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Explorations-Imagerie

Publié le 27 mar 2007Lecture 9 min

La télémédecine

A. LAZARUS, InParys, Paris

La télémédecine est inscrite dans la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie et à de nombreuses applications, notamment en cardiologie et entre dans la pratique quotidienne : de la transmission de données dans le cadre de l’urgence au suivi de malades chroniques en passant par des « consultations à distance », la télémédecine pose des questions d’organisation, de financement et de technologie.

Des bases juridiques Article 32 : « La télémédecine permet, entre autres, d'effectuer des actes médicaux dans le strict respect des règles de déontologie mais à distance, sous le contrôle et la responsabilité d'un médecin en contact avec le patient par des moyens de communication appropriés à la réalisation de l'acte médical. » Article 33 : « Les schémas régionaux d'organisation sanitaire intègrent la télémédecine. Chaque schéma définit les modes opérationnels pour répondre aux exigences de la santé publique et de l'accès aux soins. » Article 34 : « Une ordonnance comportant des prescriptions de soins ou de médicaments peut être formulée par courriel dès lors que son auteur peut être dûment identifié, qu'elle a été établie, transmise et conservée dans des conditions propres à garantir son intégrité et sa confidentialité, et à condition qu'un examen clinique du patient ait été réalisé préalablement, sauf à titre exceptionnel en cas d'urgence. » On retrouve dans ces articles plusieurs notions importantes, comme celle, implicite, des moyens techniques (technologie, informatique et télécommunications) dont les performances exponentielles ont rendu possible ce concept de télémédecine, voire de téléchirurgie. Les solutions « haut-débit » permettent la diffusion en temps réel d’informations « volumineuses », telles des images vidéo, entre l’émetteur et le destinataire de l’information. Les données transférées peuvent être, individuellement ou en association, du son, de l’image fixe ou dynamique, ou des données spécialisées tel un électrocardiogramme, des fichiers ou des informations de commande d’un outil distant. La transmission peut être directe, de l’émetteur au destinataire final, ou passer par un intermédiaire spécialisé. Selon les besoins et les possibilités, la transmission utilise des connexions filaires ou nomades (« sans fil »), avec une nécessaire sécurisation des données afin de respecter leur intégrité mais aussi leur confidentialité. La consultation des données peut se faire en « direct » ou en « différé ».   Applications médicales cardiologiques   Transmission de données dans le cadre de l’urgence La transmission de tracés ECG par voie téléphonique est utilisée depuis des décennies, notamment en France, même si la diffusion de tels systèmes est restée limitée. Elle permet pourtant l’enregistrement par le patient lui-même de tracés ECG contemporains de symptômes jusque-là non documentés, puis leur transmission par une ligne téléphonique analogique vers un cardiologue. Dans l’indication de palpitations ou pertes de connaissance inexpliquées, des enregistreurs ECG implantables de petite taille ont aussi été développés, leur avantage par rapport à l’enregistrement ECG manuel résidant dans la possibilité de stocker automatiquement des tracés contemporains de bradycardies ou d’accès tachycardiques, même asymptomatiques, répondant à des critères présélectionnés. Dans le cadre de l’urgence, la transmission de données ECG par le service de premier secours a également été décrite, permettant un diagnostic rapide et une prise en charge accélérée dans l’hôpital de destination. Lorsque des médecins généralistes sont appelés à traiter des situations d’urgence, il a été montré que la possibilité de recourir par télémédecine à l’avis de cardiologues permettait de rectifier la prise en charge dans près d’1 cas sur 3 avec une diminution des hospitalisations inutiles.   La téléconsultation de spécialistes « distants » La consultation médicale à distance avec téléauscultation, développée en pédiatrie il y a plus de 15 ans, a démontré une qualité auditive comparable à une auscultation directe et a offert la possibilité d’un diagnostic approprié de cardiopathies congénitales. Plus simplement, le transfert d’un tracé électrocardiographique par des moyens plus « sophistiqués » que la télécopie permet de requérir un avis cardiologique ou rythmologique spécialisé en cas de difficultés diagnostiques et de faciliter la prise en charge du patient, y compris pour décider d’explorations complémentaires ou d’une hospitalisation. À titre d’exemple, un système d’enregistrement ECG via un assistant personnel numérique a été expérimenté : le patient enregistre l’ECG qui est alors transmis par une connexion sans fil à un médecin « distant » qui peut l’analyser personnellement ou requérir si nécessaire, l’avis d’un spécialiste « distant » en lui transférant le tracé sur son assistant numérique personnel. L’échocardiographie est un autre acte pivot de l’exercice cardiologique. L’analyse des images à distance a ainsi été appliquée à des examens standard et à des échographies de stress ainsi qu’à des images tridimensionnelles. La manipulation distante de la sonde d’échographie par l’échographiste consulté a également été décrite en robotique. Plus largement, des visioconférences peuvent être établies entre des médecins ou des établissements distants afin de recueillir des avis ou de discuter collégialement de dossiers dans le cadre d’un staff médico-chirurgical, sans oublier les possibilités éducatives de ces téléconférences. Le gain de temps est estimé de 30 à 50 % selon les applications, sans compter la réduction de transports inutiles et du nombre de consultations hospitalières.   L’assistance aux patients souffrant de maladies chroniques Une autre voie consiste à aider le patient dans la prise en charge d’une maladie chronique. Ainsi, des appels de motivation (prise de médicaments, conseils hygiéno-diététiques), et de surveillance de paramètres cliniques simples, tel le poids, ou plus complexes comme la mesure de la pression artérielle dans le cadre de systèmes de « patient-management », renforce la qualité de prise en charge des malades avec la démonstration d’un meilleur suivi de la thérapeutique, d’un taux réduit de complications et en particulier d’hospitalisations ou de réhospitalisations. Dans l’étude TENS-HMS (Trans-European Network–Home-Care Management System), un bénéfice en termes de mortalité a été démontré lorsque des patients insuffisants cardiaques bénéficiaient d’un télésuivi comparativement à un suivi conventionnel.   Prothèses rythmologiques : du suivi transtéléphonique à la détection précoce d’anomalies Depuis des décennies, les porteurs de stimulateurs cardiaques pouvaient bénéficier d’une surveillance à distance de leur prothèse par les lignes téléphoniques analogiques (figures 1 et 2). Bien que rudimentaire dans son contenu par rapport à une visite détaillée au centre de stimulation, cette procédure permettait d’éviter des transports de patients, problématiques lorsque ceux-ci sont très âgés, infirmes ou éloignés géographiquement du centre de suivi. Cette dernière raison explique que ce système fut et reste largement utilisé aux États-Unis, d’autant que le caractère limité des informations transmises s’accompagne d’un réel gain de temps dans la réalisation du contrôle. Or, le temps est devenu un véritable enjeu, en raison de la raréfaction du temps médical disponible, et du fait de la possibilité technique de dépister rapidement des anomalies justifiant une réaction médicale. Figure 1. Exemple de détection précoce d’une fibrillation atriale paroxystique soutenue (> 24h) et asymptomatique chez une patiente sans traitement antiagrégant ou anticoagulant, implantée 2 semaines plus tôt d’un stimulateur cardiaque pour dysfonction sinusale. Une consultation rapide auprès de son cardiologue traitant a été préconisée, permettant d’adapter le traitement médicamenteux. Figure 2. Même patiente que figure 1. Après retour en rythme sinusal, le suivi télécardiologique permet d’apprécier l’efficacité du traitement antiarythmique instauré, avec absence de récidive de fibrillation atriale. Un contrôle trimestriel ou semestriel est préconisé selon la prothèse concernée et le degré d’usure de sa source d’énergie. Ces suivis posent un problème de coût, lié à la réalisation de l’acte mais aussi au transport du patient, et un problème de volume croissant en raison du vieillissement de la population et de l’élargissement des indications (prévention primaire en défibrillation implantable, resynchronisation cardiaque). Par ailleurs, force est de constater que la majorité des visites de contrôle systématiques se concluent par le constat que le système fonctionne de manière appropriée, sans nécessité de modifier la programmation. La problématique ainsi exposée a conduit les constructeurs à une réflexion sur l’optimisation du suivi des porteurs de prothèses cardiaques actives. Certains industriels ont choisi de faire évoluer le suivi transtéléphonique en rapprochant les données télétransmises de celles obtenues lors d’une visite classique au centre de stimulation, le patient activant personnellement la transmission des informations (figures 3 et 4). Les données sont ensuite accessibles au centre de stimulation par un accès sécurisé à une base de données centralisée. Leur consultation permet de définir si une visite pour reprogrammation de paramètres est nécessaire. Figure 3. Électrogramme télétransmis par un défibrillateur ayant identifié et traité une tachycardie ventriculaire. L’analyse du tracé permet de confirmer le diagnostic (rythme ventriculaire rapide avec dissociation auriculo-ventriculaire) et donc le bon réglage du défibrillateur. Figure 4. Électrogramme télétransmis par un défibrillateur ayant diagnostiqué une fibrillation ventriculaire non soutenue. L’analyse du tracé montre qu’il s’agit en fait d’un double comptage du rythme ventriculaire, par surdétection de l’onde T (flèches). Une visite de contrôle est donc nécessaire pour reprogrammation du défibrillateur afin d’éviter la délivrance de chocs inappropriés. D’autres industriels ont choisi une voie plus innovante, permettant la détection précoce d’événements techniques ou médicaux anormaux : la prothèse implantée peut transmettre automatiquement, sans fil et sans intervention du malade, des événements anormaux, même asymptomatiques, mais risquant d’avoir un impact négatif sur la santé du patient. Une réaction appropriée peut alors être engagée plus rapidement.   Contraintes organisationnelles, aspects éthiques et légaux Offrir un service télémédical nécessite une organisation matérielle et humaine adaptée au type de prestation, pour en assurer les besoins en termes de volumes et de qualité, incluant le délai de traitement de l’information ainsi transférée. Une formation spécifique est aussi indispensable pour aboutir à une bonne utilisation de systèmes novateurs. Exercer la médecine signifie assumer des responsabilités, y compris médico-légales. L’exercice de la télémédecine ne déroge pas à ce principe, mais sa particularité est de s’appliquer à des domaines par définition nouveaux, pour lesquels le législateur ne peut avoir anticipé toutes les configurations. Dès lors, sans pour autant céder à des craintes irraisonnées, le télécardiologue se doit de suivre des principes de bon sens pour réduire les risques juridiques : - s’organiser, de façon à pouvoir consulter et traiter dans des délais raisonnables et adaptés les informations médicales dont il est destinataire ; - obtenir le consentement du patient, de préférence par un document écrit dont un exemplaire signé par le patient sera conservé dans son dossier médical ; - et l’informer des conditions de fonctionnement du système de télémédecine utilisé, autrement dit de ce qu’il fait et de qu’il ne fait pas, incluant les horaires d’activité (ex : limité aux horaires de travail habituels, hors absences professionnelles, etc.).   Aspects économiques La télémédecine a, certes, un coût, mais peut être source d’économies importantes. À titre d’exemple, dans l’étude SHL menée par l’équipe de Tel-Aviv, la télétransmission d’un ECG dans le cadre de suspicions de syndromes coronaires aigus a permis, sur 19 années d’utilisation en Israël, une économie moyenne de 677 000 euros par an pour 10 000 habitants. Dans ce même travail, le suivi par télémédecine (ECG, poids et/ou pression artérielle, conseils téléphoniques) de patients insuffisants cardiaques a réduit de 66 % le nombre de jours d’hospitalisation dont on connaît bien le lourd impact économique. En contrepartie du service rendu au patient, un financement est indispensable pour assurer le fonctionnement du système et la rémunération de la prestation fournie par le professionnel de santé : le niveau de ce financement doit tenir compte des économies réalisées et permettre d’assurer l’organisation de la prestation télémédicale. Progressivement, la télémédecine entre dans les pratiques médicales, souvent dans le cadre d’une chaîne de soins et, comme l’informatique, la téléphonie mobile ou internet, finira par s’intégrer dans notre environnement professionnel. Réfractaires à la technologie s’abstenir !

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