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Diabéto-Cardio

Publié le 25 oct 2005Lecture 6 min

Le diabète, une situation souvent méconnue au cours de l'infarctus du myocarde

Y. COTTIN, CHU de Dijon

ESC

Une session complète a fait le point sur ce sujet fréquent, grave et insuffisamment prise en charge. Le nombre de diabétiques ne cesse d’augmenter en raison du vieillissement de la population, de l’urbanisation, et surtout de l’augmentation de la prévalence de l’obésité et de l’inactivité physique. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) prévoit une croissance exponentielle du nombre de diabétiques avec des perspectives en Europe pour 2025 de 47 millions de diabétiques (figure 1).

Figure 1. Estimations de la prévalence du diabète selon les grandes régions. Obésité, glycémie et diabète de type 2 Il existe une forte corrélation entre obésité et diabète de type 2. En outre, les travaux de Chan ont montré que le risque de diabète augmente de manière exponentielle avec l’élévation de l’index de masse corporelle (IMC), et particulièrement chez les femmes. Par exemple, pour un IMC de 30 kg/m2 , le risque de diabète est de 6,7 chez l’homme et de 27,6 chez la femme. Par ailleurs, au sein de la population générale, le nombre de diabétiques non reconnus mais également de patients ayant une anomalie de la tolérance au glucose est très élevé et augmente avec l’âge. Au-delà de 45 ans, 5 à 10 % de la population générale sont des diabétiques non reconnus. Au cours du syndrome coronarien aigu (SCA), la glycémie est donc un élément majeur pour deux raisons : sa valeur pronostique et la valeur diagnostique du diabète ou des troubles du métabolisme glucidique. La valeur pronostique de la glycémie est parfaitement validée, en particulier chez les patients non diabétiques. La métaanalyse CAPES publiée dans Lancet en 2000 a montré que, pour une glycémie > 8 mmol/l chez les patients non diabétiques connus, il existe une augmentation significative du risque de mortalité hospitalière (figure 2). Figure 2. Risque relatif de mortalité hospitalière en (abscisse) selon l’hyperglycémie. La valeur diagnostique est plus difficile à appréhender, d’autant qu’il existe des normes différentes : soit celle de la World Health Organization, soit celle de l’American Diabetes Association (figure 3). Figure 3. Normes diagnostiques selon la glycémie. Le patient doit être évalué dans des conditions stables pour la glycémie à jeun ou postcharge en glucose pour permettre une stratification en 4 groupes : normal, anomalie de la glycémie à jeun, intolérance au glucose ou au diabète. En dehors des conditions stables, c’est l’hyperglycémie > 11,1 mmol/l qui définit le diabète. Ce dernier point est particulièrement important. En effet, depuis les études DIGAMI 1 et DIGAMI 2, il existe une confusion entre les diabétiques connus et le dépistage d’une anomalie de la tolérance au glucose au cours ou au décours de l’infarctus. Il faut souligner que le diagnostic de diabète au cours des études DIGAMI 1 et DIGAMI 2 ne repose que sur la notion de diabète antérieur et d’une hyperglycémie à l’admission 11 mmol/l. Il faut observer seulement que les diabétiques non connus, donc diagnostiqués à l’admission, ne représentent que 10 à 15 % des effectifs.   Prévalence des anomalies glucidiques chez les coronariens La seconde stratégie diagnostique doit être réalisée dans des conditions de stabilité de la glycémie, c’est-à-dire à distance de l’épisode aigu. Pour répondre à cette question, les travaux de Ryden sont majeurs. Ils ont démontré qu’à partir du 4e ou du 5e jour, la glycémie se stabilise (figure 4). La même équipe a été la première à montrer l’intérêt du dépistage du diabète avant la sortie de l’hôpital chez tout patient ayant présenté un syndrome coronarien aigu. Figure 4. Dosage à l’état stable : quand survient cette stabilisation ? Dans une étude publiée dans Lancet en 2002 où les patients présentant un diabète connu ou une glycémie à jeun > 11,1 mmol/l avaient été exclus, la réalisation d’une charge en glucose chez 181 malades juste avant la sortie a permis de monter que : • seulement 34 % des patients avaient une tolérance en glucose normale, • 35 % des patients avaient une intolérance au glucose, • surtout, 31 % des patients étaient des diabétiques non connus. Dans ce travail, l’équipe de Ryden avait en outre répété ce test à 3 mois, confirmant ces résultats. Enfin, le suivi de ces patients pendant plus de 50 mois a montré l’importance du dépistage de ce diabète ou de cette intolérance au glucose. En effet, il existe, sur la survie à long terme, une différence hautement significative entre les patients présentant une normoglycémie comparativement à ceux présentant une intolérance au glucose.   Résultats de la cohorte européenne La Société européenne de cardiologie a lancé une grande étude de cohorte pour évaluer la prévalence du diabète, mais également la tolérance au glucose, chez les patients présentant une pathologie cardiovasculaire. Il faut souligner que dans l’algorithme de décision de la Société européenne de cardiologie recommandés sont : • une exploration de la glycémie à jeun dans des conditions stables, • et la réalisation d’une charge en glucose, toujours dans des conditions stables, c’est-à-dire avant la sortie. Cette cohorte a concerné 5 000 pa-tients dans 25 pays et 110 centres. Seulement 2 107 patients étaient évalués dans le cadre de pathologies aiguës, dont 91 % pour un syndrome coronarien aigu (36 % de STMI, 19 % de NSTMI, 36 % d’angor instable). - La première conclusion de ce travail est que 31 % des patients étaient des diabétiques connus dans la population générale. D’autre part, la charge en glucose n’a été réalisée que dans 56 % des cas malgré la recommandation du protocole. La France, une fois de plus, s’est distinguée avec seulement 21 % de charges en glucose réalisées. - Les résultats sont également particulièrement intéressants dans le sous-groupe des patients présentant un SCA. En effet, grâce à ces tests réalisés avant la sortie, 22 % de patients ont été dépistés comme diabétiques, 36 % présentaient des anomalies du métabolisme glucidique sans être des diabétiques avérés, et seulement 42 % des patients avaient des tests strictement normaux. Le point à souligner est qu’au cours du suivi, bien entendu, les trois groupes divergent en termes de pronostic à long terme.   Les autres études récentes D’autres études récentes viennent de confirmer l’importance du dépistage et des choix stratégiques thérapeutiques qui en découleront chez les diabétiques ou chez les patients présentant des anomalies du métabolisme glucidique. Dans un travail récent avec un suivi de plus de 5 ans, il existe une surmortalité des patients diabétiques comparativement au groupe témoin, mais également chez les patients présentant un syndrome métabolique sans diabète (figure 5). Les auteurs de cet article soulignent l’importance de l’hyperglycémie non diabétique (glycémie à jeun entre 6,1 et 7 mmol/l) et surtout l’impact thérapeutique qui en découlera. Figure 5. Mortalité CV chez les patients présentant un syndrome métabolique (SM) après IDM. Enfin, une équipe américaine vient de revoir 1 700 dossiers de patients hospitalisés dans les hôpitaux universitaires américains pour un syndrome coronarien aigu. Les données sur le niveau de glycémie à la sortie ont permis de classer 14 % de patients dans le groupe des diabétiques non connus. L’information majeure de ce travail récent est qu’un tiers seulement des patients sont bien classés comme diabétiques à la sortie (figure 6). Figure 6. Le diabète n’est pas toujours diagnostiqué. En conclusion, deux tiers des patients présentant un syndrome coronarien aigu ayant des valeurs permettant de les classer en diabète ne sont toujours pas identifiés et donc non traités.   Au total   La régulation glycémique est plus fréquemment anormale que normale chez les patients présentant un syndrome coronarien aigu. Ces patients présentent une surmortalité à la phase aiguë, mais également à long terme. La recherche des anomalies glycémiques et du diabète doit être systématique et surtout être réévaluée à distance de l’épisode aigu. Le traitement et la prévention de l’hyperglycémie formeront l’une des stratégies thérapeutiques majeures dans la prise en charge de l’infarctus, aussi bien chez les diabétiques connus que chez les diabétiques de découverte récente ou chez les patients présentant des hyperglycémies non diabétiques.

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