Publié le 27 nov 2007Lecture 4 min
La résistance aux diurétiques
P. DE GROOTE, CHRU de Lille
Les Journées de l'insuffisance cardiaque
Il s’agit d’une situation fréquente qui se voit d’autant plus que l’insuffisance cardiaque évolue. Elle évolue parallèlement à l’aggravation de la situation hémodynamique et à l’altération inéluctable de la fonction rénale. Nous sommes tous régulièrement confrontés à cette situation. Paradoxalement, la prévalence de la résistance aux diurétiques n’est pas connue. Cette méconnaissance peut s’expliquer en partie par l’absence d’une définition précise.
Dans les différentes études, la résistance aux diurétiques était définie par :
• la persistance d’une rétention hydrosodée malgré un régime sans sel bien suivi et des doses suffisantes de diurétiques ;
• ou des doses élevées de diurétiques prescrits (avec des seuils de doses très variables selon les études) ;
• ou une augmentation progressive des doses de diurétiques nécessaires pour contrôler la situation.
Ces définitions sont relativement vagues, mais plusieurs études ont montré que la présence d’une résistance aux diurétiques est péjorative.
Mécanismes et prise en charge
Plusieurs mécanismes sont responsables de la résistance aux diurétiques (encadré).
La diminution du débit sanguin rénal
Elle est directement liée à la diminution du débit cardiaque et elle est responsable d’une restriction des possibilités fonctionnelles rénales, mais également d’une diminution de la concentration intrarénale des diurétiques.
Chez l’insuffisant cardiaque, la courbe dose-réponse des diurétiques de l’anse est déplacée vers le bas et la droite. Pour un même effet diurétique, il faut une concentration plus importante de diurétiques (figure 1).
Figure 1. Courbes des effets-doses des diurétiques chez le sujet sain et l’insuffisant cardiaque.
Activation hormonale
L’activation de la majorité des systèmes hormonaux (système nerveux autonome, système rénine-angiotensine-aldostérone, vasopressine, endothéline) favorise la résistance aux diurétiques par vasoconstriction, en particulier rénale, et par stimulation de la réabsorption hydrosodée. De plus, les systèmes vasodilatateurs et natriurétiques, comme les peptides natriurétiques, ont une efficacité diminuée dans l’insuffisance cardiaque.
Le seul moyen thérapeutique pour lutter contre ces deux phénomènes est une optimisation de la thérapeutique de l’insuffisance cardiaque.
Diminution de la sécrétion tubulaire des diurétiques
Les diurétiques doivent être sécrétés dans la lumière tubulaire pour agir sur les canaux et exercer leur effet natriurétique. La sécrétion des diurétiques à travers les cellules tubulaires passe par des transporteurs à anions. Les diurétiques entrent en compétition avec les anions circulants (expliquant la diminution de leur effet thérapeutique chez l’insuffisant rénal), mais aussi avec d’autres médicaments utilisant les mêmes transporteurs (comme les bêtalactamines et les anti-inflammatoires non stéroïdiens).
Réabsorption sodée compensatrice
Il existe plusieurs zones de réabsorption sodée dans le rein (figure 2).
En utilisant un seul type de diurétiques, la réabsorption sodée n’est bloquée que sur ce seul site d’action. Par exemple, l’utilisation des diurétiques de l’anse de Henlé va bloquer la réabsorption sodée à ce niveau, en laissant le segment cortical de dilution et le tube contourné distal en pleine activité, capables de réabsorber tout le sodium qui n’a pas été réabsorbé au niveau de l’anse de Henlé.
Figure 2. Sites d’action des différents diurétiques.
Hypertrophie–hyperplasie des cellules du tube contourné distal
Elle semble inéluctable après une utilisation chronique à fortes doses de diurétiques de l’anse. Elle pourrait être diminuée par la combinaison de diurétiques.
Autres possibilités thérapeutiques devant des œdèmes réfractaires
Chez un patient avec des œdèmes réfractaires malgré une thérapeutique bien conduite et un régime sans sel bien suivi, la prise en charge nécessite une hospitalisation pour une administration intraveineuse des diurétiques. On retardera le plus longtemps possible l’administration d’inotropes positifs qui deviennent malheureusement indispensables si la natriurèse est verrouillée malgré des doses maximales de diurétiques par voie intraveineuse (2 g de furosémide, 40 mg de bumétanide), d’autant plus que la tension artérielle est basse (< 90 mmHg pour la systolique).
Dans ces situations, l’administration continue des diurétiques en seringue autopulsée est plus efficace que l’administration discontinue. Dans certains cas, l’association diurétiques et apport de petites quantités de sérum physiologique permet d’obtenir un effet thérapeutique significatif avec reprise d’une natriurèse, une perte de poids, une réascension de la tension artérielle, et même une réduction de la morbidité.
En l’absence d’efficacité, nous sommes obligés de nous tourner vers les méthodes d’épuration extrarénale : hémofiltration, hémodiafiltration.
Conclusion
La résistance aux diurétiques est un phénomène malheureusement fréquent, responsable d’une diminution progressive de l’efficacité des diurétiques.
Pour la combattre, il est indispensable d’optimiser la thérapeutique de l’insuffisance cardiaque et de prescrire des doses suffisantes et éventuellement répétées de diurétiques de l’anse.
Un bon suivi du régime sans sel est indispensable pour éviter l’apparition rapide de cette résistance aux diurétiques.
Enfin, dans les formes évoluées, une association de diurétiques permet d’obtenir une réponse thérapeutique satisfaisante.
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