les études en sous-groupes conduites à partir de ces essais indiquent, mais ne démontrent pas, qu’il pourrait exister un bénéfice dans la prise en charge des diabétiques dont le diabète est récent. Cette indication a paru confortée par le fait que, dans l’étude UKPDS, un bénéfice est suggéré chez des patients dont le diabète est nouvellement diagnostiqué (cet élément constituant le critère d’enrôlement de l’étude). Mais de fait, ces patients n’avaient pas, pour une grande partie, un diabète récent. En effet, un diabète nouvellement diagnostiqué dans la fin des années 1970 et le début des années 1980 l’était assez souvent lors d’une complication et, dans UKPDS, à l’inclusion, 21 % des patients avaient une rétinopathie, 18 %, un électrocardiogramme anormal, 2 % un antécédent d’infarctus du myocarde, 3 % un angor, 3 % une claudication intermittente, 14 % un pouls périphérique absent et 7 % une neuropathie….
En pratique
Les stratégies thérapeutiques ayant montré avec un niveau de preuve suffisant, un bénéfice chez les diabétiques sont :
- la prescription d’une statine quelle que soit la valeur des paramètres lipidiques,
- l’abaissement de la pression artérielle.
Ces stratégies devraient être prioritaires chez les diabétiques de type 2.
La conduite à tenir vis-à-vis des paramètres glycémiques ne peut être définie de façon valide ; elle repose sur des concepts, des raisonnements théoriques et expérimentaux. Un élément important est probablement qu’il faut savoir déterminer le moment, dans l’évolution du diabète de type 2, où le patient est en insulinopénie afin d’y remédier.
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