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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 08 déc 2009Lecture 8 min

L'ablation : un traitement classique de la FA

F. BRIGADEAU, CHU de Lille

La fibrillation atriale (FA) est une arythmie fréquente, grevée d’un grand nombre de complications (accidents thromboemboliques et insuffisance cardiaque). Devant les limites des traitements anti-arythmiques actuels, l'ablation s'est développée. La technique d'ablation la plus pratiquée actuellement est celle par radiofréquence.

Considérations physiopathologiques Deux théories physiopathologiques sont proposées : celle d’une source focale rapide et celle de vaguelettes multiples. Ces deux théories ne sont pas mutuellement exclusives. La théorie focale est basée sur l’existence d’une activité, localisée le plus souvent au sein des extensions musculaires autour des veines pulmonaires (VP) (figure 1). Figure 1. Vue scannographique postérieure d’oreillette gauche. La théorie des vaguelettes multiples postule que des petites réentrées se développent simultanément au sein des massifs atriaux. À chaque instant, le nombre de vaguelettes augmente au pro rata de la masse myocardique atriale, de la diminution des périodes réfractaires atriales, et de la diminution des vitesses de conduction intra atriale. Le maintien en FA dépend de la structure anatomique de l’OG, et de l’extension de fibrose. Elle est générée par des mécanismes génétiques, inflammatoires, auto immuns, et/ou via le système rénine. Les valvulopathies, l’insuffisance cardiaque, la maladie coronaire et l’HTA entraînent aussi une fibrose atriale et sont associées à une forte prévalence de FA. Basée sur ces données électrophysiologiques, l’ablation de la FA consiste en l’élimination des extrasystoles veineuses pulmonaires et/ou du substrat. Techniques d’ablation de la fibrillation atriale Déconnexion des VP C’est la pierre angulaire de toute ablation de FA. Les tirs se font le plus en dehors possible de la VP pour éviter les sténoses de veine. Un double trans septal est réalisé. Outre la sonde d’ablation, un cathéter « halo » est positionné sous scopie dans la VP, qui permet de déterminer les zones électives de communication veino-atriales et de vérifier la déconnexion de la veine (figure 2B). La déconnexion complète de la VP est indispensable et est prouvée s’il n’y a plus d’activité dans la VP ou si elle est dissociée de celle de l’OG. Encerclement des massifs veineux La technique consiste en un encerclement point par point des massifs veineux (figure 2A). Elle permet aussi de brûler les structures du système nerveux autonome, dont la lésion est associée à une diminution du taux de récidive de la FA. La ligne d’encerclement peut être étendue à la face postérieure adjacente des VP (antrum). Figure 2. (A) Encerclement des massifs veineux. Noter la ligne du toit. (B) Déconnexion de VP. Les pistes blanches représentent le signal enregistré dans la VP. Pendant le tir, on note une disparition du potentiel veineux (flèches) signant la déconnexion veineuse. Les électrogrammes (EGM) fractionnés (CFAE) En FA, on note des zones (septum inter atrial, pourtour des massifs veineux, fond de l’OG, etc.) où les EGM sont à la fois très rapides, et de faible amplitude. L’ablation de ces EGM participe au traitement du substrat de la FA. Ils constituent des zones de haute fréquence, initiatrices ou favorisant la perpétuation de la FA. La destruction de ces EGM fractionnés permet parfois le retour en rythme sinusal ou la conversion de la FA en macro réentrée atriale droite ou gauche. Les lignes de compartimentalisation de l’OG Plusieurs lignes peuvent être réalisées : la ligne du toit entre les deux VP supérieures, la ligne mitro pulmonaire inférieure, la ligne mitro pulmonaire antérieure, la ligne postérieure. Ces lignes permettent une réduction de la masse myocardique. La création d’un bloc est impérative et difficile à obtenir en raison de la longueur des lignes et de l’épaisseur de l’OG. Il résulte de ces lignes un taux de succès plus important mais au prix d’un taux de macro réentrées gauches induites également plus important. Rapport bénéfice/risque de la procédure Qu’attendre pour nos patients de cette intervention ? L’objectif principal à atteindre est une résolution complète des symptômes liés à la FA avec sevrage définitif des anti-arythmiques au-delà du troisième mois post procédure. Il est difficile aujourd’hui de préciser le taux de succès à court ou moyen terme ; ce taux varie en fonction des publications de 45 à 95 %. Cette disparité est liée à la qualité des études menées, à la définition variable du succès de la procédure, à la précision de la méthode de détection des récidives de FA et à la longueur du suivi. Une métaanalyse regroupant 15 455 patients évalue le taux de succès global après une à deux procédures à 74 % après 6ème mois de suivi avec un 10 % des patients sous antiarythmiques dans le groupe succès. Il faut attendre une période « aveugle » de 3 mois avant d’évaluer précisément le résultat de la procédure car les récidives de FA dans les 3 premiers mois ne conditionnent pas le résultat définitif de l’ablation. Le bénéfice attendu est donc une amélioration de la qualité de vie par diminution des symptômes (palpitations, asthénie, etc.). Des études randomisées ont montré une plus grande efficacité de l’ablation sur le traitement anti-arythmique en terme de qualité de vie (questionnaire SF36). Dans l’insuffisance cardiaque, deux études ont montré une nette amélioration de la FEVG après ablation par rapport au groupe sans insuffisance cardiaque. Il reste à démontrer que cette amélioration est liée au retour en rythme sinusal et non au contrôle de fréquence. Plusieurs travaux ont également montré un remodelage inverse de l’OG avec une diminution de taille et rétablissement de fonction contractile. Cette amélioration attendue ne constitue pas en soit une indication à l’ablation. Il est enfin extrêmement prématuré d’avancer que le traitement de la FA par ablation permettrait de sevrer les patients des AVK. Actuellement, le traitement au long cours par AVK, ablation ou pas, dépend des facteurs de risque thromboemboliques du patient. Risques encourus L’ablation de la FA est de loin la procédure électrophysiologique la plus complexe. Elle est donc naturellement associée à un taux de complication plus important que les autres procédures électrophysiologiques. Un registre de suivi a évalué le taux global de complication à 6 % dont 4 décès sur 8 475 patients. Notons que ce registre était basé sur le volontariat. La complication la plus fréquente (2/3 des complications recensées, 1,5 à 6 % des procédures) est la tamponnade. Elle est de bon pronostic si elle est reconnue précocement et drainée. La fistule oeso-cardiaque est une complication rare mais gravissime car souvent mortelle. Elle représente moins de 0,25 % des procédures. La sténose des VP est une complication qui a actuellement quasi disparu car les tirs sont réalisés autour des VP et non à l’intérieur. Les autres complications (lésion du nerf phrénique, accident thromboembolique ou gazeux, gastroparésie par lésion du nerf X) sont exceptionnelles. La création d’arythmies atriales gauches (focales ou réentrantes) est une complication difficile à gérer car les patients sont gênés par la fréquence souvent élevée, répondant mal aux anti-arythmiques ou aux bradycardisants nodaux. En cas de survenue tardive (au-delà du troisième mois) leur prise en charge nécessite une deuxième procédure. Le taux de survenue de ces flutters, d’environ 10 à 20 % selon les études, est plus important dans les procédures extensives réalisées pour des FA persistantes ou persistantes de longue durée. Indication actuelle de l’ablation par radiofréquence de la FA Les recommandations internationales stipulent que l’ablation de la FA est « une alternative raisonnable au traitement pharmacologique pour prévenir la récidive de FA chez les patients symptomatiques avec absence ou faible dilatation de l’OG ». Donc, l’ablation de FA s’adresse exclusivement aux patients symptomatiques en échec d’un traitement anti-arythmique. Il s’agit d’un traitement de seconde intention. Indication de classe 2A niveau C. Le taux de succès de l’ablation est indiscutablement plus important chez les patients qui souffrent d’une FA paroxystique par rapport aux patients avec FA persistante ou de longue durée. L’ablation de FA persistante est plus difficile, nécessite des lésions extensives (avec le risque de flutter gauche induit), des temps de procédure et d’irradiation plus longs pour un résultat plus incertain que dans la FA paroxystique. Il faut donc proposer précocement l’ablation devant l’échec d’un traitement pharmacologique d’une FA paroxystique. Le dépistage et le traitement des facteurs cardiologiques et extra cardiologiques associés à la FA est indispensable au maintien durable du rythme sinusal. Il est nécessaire de rappeler que l’on ne peut traiter efficacement une FA qu’en faisant « feu de tout bois » : ablation, traitement agressif de l’HTA, de l’obésité, du syndrome d’apnée du sommeil, de la coronaropathie, etc. Il est d’ailleurs démontré que chez les patients porteurs d’un SAS le maintien en rythme sinusal est plus difficile à obtenir après ablation que chez les patients sans SAS. À l’inverse la FA du sportif (dont la genèse repose spécifiquement sur hypertonie vagale / dilatation atriale) répond favorablement à l’ablation. L’âge et l’existence d’une cardiopathie sous-jacente, bien que ne constituant en soi pas une contre-indication au geste, sont des facteurs qui en limitent l’efficacité. Ablation chirurgicale de la FA Si la FA préexiste à l’intervention chirurgicale, elle aggrave la morbi-mortalité péri et post-opératoire. Le traitement isolé de la cardiopathie sans traitement concomitant de la FA ne permet pas de maintenir de façon durable le rythme sinusal. Le traitement per opératoire de la FA semble diminuer la morbi-mortalité post-opératoire, bien que des études multicentriques fassent défaut. Néanmoins, si le patient a une FA symptomatique en préopératoire, il est hautement recommandé de réaliser un traitement simultané de la FA. Les taux de succès sont satisfaisants (entre 65 et 95 % selon les centres et les études). En pratique L’ablation par radiofréquence de la fibrillation est une procédure en plein essor. Elle s’adresse aujourd’hui en deuxième intention aux patients symptomatiques malgré l’utilisation d’un anti-arythmique. La prise en charge précoce est déterminante vis-à-vis du taux de succès. Les patients les plus répondeurs sont ceux qui ont une FA paroxystique et une OG de taille normale. Les études comparant l’efficacité de l’ablation aux anti-arythmiques montrent une supériorité sur le contrôle du rythme de l’ablation avec une réduction du risque relatif de récidive de FA à 1 an de 65 % en faveur de l’ablation mais ces résultats ne se sont pas encore traduits dans les recommandations des sociétés savantes. Le taux de succès après 1 à 2 procédure est d’environ 75 % au prix d’un taux de complications acceptable. L’anticoagulation ne dépend pas de l’efficacité de la procédure, mais du score thromboembolique du patient. Le contrôle des facteurs aggravant de la FA est indispensable en parallèle à l’ablation.

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