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Explorations-Imagerie

Publié le 25 mai 2010Lecture 10 min

La place de l'IRM de stress

J. GAROT, IRM Cardiovasculaire, ICPS, Hôpital Privé Jacques Cartier, MASSY

La détection de l’ischémie myocardique est cruciale dans la prise en charge des patients coronariens ou ayant un diagnostic suspecté d’insuffisance coronaire. Au-delà de l’étude anatomique de la circulation coronaire, cette approche a l’avantage de préciser le retentissement fonctionnel des sténoses coronaires. Elle permet, par la mise en évidence d’une ischémie myocardique et en précisant son extension, de mieux stratifier le pronostic des patients et d’évaluer la nécessité de revascularisation. Deux grandes modalités sont disponibles :
- l’imagerie dynamique de perfusion au cours d’un stress pharmacologique sous adénosine ou dipyridamole,
- le ciné-IRM de stress sous perfusion de doses croissantes de dobutamine.

Techniques L’IRM de stress requiert une formation à l’imagerie par résonance magnétique cardiaque et à la réanimation cardiovasculaire. IRM de perfusion au cours du stress pharmacologique L’imagerie dynamique de la perfusion myocardique par résonance magnétique permet l’étude du passage transmyocardique d’un agent de contraste (gadolinium) suivant son injection (0,05-0,1 mmol.kg-1 IV à l’injecteur automatique à 4-5 cm3/s). La présence d’un hyposignal témoigne d’une hypoperfusion relative par rapport aux territoires myocardiques sains normoperfusés et indique une anomalie de la réserve coronaire (figures 1, 2 et 3). L’imagerie permet une couverture anatomique complète du VG et une bonne résolution spatiale (2-3 mm). Le stress pharmacologique est représenté par une injection IV lente (3 mn) de dipyridamole à la dose de 0,56 à 0,84 mg/kg, l’imagerie de stress étant acquise 2-3 mn après l’injection. Il peut également être obtenu par une injection IV continue au pousse-seringue électrique de 140 µg/kg/min d’adénosine, l’imagerie étant acquise lors de la perfusion à débit constant. Les principaux effets secondaires de ces deux drogues sont bénins. Les contre-indications à ces drogues comprennent les blocs auriculo-ventriculaires de haut degré, l’asthme, un AVC récent de moins d’un mois, et la présence de sténoses carotidiennes serrées bilatérales. L’imagerie de perfusion est associée 10 mn plus tard à une imagerie de rehaussement tardif afin de déterminer la présence et l’extension de foyers d’infarctus. L’examen est réalisé en 30 min et associe à l’imagerie de la perfusion myocardique, l’imagerie ciné-IRM avant et après stress et l’imagerie de rehaussement tardif. Figure 1. IRM de perfusion sous dipyridamole mettant en évidence une hypoperfusion dans le territoire antéro-septo-apical (A-C, flèches). Lésion subocclusive de l’IVA (D, flèche). Figure 2. IRM de perfusion sous dipyridamole mettant en évidence une hypoperfusion dans le territoire inférieur (A-C, flèches). Lésion serrée de la CD (D, flèche). Figure 3. IRM de perfusion sous dipyridamole mettant en évidence une hypoperfusion dans 3 territoires distincts, septo-apical (A, flèches), inférieur (B, flèches) et inféro-latéral (C, flèches). Lésion serrée du tronc commun et occlusion de la CD (D, flèches). Ciné-IRM de stress sous dobutamine Le contraste entre le sang intracavitaire et le myocarde est excellent, permettant une très bonne visualisation de l’endocarde. La résolution spatiale est d’environ 1,5 mm et la résolution temporelle de 35-50 ms. Le protocole de stress sous dobutamine est très semblable à celui pratiqué au cours de l’échocardiographie de stress. Plusieurs niveaux de coupe (4 à 6 en général), en vues petit axe et grand axe du ventricule gauche, sont acquises de base et sous doses croissantes de dobutamine (10-20-30-40 µg.kg-1.min-1 de dobutamine ± 1 mg d’atropine). Les mêmes vues du ventricule gauche sont acquises lors de chaque palier de dose de dobutamine, toutes les 3 min. L’objectif est d’atteindre la fréquence maximale théorique ou à défaut > 85 % de la FMT. Les bêtabloquants sont arrêtés 48 h avant l’examen. L’examen se déroule sous une surveillance clinique rapprochée. Le test est considéré positif en cas d’apparition d’une anomalie de cinétique segmentaire dans au moins 2 segments myocardiques contigus. Cette anomalie peut s’accompagner d’une douleur angineuse et de modifications ischémiques du segment ST. Le test est négatif lorsqu’au pic du stress et à au moins 85 % de la FMT, on n’induit aucune anomalie de cinétique segmentaire ni aucune modification ischémique du segment ST sur l’ECG réalisé à la sortie de l’aimant. Les contre-indications cardiologiques aux fortes doses de dobutamine sont connues. Aux premiers paliers de doses, le recrutement des segments myocardiques asynergiques permet d’analyser la réserve contractile comme marqueur de viabilité myocardique. Une réponse biphasique (amélioration sous faibles doses et dégradation secondaire sous fortes doses) est très prédictive de l’amélioration fonctionnelle après revascularisation. Efficacité diagnostique IRM de perfusion au cours du stress pharmacologique La mise en évidence d’un défaut de perfusion myocardique (hyposignal) par IRM au cours d’un stress pharmacologique a une sensibilité et une spécificité équivalentes à celles de la tomographie par émission de positons (90 % et 85 %, respectivement) pour le diagnostic d’insuffisance coronaire, en prenant l’angiographie conventionnelle comme référence(1,2). Au cours d’une étude multicentrique, Giang et coll. rapportent des données d’efficacité diagnostique de l’IRM de perfusion au cours du stress pharmacologique avec des chiffres de sensibilité, spécificité et efficacité diagnostique de 93 %, 75 %, et 85 %, respectivement(3). Plus récemment, une meilleure valeur diagnostique de l’IRM a été retrouvée par rapport à la scintigraphie monophotonique dans un large essai multicentrique international (MR-IMPACT)(4). La performance de l’IRM est également supérieure chez les patients bi- ou tritronculaires. Chez seulement 2,2 % des patients, les images d’IRM n’ont pas la qualité diagnostique requise. Outre l’absence d’irradiation, l’IRM de perfusion n’est pas limitée par les artefacts d’atténuation et on observe moins de faux positifs en cas de BBG. Il est logique de prévoir une moindre prévalence de faux négatifs en cas d’ischémie diffuse et équilibrée, essentiellement en raison de la meilleure résolution spatiale que celle de la scintigraphie (figure 3). Dans un segment myocardique, les courbes de l’intensité du signal en fonction du temps sont caractérisées par une pente de croissance du signal, un plateau puis une décroissance. Le rapport des pentes enregistrées sous adénosine et dans les conditions de base représente un indice de réserve de perfusion myocardique(5). Cette approche a une sensibilité de 88 %, une spécificité de 90 %, et une efficacité de 89 % pour mettre en évidence une sténose coronaire > 50 %(6). Ciné-IRM de stress sous dobutamine La première série a comporté plus de 200 patients, étudiés à la fois par échocardiographie de seconde harmonique et par IRM(7). Les auteurs rapportent une faisabilité de l’IRM dans quasiment 100 % des cas, avec obtention d’une imagerie robuste et de bonne qualité, alors qu’environ 10 % des patients ont une échogénicité insuffisante. L’IRM a une efficacité diagnostique supérieure, en se référant à l’angiographie coronaire conventionnelle. Les chiffres de sensibilité et spécificité sont de 86 % et 86 % pour l’IRM, de 74 % et 70 % pour l’échocardiographie. L’avantage de l’IRM est attribué à la robustesse de la technique, la qualité des images, le contraste entre le sang et le myocarde, la bonne visualisation de l’endo- et de l’épicarde, sur une meilleure couverture anatomique du VG. Comparativement à l’échocardiographie, l’IRM a une meilleure reproductibilité inter-observateur(8,9). L’utilisation du marquage myocardique (tagging) au cours du stress sous dobutamine permet d’améliorer encore l’efficacité diagnostique(10). Comparaison directe ciné-IRM de stress sous dobutamine vs. IRM de perfusion au cours du stress Paetsch et coll. ont comparé, chez les mêmes patients, l’IRM de stress en mode ciné sous perfusion de dobutamine à l’IRM de perfusion au cours du stress sous adénosine, en prenant la coronarographie comme méthode de référence(11). Parmi les 79 patients analysés, 53 présentent au moins une lésion coronaire > 50 %. Dans cette étude, le ciné-IRM de stress sous dobutamine et l’imagerie de perfusion sous adénosine ont une sensibilité voisine (89 % et 91 %, respectivement), mais une spécificité meilleure sous dobutamine (80 % vs. 62 %). Ce défaut de spécificité de l’imagerie de perfusion est expliqué par un taux plus élevé de faux positifs en relation avec les artefacts de susceptibilité au niveau du septum. Cet écueil s’amende avec la courbe d’apprentissage de la technique. Faisabilité, sécurité Sur une série de 1 000 patients consécutifs ayant bénéficié d’une ciné-IRM de stress sous dobutamine, la faisabilité est excellente avec un taux de succès élevé de l’examen (996 cas/1 000)(12). Seuls 4/1 000 patients n’ont pu bénéficier de l’IRM, essentiellement en raison de l’impossibilité d’obtenir un tracé ECG de qualité suffisante. La fréquence maximale théorique n’a pas été atteinte dans 9,5 % des cas (effets secondaires 7,4 %, dose maximale de dobutamine-atropine 2,1 %). Il n’y a eu aucun décès, un patient a présenté une TV soutenue, 4 une TV non soutenue, 16 une fibrillation auriculaire, et 2 un BAV du second degré. Cet examen peut être réalisé dans les mêmes conditions de sécurité que l’échocardiographie de stress sous dobutamine. Le confort des patients est moindre comparativement à l’échocardiographie et également à l’IRM de perfusion au cours du stress. L’IRM de perfusion au cours du stress est un examen rapide, bien toléré, qui permet, en une séance de 30 min, l’imagerie morphologique et de la fonction cardiaque, l’imagerie de perfusion au cours du stress et la détection de la viabilité myocardique. La faisabilité est excellente, limitée par les rares impossibilités d’obtenir un ECG de qualité suffisante (moins de 1 % des cas) et les réactions anxieuses claustrophobiques (2-3 % des cas). Valeur pronostique Parmi les 112 patients ayant une IRM de stress sous dobutamine négative, 98,2 % ont un pronostic extrêmement favorable, sans événement majeur à 18 mois(10). Plus récemment, Bodi et coll. ont étudié la valeur pronostique de l’IRM de perfusion au cours du stress par le dipyridamole chez 420 patients ayant présenté une douleur thoracique ou ayant une suspicion d’insuffisance coronaire(13). La survenue d’événements cardiaques majeurs (décès d’origine cardiaque, infarctus non fatal, hospitalisation pour syndrome coronaire aigu) sur un suivi de 18 mois est plus fréquente en cas d’anomalies de la fonction VG au repos (22 vs. 5 %), d’apparition de nouvelles anomalies fonctionnelles au cours du stress (21 vs. 4 %), de déficit de perfusion au cours du stress (17 vs. 5 %) et de rehaussement tardif (20 vs. 6 %, p < 0,0001). Jahnke C et coll. ont étudié, chez 513 patients ayant une coronaropathie suspectée ou connue, la valeur pronostique de l’IRM de stress de perfusion sous adénosine et de l’IRM sous forte dose de dobutamine(14). Ces deux examens étaient réalisés au cours d’une même session et le suivi moyen a été de 2,3 ans. La survie sans événement est de 99,2 % à 3 ans chez les patients ayant une IRM de stress négative. En analyse multivariée, la présence d’une ischémie identifiée au cours du stress est un facteur prédictif indépendant de la survenue d’un événement cardiovasculaire majeur (décès d’origine cardiaque et infarctus non fatal). La valeur pronostique de l’IRM de stress sous adénosine est également démontrée chez des patients admis aux urgences pour syndrome douloureux thoracique compatible avec un syndrome coronarien, un électrocardiogramme non diagnostique, et sans élévation de troponine. Chez 135 patients et sur un suivi d’un an, Ingkanisorn et coll. ont rapporté que des anomalies de perfusion mises en évidence au cours du stress ajoutent une valeur pronostique supplémentaire pour prédire la survenue d’un événement(15). La présence d’anomalies de perfusion sur l’IRM de stress ajoute une valeur pronostique péjorative significative comparativement aux facteurs de risque pour prédire le diagnostic d’insuffisance coronaire, la survenue d’un infarctus du myocarde ou un décès. Dans l’évaluation diagnostique et pronostique des patients, l’IRM de stress ne peut être dissociée de l’imagerie de rehaussement tardif à la recherche d’un ou plusieurs infarctus du myocarde jusque-là méconnus. Cette imagerie directe en haute résolution de l’infarctus du myocarde est très sensible et permet la détection de petits infarctus non transmuraux(16). La supériorité de l’IRM par rapport aux méthodes scintigraphiques est démontrée pour l’imagerie des nécroses sous-endocardiques notamment(17). Ces petits infarctus ne sont souvent pas détectables en étudiant l’ECG ou les anomalies de la fonction segmentaire. Chez des patients ayant une suspicion clinique d’insuffisance coronaire, mais sans antécédent documenté d’infarctus du myocarde, la présence d’une cicatrice de nécrose en IRM de contraste procure des informations pronostiques sur la survenue des événements cliniques majeurs et de la mortalité cardiaque au-delà des facteurs prédictifs usuels cliniques, angiographiques, et de fonction cardiaque (volume télésystolique, fraction d’éjection)(18). Quelle place en routine ? En cas d’insuffisance coronaire suspectée, l’IRM de stress est, comme l’échocardiographie et la scintigraphie myocardique de stress, une méthode de deuxième ligne lorsque l’épreuve d’effort n’est pas contributive : impossibilité de faire l’effort (artérite ou problèmes orthopédiques), épreuve d’effort sous-maximale, épreuve d’effort litigieuse, lecture difficile ou impossible du segment ST de l’ECG. Chez le patient ayant déjà bénéficié d’une revascularisation coronaire, les techniques d’imagerie couplées au stress sont souvent proposées en première intention, la valeur diagnostique de l’épreuve d’effort étant moindre. Les stents endocoronaires et les valves cardiaques ne gênent pas la réalisation ni l’interprétation de l’IRM. L’IRM de stress est non irradiante et sans danger pour le patient. Elle permet de préciser la localisation et l’extension d’une ischémie myocardique. La qualité de l’imagerie est excellente et la technique est très robuste. Les informations complémentaires apportées sont nombreuses et précieuses, telles que la visualisation de l’anatomie cardiaque, l’étude de la fonction ventriculaire gauche et l’analyse de la viabilité myocardique. Chez les patients ayant une coronaropathie suspectée ou connue, l’IRM de stress a une valeur pronostique. Des populations particulières ont été étudiées par l’IRM de stress et la technique est prometteuse chez les patients présentant un diagnostic compatible de syndrome coronaire aigu, sans modification du ST ni élévation de troponine. La valeur diagnostique est excellente, permettant de coupler l’imagerie de la fonction VG, le stress et la visualisation de petits foyers de nécrose. L’IRM de stress permet de stratifier le risque préopératoire avant les chirurgies non cardiaques chez des patients à risque(19). Limites Les limites de l’IRM de stress sont essentiellement liées à sa faible disponibilité, et aux réactions claustrophobiques (< 1 % avec les machines larges de dernière génération). En pratique L’IRM cardiaque de stress est une technique performante pour la détection de l‘ischémie myocardique. Sans irradiation et sans utiliser d’agent de contraste toxique, la méthode permet l’analyse concomitante de la morphologie, de la fonction et de la viabilité myocardique. Elle précise la localisation et l’étendue de l’ischémie, éléments déterminants pour poser l’indication d’une revascularisation, et revêt d’évidentes implications pronostiques. Les contre-indications de l’IRM doivent être respectées. Elles ne concernent quasiment plus que les stimulateurs cardiaques et défibrillateurs, les pompes électroniques implantées, les éclats métalliques intraoculaires, certaines prothèses auditives et les clips intracérébraux.

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