Explorations-Imagerie
Publié le 23 sep 2008Lecture 7 min
La mesure de la pression artérielle
T. DENOLLE, Réseau Rivarance, Dinard
ESH
Pendant de nombreuses années, les communications sur la mesure de la pression artérielle présentées lors des congrès d’hypertension concernaient la MAPA, puis des communications sur l’automesure sont apparues depuis quelques années. En 2008, la MAPA a presque disparu des sessions et l’automesure bien qu’encore présente a donné lieu seulement à quelques travaux. En réalité, l’ESH 2008 restera dans ce domaine l’année de la mesure de la rigidité artérielle et de la pression centrale ! Il est probable que l’arrivée de Stéphane Laurent comme président de l’ESH, la reconnaissance de l’intérêt de la mesure de la rigidité artérielle dans les nouvelles recommandations de l’ESH/ESC et les résultats de l’étude CAFE soient à l’origine de ce nouvel intérêt pour l’artère de l’hypertendu.
La MAPA : intérêt pour dépister une HTA masquée
L’HTA masquée (normotension en consultation mais HTA en ambulatoire) constitue le sujet de nombreuses études actuellement. Un poster a été présenté rappelant que sa prévalence chez l’hypertendu traité est très élevée puisque, dans ce travail espagnol réalisé avec la MAPA chez 302 patients traités et équilibrés en consultation, le pourcentage de patients avec une HTA masquée était de 48 %, chiffre déjà rapporté dans d’autres travaux effectués en France avec l’automesure (études SHEAF et HYPAR) : un argument de plus pour adapter le traitement antihypertenseur en se basant sur des mesures ambulatoires plutôt que sur l’unique mesure de consultation…
Automesure : confirmation de sa valeur pronostique et son utilisation chez l’enfant et la femme enceinte
Jusqu’à présent, peu d’études ont évalué la valeur pronostique de l’automesure dans la population générale (études PAMELA et OSHAMA), l’étude française SHEAF ayant été réalisée chez l’hypertendu.
L’étude Finn-HOME apporte un argument supplémentaire pour favoriser de plus en plus cette technique (comme le recommande la HAS) et la préférer à la mesure clinique réalisée par le médecin pour la prise en charge nos patients. Dans cette étude, 2 104 adultes représentatifs de la population finlandaise ont mesuré leur pression artérielle (PA) en automesure (2 mesures matin et soir pendant une semaine) et en consultation (moyenne de 2 mesures au sphygmomanomètre à mercure) et ont été suivis pendant une moyenne de 7,2 ans. Durant cette période, 38 personnes sont décédées d’une cause cardiovasculaire et 83 d’autres causes. Seule la PA systolique en automesure était significativement corrélée à la mortalité totale et cardiovasculaire et non la mesure effectuée en consultation ! Il est intéressant de noter que cette supériorité n’est pas seulement liée au nombre plus important de mesures effectuées en automesure puisque les deux premières mesures effectuées en automesure avaient une valeur pronostique supérieure aux deux mesures de consultation.
L’étude DIDIMA, présentée par G. Stergiou, a analysé la valeur pronostique de l’automesure suivant la technique utilisée pour la mesurer. Ce travail a été réalisé chez 662 adultes grecs suivis pendant 8,2 ans. Il apparaît que plus on définit la valeur de l’automesure par la moyenne d’un plus grand nombre de mesures, meilleure est sa valeur pronostique. En revanche, que l’on utilise seulement les mesures du matin ou celles du soir, la première mesure ou la seconde ou que l’on exclut les valeurs retrouvées le premier jour ou non, la valeur pronostique de l’automesure reste comparable dans la population générale. Les recommandations de la HAS et du Comité de lutte contre l’HTA (3 mesures matin et soir pendant 3 jours, soit 18 mesures) paraissent donc renforcées par ces résultats.
Chez la femme enceinte, l’effet blouse blanche est fréquent et débuter un traitement médicamenteux peut être néfaste si celui-ci entraîne une chute trop importante et rapide de la PA. L’utilisation de l’automesure commence donc à être proposée aussi dans cette indication. Cependant, il convient d’être très prudent dans l’interprétation des résultats car les valeurs chez la femme enceinte normotendue sont très basses : 100/59 mmHg au deuxième trimestre durant lequel les valeurs sont les plus basses puis elles augmentent en fin de grossesse : 109/74 mmHg d’après l’étude japonaise BOSHI réalisée chez 63 femmes.
Par conséquent, utiliser l’automesure chez la femme enceinte nécessite d’avoir des valeurs de référence adaptées à chaque trimestre de la grossesse !
Chez l’enfant et l’adolescent, l’automesure commence aussi à se développer. Comme chez la femme enceinte, cela nécessite d’avoir à disposition des valeurs de référence. Ainsi, Stergiou a publié des tables suivant le sexe et la taille (tableau 1). Alors que, chez l’adulte, les valeurs d’automesure sont très proches de la moyenne diurne de la MAPA, chez l’enfant et l’adolescent, celles-ci sont plus basses. Par contre, comparées aux valeurs des mesures de consultation, suivant l’âge, l’automesure donne des chiffres plus élevé jusqu’à 12 ans et devient comparable par la suite. Pour le diagnostic d’HTA en pédiatrie, la MAPA et l’automesure seraient comparables suivant cette équipe.
La mesure de la rigidité artérielle : la pression centrale et la mesure de la vitesse de l’onde de pouls
Chaque jour du congrès, il était proposé au moins une session sur l’étude de la rigidité artérielle. S. Laurent a réalisé sa conférence en tant que président de l’ESH sur l’intérêt de cette mesure chez l’hypertendu dans la pathophysiologie des complications rénales et cardiovasculaires. La rigidité artérielle et les ondes de réflexions constituent, en effet, des déterminants majeurs dans la compréhension de l’HTA systolique et ses complications, en particulier chez le sujet âgé.
Mesure de la vitesse de l’onde de pouls
Récemment, les recommandations européennes ESH/ESC 2007 ont conseillé d’utiliser la vitesse de l’onde de pouls comme méthode de mesure de la rigidité artérielle au cours du bilan d’un patient hypertendu. Il s’agit, en effet, d’une mesure simple, non invasive et reproductible, pour laquelle nous avons maintenant de nombreuses études épidémiologiques démontrant sa valeur pronostique dans plusieurs populations de patients. Durant ce congrès, plusieurs communications ont été effectuées sur ce sujet chez le coronarien, chez le diabétique ou pour prédire la survenue d’une insuffisance cardiaque… Elle est habituellement mesurée à partir du temps de propagation de l’onde entre la carotide et l’artère fémorale (figure 1). D’après ces recommandations, une vitesse supérieure à 12 m/s démontre l’existence d’un retentissement viscéral. Cependant, de nombreux paramètres influent sur les résultats : âge, PA, fréquence cardiaque, etc. Plusieurs appareils sont maintenant commercialisés et ont été comparés : Complior®, Sphygmocor®, Pulsepen®, Pulsetrace®. Ce dernier apparaissait non valide. Omron développe aussi son matériel de mesure.
Figure 1. Mesure de la vitesse de l’onde pouls carotido-fémorale.
La courbe de PA centrale obtenue par tonométrie d’aplanation carotidienne ou à partir de la courbe de PA radiale par une fonction de transfert est constituée de l’onde de pression incidente liée à la contraction ventriculaire et de l’onde réfléchie venant de la périphérie. Chez le sujet jeune ou en présence d’artères non rigides, la vitesse de l’onde pouls étant lente, l’onde réfléchie survient tardivement lors de la diastole alors que, chez le sujet hypertendu âgé qui présente des artères rigides, la vitesse de l’onde de pouls étant rapide, cette onde survient précocement et se surajoute à la pression de l’onde incidente, augmentant ainsi la PA systolique et pulsée. Ce phénomène peut être quantifié par un paramètre : l’index d’augmentation défini comme le rapport entre la différence de pression entre les deux pics systoliques sur la pression pulsée (figures 2 et 3). La PA centrale et l’index d’augmentation ont démontré aussi leurs valeurs pronostiques cardio-vasculaires dans plusieurs populations de patients.
Figure 2. Étude des ondes de réflexions et leurs conséquences sur la pression systolique et pulsée.
Figure 3. Mesure de l’index d’augmentation.
Ainsi, plus l’artère est rigide, plus la PA systolique et pulsée s’élèvent favorisant le développement d’une HVG, de l’augmentation de l’épaisseur intima- média puis le développement de plaques d’athérome et de leur rupture.
Toutes les classes thérapeutiques antihypertensives ne sont pas comparables en ce qui concerne leur action sur la rigidité artérielle. Alors que les IEC, les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II et les inhibiteurs calciques diminuent la rigidité artérielle, la pression centrale et l’index d’augmentation, les bêtabloquants et en particulier l’aténolol ont une action inverse sur la pression centrale et l’index d’augmentation, ce qui expliquerait les résultats de l’étude CAFE réalisée chez les patients hypertendus traités par deux associations périndopril/amlodipine vs aténolol/bendrofluazide, qui permettaient d’obtenir une baisse comparable de pression brachiale mais des différences de PA centrale et d’événements cardiovasculaires.
Cependant, comme cela a été rappelé pendant ce congrès, si la vitesse de l’onde de pouls et l’index d’augmentation ou la pression centrale apportent des informations pronostiques chez le patient hypertendu, ces paramètres ne sont pas interchangeables. Si la vitesse de l’onde de pouls constitue le « gold standard » pour étudier la rigidité artérielle, la pression centrale dépend de nombreux paramètres, dont la rigidité artérielle, mais aussi les onde de réflexion.
En pratique
L’étude de la rigidité artérielle a été longtemps réservée à quelques centres de recherche mais la simplification des appareils de mesure, les nombreux travaux publiés démontrant son intérêt pronostique et son intégration dans le bilan de l’hypertendu recommandé par l’ESH/ESC vont certainement favoriser sa diffusion dans les années à venir, malgré le coût encore élevé des appareils de mesure et l’absence de cotation de cette mesure…
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