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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 28 mar 2006Lecture 6 min

Le syndrome de Brugada asymptomique

V. PROBST, CHU de Nantes

XVIes Journées européennes de la SFC

Le syndrome de Brugada est une entité clinique identifiée en 1992 par les frères Brugada à partir d’un fichier de patients ressucités d’une mort subite. Parmi ces patients, certains avaient un aspect électrocardiographique particulier, avec un bloc incomplet de la branche droite du faisceau de His associé à un sus-décalage du segment ST dans les dérivations précordiales droites. Très rapidement, il est apparu que cette maladie est fréquemment familiale avec une transmission autosomique dominante.

Le syndrome de Brugada a une forte prédominance masculine (8 cas sur 10) et est habituellement retrouvé chez des patients âgés d'une quarantaine d'années. Cependant, des cas ont été décrits chez de très jeunes enfants ainsi que chez des personnes âgées. Cette pathologie, initialement considérée comme exceptionnelle, est maintenant retrouvée chez 4 % des patients qui font une mort subite et chez 20 % de ceux faisant une mort subite sans cardiopathie sous-jacente. Bien que la prévalence de cette maladie reste difficile à évaluer car elle dépend beaucoup de la population à laquelle on s'adresse, on peut l’estimer en France à 5/10 000.   Affirmer le diagnostic de syndrome de Brugada Face à un patient ayant un aspect électrocardiographique compatible avec un syndrome de Brugada, plusieurs questions se posent. Tout d'abord, il faut confirmer le diagnostic de syndrome de Brugada. - Parfois cela est simple lorsque l'aspect électrocardiographique est typique (aspect de type 1), avec un sus-décalage du segment ST de plus de 2 mm ayant un aspect convexe ou triangulaire (figure 1). Il faudra, bien entendu, s'assurer qu'il n'y a pas d'autres causes pouvant être responsables de cet aspect et, en particulier, qu'il n'y a pas de cardiopathie sous-jacente. Figure 1. Aspects électrocardiographiques rencontrés dans le syndrome de Brugada. Seul l’aspect de type 1 permet de porter le diagnostic. - Fréquemment, l'aspect électrocardiographique n'est pas typique (aspect électrocardiographique de type 2 ou 3). Afin de pouvoir affirmer le diagnostic, il sera nécessaire de réaliser un test utilisant les bloqueurs du canal sodique (antiarythmiques de classe I, ajmaline 0,5 mg/kg sur 5 min ou flécaïne 1 mg/kg sur 10 min), mais également d'enregistrer l’électrocardiogramme en remontant les dérivations V1 et V2 au troisième espace intercostal. Ces manœuvres peuvent permettre de démasquer l'aspect électrocardiographique de type 1 qui, seul, permet de porter le diagnostic. Il faut savoir que les aspects électrocardiographiques sont variables en fonction du temps et que parfois l’électrocardiogramme peut être tout à fait normal. Dans notre expérience portant sur 365 patients atteints d'un syndrome de Brugada, l'électrocardiogramme de base était typique chez 50 % des patients mais 21 % avaient un aspect de type 2 ou 3, et 29 % avaient un électrocardiogramme de base normal. Les différents aspects électrocardiographiques sont présentés sur la figure 1.   Comment évaluer le risque rythmique ? Le risque lié au syndrome de Brugada est essentiellement la survenue de mort subite par fibrillation ventriculaire. Dans cette pathologie, les accidents surviennent essentiellement au repos et pendant la nuit, et le risque est plus important chez les hommes. Pour évaluer ce risque, il faut se référer aux fichiers publiés dans la littérature. Deux de ces fichiers proviennent de l'équipe des Brugada, l’un a été publié par l'équipe de S. Priori et le dernier est le fruit d'une collaboration entre notre équipe et celles d'Amsterdam et de Munster. Bien que les caractéristiques des patients inclus dans ces fichiers semblent similaires, le risque rythmique est extrêmement variable. À titre d'exemple, les patients asymptomatiques dans le fichier des frères Brugada ont un risque de survenue de mort subite 13 fois supérieur à celui des patients de notre fichier collaboratif. Le risque rythmique est donc difficile à apprécier, mais certains critères ressortent clairement. Les éléments les plus importants dans l'évaluation de ce risque seront : • la notion de symptômes (mort subite, syncope, lipothymies, respiration stertoreuse nocturne) ; • la présence d'un aspect de type 1 spontané ; • et, enfin, le sexe masculin. La valeur de l'exploration électrophysiologique reste très discutée et dans notre expérience la présence d'une mutation dans le gène SCN5A ne modifie pas le risque rythmique.   Prise en charge thérapeutique des patients atteints d'un syndrome de Brugada Actuellement, aucune thérapeutique médicale n'a fait la preuve de son efficacité dans le syndrome de Brugada. En revanche, de nombreux médicaments tels que les antiarythmiques ou certains antidépresseurs peuvent aggraver le sus-décalage du segment ST et, probablement, augmenter le risque de survenue d'accidents rythmiques. Une liste de ces médicaments doit être fournie aux patients (disponible sur le site www.nantes.inserm.fr/u533). Enfin, le syndrome de Brugada étant fréquemment une maladie familiale, il sera important de rechercher la présence d’anomalies électrocardiographiques chez les apparentés du premier degré. Les indications de défibrillateurs sont résumées sur la figure 2. L'élément le plus important pour la détermination du risque rythmique étant la présence de symptômes, ceux-ci devront être recherchés avec beaucoup d'attention, en particulier pour les symptômes atypiques tels que les malaises d’allure vagale ou les énurésies accidentelles nocturnes. Figure 2. Aspects électrocardiographiques rencontrés dans le syndrome de Brugada. Seul l’aspect de type 1 permet de porter le diagnostic. Si un défibrillateur est implanté, en particulier chez les patients asymptomatiques, il faudra informer le patient du risque élevé que le défibrillateur ne serve jamais et du risque de survenue de chocs inappropriés (18 % des patients). Afin de limiter ce risque, il faudra veiller à régler le défibrillateur avec une zone de fibrillation > 200 bpm et obtenir une bonne détection de l'onde R au moment de l'implantation afin de diminuer le risque de sur-détection des ondes T. Chez les patients qui reçoivent fréquemment des chocs électriques, un traitement par quinidine pourra être proposé. L'intérêt de ce traitement chez les patients asymptomatiques a été suggéré mais n'est pas démontré. Une étude française multicentrique va prochainement débuter pour évaluer l'intérêt de ce traitement.   Que faire chez les patients asymptomatiques chez lesquels un aspect électrocardio-graphique de type 2 ou 3 est identifié ? Bien que cette situation soit la plus courante, il n’existe pas, actuellement, de recommandations. On sait que cet aspect ne permet pas de porter le diagnostic de syndrome de Brugada et que les patients qui n'ont pas un aspect de type 1 lors du test utilisant les antiarythmiques de classe 1 ont un risque rythmique probablement proche de celui de la population générale. Idéalement, un test utilisant les bloqueurs sodiques devrait être proposé chez tous les patients qui ont un aspect de type 2 ou 3. Cependant, cet aspect est fréquent dans la population et il ne paraît pas possible de proposer ce test chez tous les patients. En pratique, il semble raisonnable de proposer ce test chez les patients qui ont un antécédent familial de syndrome de Brugada ou de mort subite, qui ont eu des symptômes mêmes atypiques ou dont l'aspect électrocardiographique évocateur de syndrome de Brugada est majoré au troisième espace intercostal. La figure 3 propose un arbre décisionnel pour définir quels patients ayant un aspect électrocardiographique de type 2 ou 3 doivent bénéficier d'un test utilisant les antiarythmiques de classe 1. Si un aspect électrocardiographique de type 1 est démasqué chez ces patients, il faudra mettre en place une enquête familiale chez les apparentés du premier degré car on sait que le risque rythmique peut être très variable au sein d'une même famille. Figure 3. Proposition de prise en charge pour les patients ayant un aspect ECG de type 2 ou 3, sans histoire familiale de syndrome de Brugada. Conclusion   Rencontrer un aspect électrocardiographique évocateur de syndrome de Brugada n'est pas une situation rare en pratique courante. Actuellement, environ la moitié de ces patients recevront un défibrillateur et relèveront donc d’un suivi spécialisé, l'autre moitié, supposée à risque rythmique plus faible, devra bénéficier d’un suivi médical régulier (probablement une fois par an) afin de s'assurer de l'absence de survenue de symptômes (mêmes atypiques) qui devraient faire rediscuter l'indication d'un défibrillateur. Enfin, chacun devra avoir à cœur de dépister les autres cas familiaux de syndrome de Brugada afin d'éviter la survenue de mort subite illégitime. La labellisation récente de centre de référence pour les maladies rares devrait pouvoir faciliter la réalisation de ces dépistages familiaux. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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