Cardiologie interventionnelle
Publié le 07 juin 2011Lecture 5 min
La mesure de la FFR en salle de cathétérisme - Un outil diagnostique indispensable
E. TEIGER, Unité de Cardiologie Interventionnelle, CHU Henri Mondor, Créteil
On connaît depuis longtemps les limites de l'angiographie comme outil d'évaluation des conséquences hémodynamiques d'une sténose coronaire. En effet, même avec des logiciels de quantification, la coronarographie ne donne que des informations anatomiques dont la corrélation avec la physiologie n'est pas toujours pertinente. La possibilité d'accéder à des paramètres physiologiques de la circulation coronaire au cours de la coronarographie existe maintenant depuis plusieurs années grâce à l'apparition et au développement de guides miniaturisés permettant des mesures de flux [Doppler coronaire) et de pressions trans-sténotiques.
La mesure de la FFR (Fractional Flow Reserve) à partir d'un guide pression intracoronaire est un indice de réserve coronaire très robuste et parfaitement validé pour l'évaluation de la sévérité d'une sténose coronaire.
La mesure de la FFR fait partie à ce titre des recommandations récentes de la Société européenne de cardiologie sur la revascularisation myocardique pour l'évaluation des lésions intermédiaires dans le cas où un test d'ischémie (ou test fonctionnel) n'est pas disponible. L'angioplastie guidée par la mesure de la FFR améliore le pronostic en réduisant les événements dans un certain nombre de situations cliniques, notamment chez les patients multitronculaires.
Principes de la mesure et indices utilisés
La modélisation classique de la circulation coronaire considère deux compartiments: le réseau de conductance et le réseau de résistance. Grossièrement, le premier compartiment est constitué des artères épicardiques et de l'ensemble des vaisseaux visualisés en coronarographie (jusqu'à 0,4 mm de diamètre), le deuxième est constitué de l'ensemble de la microcirculation, en particulier artériolaire, siège des résistances adaptables. La fonction du réseau coronaire est d'assurer à chaque instant l'équilibre entre les apports et les besoins énergétiques (en particulier en oxygène) du myocarde. Cette adaptation est possible par l'intermédiaire de très nombreux facteurs neuro-humoraux, endocrines, endothéliaux et mécaniques qui font varier les résistances de la microcirculation. Une sténose au niveau épicardique ou une atteinte microcirculatoire sont toutes deux susceptibles de perturber l'adaptation des apports aux besoins et d'entraîner une ischémie myocardique. Différents paramètres physiologiques peuvent aider au diagnostic et guider le geste interventionnel s'il s'avère nécessaire.
La réserve coronaire (CFR) : elle se définit comme le ratio entre le débit maximum (obtenu par hyperhémie) et le débit basal. Elle peut être mesurée assez simplement par un guide Doppler intracoronaire mais elle est très dépendante des conditions de charge et du travail cardiaque et ne permet pas toujours de faire la part entre atteinte épicardique et microcirculatoire.
Vindex de résistance de la microcirculation (1MR)
Il peut être mesuré à l'aide du guide pression en hyperhémie en mesurant le temps de transit d'un bolus froid injecté en intracoronaire et la pression distale. Cet index dont la valeur normale est inférieure à 30 constitue certainement un paramètre utile dans certaines situations cliniques.
La réserve coronaire fractionnelle (FFR)
Elle est définie comme le ratio entre le flux maximum dans une artère présentant une sténose sur le flux sanguin maximum dans cette artère sans sténose. Ce ratio est obtenu très simplement par la mesure de la pression aortique et de la pression en aval de la sténose au cours d'une hyperhémie maximale induite pharmacologiquement. En l'absence de sténose hémodynamiquement significative, ce ratio est de 1. La valeur seuil de 0,75 déterminée par comparaison avec les tests fonctionnels (épreuve d'effort, thallium, échographie de stress) donne une spécificité de 100 % pour prédire le caractère ischémique d'une lésion avec une sensibilité de 88 %. On retient généralement plutôt la valeur de 0,8, ce qui permet en perdant un peu de spécificité de gagner encore en sensibilité.
Le gros avantage de cet indice c'est qu'il intègre la taille du myocarde perfusé, l'étendue des zones nécrosées et saines, ainsi que le degré de collatéralisation, et constitue un excellent critère pronostique. De plus, cette mesure est très reproductible et indépendante des conditions de travail du myocarde.
Conditions de réalisation
La mesure s'effectue à l'aide d'un guide de diamètre équivalent à celui d'un guide d'angioplastie classique muni à 30 mm de son extrémité distale d'un capteur de pression. Après l'administration de trinitrine pour obtenir une dilatation maximale de l'artère épicardique, différents vasodilatateurs de la microcirculation peuvent être utilisés pour obtenir l'hyperhémie maximale. En pratique, c'est l'adénosine qui est généralement utilisée, soit par voie intraveineuse (140 llg/kg/min), soit en bolus intracoronaire (100 à 150 llg).
Validation clinique et indications
L'étude DEFER a permis de montrer l'excellente valeur pronostique de la FFR avec 5 ans de recul. Dans cette étude qui a inclus 325 patients monotronculaires, le taux d'événements le plus bas est observé dans le groupe avec FFR > 0,75 qui a été traité médicalement. L'angioplastie avec stent chez ces patients ne s'accompagne d'aucun bénéfice en termes de prévention des décès cardiaques et du risque d'IDM. Le taux d'événements le plus élevé est observé dans le groupe ayant une sténose fonctionnelle authentifiée par une FFR < 0,75.
Il est donc extrêmement utile de pouvoir disposer de cet outil pour guider le choix de l'artère à revasculariser en complément ou en remplacement des tests d'ischémie quand ceux-ci ne sont pas disponibles ou interprétables.
La stratégie d'angioplastie guidée par la FFR a également été validée dans une population plus complexe de patients multitronculaires. L'étude FAME, prospective, multicentrique, randomisée, a comparé pour ce type de patients, une stratégie de revascularisation basée sur la mesure de la FFR versus une stratégie conventionnelle guidée sur l'aspect angiographique seul. Les résultats disponibles maintenant (avec 2 ans de recul pour les 1 005 patients inclus) montrent une réduction significative du critère combinant décès/infarctus dans le groupe FFR (8,4 vs 12,7 i P = 0,03). Cette approche permet par ailleurs de diminuer le nombre de stents utilisés ainsi que le volume de contraste ; il existe également une tendance à la diminution des revascularisations mais qui n'est pas significative. Enfin, sur le plan médico-économique, malgré le coût du guide, cette stratégie apparaît bénéficiaire.
En dehors de ces situations, la FFR est également un outil précieux pour d'autres indications. C'est le cas de l'évaluation des troncs communs, souvent difficile en angiographie, des lésions de bifurcation où la mesure de la FFR peut guider l'attitude sur la branche « fille» et permet souvent d'éviter des gestes inutiles.
En pratique
La mesure de la FFR représente un complément indispensable aux nombreux outils à la disposition du cathétériseur développés au cours des dernières années et qui apportent essentiellement des informations d'ordre anatomique (capteurs plans, écho endocoronaire, OCT plus récemment).
Un indice d'évaluation fonctionnelle et physiologique comme la FFR complète de façon très utile l'arsenal diagnostique pour la prise de décision la plus adaptée à chaque patient. Il existe maintenant de solides arguments cliniques à faire valoir pour justifier une utilisation large en pratique quotidienne.
Le coût des guides et l'absence de prise en compte actuelle de l'acte par les tutelles sont malheureusement un frein à la diffusion de cette technique.
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