Publié le 02 mai 2006Lecture 7 min
Le traitement des hypertensions du diabétique
J. AMAR, CHU de Toulouse
L’hypertension artérielle (HTA) accompagne l’installation de la néphropathie chez le diabétique de type 1 et précède souvent l’installation du diabète de type 2. Dans ces deux types de diabète, le profil de la pression artérielle (PA) se transforme au fil des complications microvasculaires, macrovasculaires et neurologiques de la maladie (schéma 1). La réponse thérapeutique doit alors s’adapter.
Avant le diabète de type 2 : HTA et syndrome métabolique
C’est l’HTA du sujet de la « cinquantaine bedonnante » . À l’HTA et l’obésité androïde s’associent la dyslipidémie, une glycémie et une protéine C-réactive élevée. La moitié des patients présentant ce syndrome deviendront diabétiques ; tous sont à haut risque cardiovasculaire.
Deux objectifs paraissent raisonnables dans ce contexte :
- obtenir un contrôle strict de la pression artérielle,
- réduire l’incidence du diabète.
Pour parvenir à un contrôle de qualité de la PA (<140 /90 mmHg), il faut :
- disposer d’un outil permettant un suivi rigoureux de la PA : mesure ambulatoire de la pression artérielle ou automesure ;
- recourir à des associations d’antihypertenseurs.
Pour réduire l’incidence du diabète, il faut :
- l’application stricte des mesures hygiéno-diététiques : elles permettent une réduction du risque de diabète de 70 % ;
- envisager d’intégrer dans le traitement antihypertenseur des inhibiteurs d’enzyme de conversion (IEC) ou des antagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine II (ARA II), dont l’administration est associée à une réduction du risque de diabète de l’ordre de 20 %.
HTA non compliquée du diabétique
L’influence bénéfique du contrôle de l’HTA sur la macro- et la microangiopathie du diabétique a été largement démontrée.
De fait, l’exigence manométrique doit être plus grande : PA < 130/80 mmHg en consultation (recommandations ANAES 2005). Pour parvenir à un contrôle aussi strict de la pression artérielle (schéma 2) les mêmes propositions que celles énoncées au sujet de l’HTA du syndrome métabolique s’appliquent :
• recours aux combinaisons d’antihypertenseurs ;
• évaluation du résultat obtenu avec des outils de qualité : mesure ambulatoire de la pression artérielle ou automesure.
Il faut souligner la place des IEC dans cette stratégie : ils ont démontré des effets bénéfiques sur le pronostic du diabétique à haut risque et sur l’apparition de la néphropathie.
Schéma 1. HTA des diabétiques de type 1 et 2 : un profil tensionnel qui se transforme au fil des complications de la maladie.
Schéma 2. Obtenir un bon contrôle tensionnel de la PA chez le diabétique. SAS : Syndrome d’apnée du sommeil. AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.
HTA du diabétique avec néphropathie
Deux objectifs nous sont proposés par la Haute Autorité de Santé :
• obtenir une PA < 130/80 mmHg,
• réduire la protéinurie en dessous de 0,5 g/24h.
Pour y parvenir, les associations d’antihypertenseurs sont, dans la très grande majorité des cas, requises. Au sein de ces associations les ARA II ou les IEC sont à intégrer. Les diurétiques sont nécessaires la plupart du temps et indispensables en cas d’insuffisance rénale.
Les diurétiques de l’anse sont seuls autorisés en cas d’altération marquée de la fonction rénale (clairance de la créatinine < 30 ml/min). Les diurétiques thiazidiques sont à privilégier dans les autres situations.
L’association ARAII et IEC est préconisée si la protéinurie reste au-dessus de l’objectif.
La nécessité d’une surveillance biologique stricte lors de l’introduction des IEC, ARAII ou de la combinaison des deux est partout soulignée. À l’évidence, le maniement de l’association IEC + ARA II chez des patients insuffisants rénaux requiert de la vigilance de la part du praticien, une bonne compréhension et une excellente observance de la part du patient. Si ces conditions ne sont pas réunies, mieux vaut y renoncer.
HTA du diabétique avec macro-angiopathie
Athérosclérose aortique
Le diabète est un facteur de rigidité de l’aorte. L’athérosclérose qu’il favorise réduit aussi l’élasticité des gros vaisseaux. L’augmentation de la rigidité aortique entraîne une augmentation de la pression systolique, une réduction de la pression diastolique et une augmentation de la pression pulsée. Cela entraîne au fil du temps la transformation de l’HTA systolo-diastolique en une HTA systolique pure. Cette dernière est porteuse d’un risque coronaire spécifique. Banale parce que très fréquente, elle ne doit surtout pas être négligée. D’évaluation difficile car souvent très variable d’une consultation à l’autre, son niveau doit être précisé par MAPA ou automesure.
Athérome artériel rénal
Favorisé par le diabète, surtout s’il se conjugue avec le tabac, l’athérome de l’aorte abdominale peut être associé à une sténose d’une ou des artères rénales. Il faut y penser devant une HAT jusque-là bien équilibrée qui devient brutalement résistante, une fonction rénale qui s’altère rapidement sous IEC ou ARA II et/ou des œdèmes pulmonaires à répétitions.
Quatre paramètres susceptibles d’orienter la prise en charge semblent à prendre en compte :
• l’état vasculaire rénal d’aval apprécié par la mesure des index de résistance ; lorsqu’ils sont > 0,8, le devenir après angioplastie est très sombre ;
• la qualité du contrôle de la PA obtenue sous traitement médical optimal ;
• l’évolution de la fonction rénale ;
• la tolérance hémodynamique.
Devant une HTA réfractaire, une insuffisance rénale qui progresse et/ou des œdèmes pulmonaires à répétition, il faut envisager un geste de revascularisation en assumant alors le risque de morbidité non négligeable qui y est associé.
Dysautonomie
Circonstances de découverte.
La dysautonomie diabétique peut être de découverte systématique ou secondaire à une consultation motivée par un déséquilibre de la PA ou des malaises. Elle est parfois associée — mais pas toujours — à d’autres atteintes du système nerveux végétatifs : gastroparésie, neuropathie vésicale, constipation.
Eléments du diagnostic.
L’installation d’une dysautonomie diabétique bouleverse le profil de la pression artérielle. L’hypotension orthostatique et l’hypotension postprandiale coexistent avec l’hypertension de décubitus. La mesure ambulatoire de la PA montre une grande variabilité de la pression artérielle en période diurne liée à ces épisodes d’hypotension et une hypertension nocturne associée au décubitus. La recherche d’hypotension orthostatique est positive (diminution Ž 20 mmHg de la PAS ou de 10 mmHg de la PAD après 1, 2 ou 3 minutes d’orthostatisme), sans augmentation adaptée de la fréquence cardiaque, signant l’atteinte du système sympathique.
Prise en charge thérapeutique.
Elle est avant tout guidée par le caractère symptomatique de l’hypotension et la mesure ambulatoire de la pression artérielle : dans cette indication, l’automesure n’est pas indiquée. La priorité est de permettre la station debout et de limiter le risque de chute. Il faut proscrire les alphabloquants, savoir alléger, voire renoncer au traitement antihypertenseur. Les mesures hygiéno-diététiques sont au premier rang ; il faut :
• éviter la station debout prolongée,
• limiter les situations à risque, telles que le lever nocturne pour aller uriner (on préconisera l’utilisation de chaises percées ou d’urinoirs portables) ;
• préconiser le port de bas de contention ;
• proposer des boissons en abondance (250 à 500 cm3) une demi-heure heure avant le lever. Les effets bénéfiques de cette mesure simple ont été documentés à plusieurs reprises et expliqués.
Dans les formes sévères, après arrêt des traitements antihypertenseurs, si ces moyens ne suffisent pas, on se tournera vers des traitements médicamenteux. Volontiers en collaboration avec des services spécialisés dans ce type de pathologie, on envisagera l’utilisation de midodrine (Gutron®) (contre-indiquée au demeurant en cas de coronaropathie). L’horaire des prises tiendra compte des habitudes de vie du patient (horaire du lever et du repas) et de la demi-vie courte du produit. Habituellement, on préconise son administration une demi-heure avant le lever et avant le repas de midi. On évite la prise avant le coucher de manière à limiter l’hypertension de décubitus. Le traitement sera débuté à faible posologie et sous surveillance de la pression artérielle.
Conclusion
L’HTA évolue au fil des complications du diabète. Pour proposer une réponse thérapeutique adaptée, il faut en premier lieu la situer au sein de l’histoire naturelle de la maladie diabétique. Ensuite, pour parvenir au contrôle strict de l’hypertension artérielle (PA <130/80 mmHg) suggéré par les niveaux de preuve, et proposé par les recommandations, il faut :
- un outil de mesure adapté pour guider le traitement : mesure ambulatoire de la pression artérielle ou automesure ;
- recourir à des combinaisons d’antihypertenseurs en y intégrant des IEC ou les ARAII.
En présence d’une néphropathie, la réduction de la protéinurie en dessous de 0,5 g/ 24 h est un objectif à part entière. On y parvient grâce au contrôle de la pression artérielle et à l’emploi d’IEC, d’ARA II ou de la combinaison des deux, sous couvert d’une surveillance biologique de qualité.
Dysautonomie diabétique
- La recherche d’hypotension orthostatique doit être systématique chez le diabétique lors de la découverte de la maladie et au cours du suivi.
- Les alphabloquants à visée cardiaque ou prostatique sont à proscrire.
- Dans les formes sévères, il faut savoir renoncer au traitement antihypertenseur en particulier diurne.
HTA et néphropathie diabétique
- Deux objectifs : PA <130/80 mmHg et protéinurie < 500 mg/24 h.
- Pour y parvenir : les associations d’antihypertenseurs intégrant les IEC et/ou les ARAII et, dans la très grande majorité des cas, les diurétiques.
- Une surveillance stricte et régulière de la kaliémie et de la créatinine est requise par l’emploi de ces molécules dans cette situation.
Pour en savoir plus
Prise en charge des patients adultes atteints d'hypertension artérielle essentielle - Actualisation 2005 http://www.anaes.fr
Moyens thérapeutiques pour ralentir la progression de l'insuffisance rénale chronique chez l'adulte
http://www.anaes.fr
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