Publié le 17 oct 2006Lecture 3 min
L’hyperHDLémie peut-elle être traître ?
E. BRUCKERT, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris
Les études épidémiologiques ont de façon très cohérente et ce, dans tous les pays et toutes les populations, montré qu’il existe un lien très fort entre le taux de HDL-cholestérol (HDL-C) et le risque de maladies cardiovasculaires. Cette relation est d’ailleurs confirmée par un marqueur du HDL-C, l’apolipoprotéine A1 (apo-A1), associé également de façon très forte au risque cardiovasculaire.
Le lien entre HDL-C et apo-A1 est un lien indépendant des autres facteurs classiques et, par ailleurs, un lien qui, bien entendu, est indépendant du LDL-C ou de son marqueur l’apolipoprotéine B (apo-B). C’est pour cette raison que dans l’étude INTERHEART (A global study of risk factors in acute myocardial infarction), le rapport apo-B/apo-A1 est puissamment lié au risque vasculaire et explique dans cette étude menée chez 30 000 sujets presque 50 % des infarctus du myocarde.
Cette relation est toutefois prise en défaut dans les valeurs extrêmes d’HDL-C. On sait depuis longtemps que certaines hypoHDLémies majeures sont associées à une relative protection contre les maladies cardiovasculaires. C’est le cas notamment de sujets atteints de mutation « apo-A1 Milano », « apo-A1 Paris » et de la maladie de Tangier. Il est probable que ces mutations très particulières soient associées à un transport du cholestérol plus rapide malgré les très profondes altérations du remodelage intravasculaire du HDL-C.
Des observations paradoxales
À l’inverse, les élévations extrêmes d’HDL-C sont peut-être parfois non protectrices mais beaucoup moins d’études les ont analysées. Nous avons nous-mêmes revu une série de près de 150 sujets sévèrement hyperHDLémiques et constaté qu’il existait de façon non exceptionnelle une athérosclérose inexpliquée.
Une équipe japonaise a, par ailleurs, montré l’existence d’une maladie athéroscléreuse chez des sujets ayant une hyperHDLémie marquée. Ces sujets avaient une hyperHDLémie importante en raison d’une mutation hétérozygote sur le gène de la cholesterol ester transfert protein (CETP). Cette protéine est impliquée dans le remodelage intravasculaire des HDL-C puisque qu’elle a pour fonction principale de transférer du cholestérol des HDL-C vers les lipoprotéines VDL et LDL-C. Ainsi, sa mutation maintient le cholestérol en grande quantité dans les particules HDL-C. Dans cette étude, les sujets ayant une hyperHDLémie avaient un taux de HDL-C > 100 mg/dl.
Les hypothèses
Les hypothèses pour expliquer cet apparent paradoxe sont nombreuses :
• le cholestérol transféré des HDL-C vers les LDL-C par la CETP est normalement très facilement récupéré par le foie puisque deux tiers des LDL-C sont physiologiquement captés par le foie. En situation normale, l’absence de cette protéine empêche un court-circuit physiologique efficace pour l’épuration du cholestérol ;
• cette mutation entraîne un profond remaniement de la structure des HDL-C et une perte de sa fonctionnalité. La fonctionnalité des HDL-C est, en effet, maintenant une propriété essentielle pour la protection contre l’athérosclérose. De très nombreuses études ont montré que la qualité des HDL-C, soit par leur contenu soit par leur structure lipidique, est essentielle pour toute une série d’activités protectrices, notamment sur la fonction endothéliale, l’apoptose ou la protection de l’oxydation des LDL-C.
En pratique
Ces observations que l’hyperHDLémie majeure n’est pas obligatoirement protectrice, ont deux conséquences essentielles :
- pour le clinicien, la découverte fortuite d’un taux d’HDL-C > 100 mg/dl (1,00 g/l ou 2,58 mmol/l) nécessite une investigation plus poussée pour essayer d’identifier le mécanisme et, bien sûr, vérifier l’absence d’athérosclérose inexpliquée ;
- les médicaments fortement hyperHDLémiants actuellement en développement ont, bien entendu, des potentialités de prévention cardiovasculaire considérables mais leur effet pourrait être atténué s’ils ne modifient pas dans un sens favorable la fonctionnalité des HDL. Cela veut dire bien entendu que ces médicaments ne peuvent échapper précocement à une évaluation de leur impact sur les lésions d’athérosclérose.
L’HDL n’a pas fini de nous séduire comme de nous impressionner par sa remarquable complexité.
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