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Échocardiographie

Publié le 07 fév 2006Lecture 7 min

L'échographie tridimensionnelle temps réel

C. SCHEUBLÉ, Centre Cardiologique du Nord, Saint-Denis

Le projet de voir, en 3 dimensions, l’anatomie cardiaque — en mouvement — date déjà d’une quinzaine d’années. En effet, la technique bidimensionnelle (2D) qui a connu durant ces dernières années tant de fantastiques progrès en résolution, en cadence et en qualité d’image avait également bien compris la nécessité de voir le cœur en trois dimensions. Elle avait montré le chemin en « inventant » l’acquisition par voie transœsophagienne de coupes bidimensionnelles multiples à plusieurs niveaux du massif cardiaque, reconstruites a posteriori grâce au repérage temporel de l’ECG (méthode dite TomTec® synchronisée sur l’ECG). Le caractère semi-invasif, le temps et le travail de reconstruction « off-line » (a posteriori) des informations devaient limiter l’exploitation et la diffusion de la méthode. Cependant, les algorithmes de reconstruction du 3D temps réel (3D-TR) seront en grande partie basés sur les travaux de ces ingénieurs pionniers. Et c’est ainsi que se poursuit la longue chaîne du progrès en échocardiographie !

Les avancées de la technologie L’évolution à un échelon supérieur des techniques et des cadences d’imagerie va reposer en tout premier lieu sur la technologie cristallographique permettant de faire des cristaux homogènes de petite taille et de les assembler en grand nombre sur de petites surfaces de sonde. C’est aussi les énormes possibilités du calcul numérique sur ces images « digitales » qui vont rendre possible l’évolution actuelle vers le temps réel en trois dimensions (ou le quasi-temps réel) actuellement sur le marché : Real-Time 3D (3D-RT). Les dernières technologies utiliseront des sondes matricielles « de taille raisonnable » comportant 3 000 éléments sur la surface active. Les volumes dans l’espace générés par ces sondes matricielles sont pratiquement sans limitation quant au contenu des plans images qui peuvent être rendus (rendering volume technic). En théorie, cette nouvelle méthode ne nécessite pas la gymnastique intellectuelle habituelle de l’opérateur de l’échocardiographie bidimensionnelle, qui jusque-là reconstruisait « dans sa tête » l’anatomie cardiaque à partir des coupes 2D. L’acquisition du volume cardiaque est globale et tout plan de coupe devient possible ; le « travail du cardiologue » — à l’intérieur du volume acquis — est sans limitation et permet de revoir indéfiniment et sous des angles différents multiples le cœur du patient sans même la présence physique de ce dernier. Le lecteur comprendra la limitation et la frustration ressentie lorsque l’on fait un exposé écrit sur une feuille (espace bidimensionnel qui n’a pas changé depuis le temps du papyrus) sur laquelle on ne peut montrer qu’un ersatz de l’espace 3D volumique, et l’impossibilité de montrer comment l’échocardiographiste se déplace « autour » et « dans » les structures cardiaques. Les intérêts de l’échocardiographie 3D ont déjà été montrés par plusieurs auteurs : pour l’évaluation des pathologies valvulaires, des pathologies inhabituelles, et les malformations congénitales (qui ne seront pas abordées dans un si court exposé). Mais l’intérêt nouveau, et qui semble faire consensus pour la plupart des équipes, semble se situer au niveau de l’analyse ventriculaire gauche : masse, volume, cinétique, statut de synchronisation des divers segments du ventricule gauche.   Étude des pathologies valvulaires Nous travaillons depuis octobre 2004, et surtout février 2005, avec un échographe 3D-RT. Les renseignements obtenus par cette méthode sont-ils plus pertinents que ceux obtenus par la méthode 2D conventionnelle en associant l’échocardiographie transthoracique (ETT) et l’échocardiographie transoesophagienne (ETO) ? En ce qui concerne les pathologies dégénératives de la mitrale avec prolapsus associées à des ruptures de cordages, l’apport ne semble pas majeur pour des investigateurs très expérimentés dans les techniques mentionnées supra. Il est vrai que la description des commissures, des feuillets valvaires vus du ventricule gauche ou de l’OG peuvent faciliter la compréhension de ces pathologies : elles évoluent typiquement dans un volume (3D), et non dans les simples plans de coupe (2D). En revanche, les images de détails et les finesses analytiques obtenues avec des sondes ETO de haute résolution semblent supérieures à l’imagerie 3D. Cependant, la reconstruction dans l’espace de la morphologie d’une valve pathologique à partir des éléments 2D est certainement moins accessible que la vision directe pour le cardiologue clinicien ou le chirurgien, par exemple les images 3D-RT pré- et postdilatation mitrale (figure 1). On peut supposer que, dans un futur proche, la simplicité de la méthode et son immédiate compréhension l’emportera sur toute autre considération et que la méthode 3D-RT deviendra la référence. Figure 1. Analyse 3D en temps réel avant et après valvulopathie mitrale. Étude des régurgitations La littérature sur l’étude 3D-Doppler couleur des jets de régurgitation n’est pas encore abondante dans l’application clinique. On voit cependant la richesse d’information contenue dans la visualisation et la description morphologique des jets dans les trois dimensions de l’espace (voir les travaux expérimentaux de Shiota T et coll., Cleveland Clinic Foundation).   Pathologies moins habituelles D’autres pathologies moins fréquentes seront plus facilement explorées. Prenons par exemple, dans un contexte emboligène, cette petite tumeur valvaire, dont la morphologie dans l’espace 3D-RT suggérait très fortement un petit papillome de la mitrale, alors que le 2D n’était pas vraiment conclusif. C’est la visualisation globale du volume tumoral, la possibilité de « tourner autour » qui emportait rapidement la conviction (et la décision d’intervenir) alors que le 2D n’était pas formel (figure 2). Également très explicites pour le chirurgien sont les images de dissection aortique qui peuvent montrer la déchirure intimale et le raccordement en zone saine du « flap ». Figure 2. Visualisation globale du volume tumoral. Étude du ventricule gauche Les techniques d’analyse ventriculaire jusque-là utilisées reposent sur l’imagerie 2D. Les paramètres obtenus à partir de cette imagerie sont le fait d’assomptions supposées sur la géométrie du ventricule gauche, ce qui ne va pas de soi lorsque le ventricule est déformé, en particulier dans les cardiopathies ischémiques. Les reconstructions, même incomplètes, du 3D (type Tomtec®) apportaient déjà une précision supplémentaire en diminuant le nombre d’assomptions géométriques. Le mode 3D-RT donne une segmentation en petits volumes individualisés anatomiquement du ventricule gauche. La contribution de chacun de ces volumes à la contraction globale du cœur est individualisable. Cela explique que les mesures de volumes et de FE aient une excellente corrélation avec la méthode de référence que l’on considère aujourd’hui dans ce domaine être l’IRM. De plus, ces analyses peuvent être encore améliorées chez les patients peu échogènes par l’utilisation de produits de contraste passant la barrière pulmonaire et renforçant les interfaces tissu-sang.   Étude des désynchronisations ventriculaires Les études très démonstratives comme MUSTIC (MUltisite STimulation In Cardiomyopathies) et CARE-HF (CArdiac REsynchronisation in Heart Failure) ont donné leurs lettres de créance à la stimulation cardiaque multisite dans le traitement de l’insuffisance cardiaque. Il fallait des méthodes permettant d’évaluer la synchronisation des forces contractiles au niveau ventriculaire : coordination des deux ventricules (interventriculaire) et surtout au niveau des segments myocardiques gauches (synchronisation intraventriculaire). L’absence de coordination interventriculaire est facile à mettre en évidence puisque l’on compare les périodes prééjectionnelles des deux ventricules mesurées sur le flux Doppler de l’aorte et de l’artère pulmonaire. En revanche, pour ce qui est de la désynchronisation intraventriculaire, la tâche est plus ardue. De nombreuses méthodes ont été explorées pour comparer la chronologie (synchronie ou dysynchronie) contractile des parois, essentiellement paroi latérale et septum : TM simple et orientable, DTI couleur en mode 2D et TM, ou plus sophistiquée, l’analyse automatique sur certains échographes de l’activation mécanique en regardant segment par segment la courbe (DTI) de l’activation mécanique. L’analyse 3D-RT semble permettre une étude de la désynchronisation plus exhaustive et « automatisée » : comparant le timing contractile des 16 segments classiquement définis par l’American Society of Echocardiography. Le logiciel peut alors définir un temps moyen de contraction maximale des différents segments et calculer l’écart-type par rapport à la moyenne. Plus l’écart-type sera grand, plus les segments seront désynchronisés (figure 3). On peut également prévoir que les patients ayant un plus grand écart-type bénéficieront plus largement d’une resynchronisation, et voir ainsi l’écho 3D-RT participer à la sélection des patients « répondeurs ». Ce que montrera l’article spécifiquement consacré à ce sujet (ci-contre). Figure 3. Étude automatisée de l’asynchronysme sur 16 segments myocardiques. Conclusion… provisoire   L’échocardiographie 3D-temps réel est bien une révolution dans l’exploration ultrasonore des cardiopathies, permettant de pénétrer virtuellement des plans inédits de l’anatomie cardiaque. L’étude des cardiopathies congénitales devrait bénéficier de façon considérable de la méthode : le 3D-RT étant bien la seule technique à montrer dans l’espace (quasi chirurgical) les relations des structures valvaires, fibreuses, myocardiques dans les pathologies complexes, ou tout simplement l’anatomie relationnelle de défects plus simples (CIA, CIV, etc.). Cette approche devrait faciliter l’évaluation et la faisabilité des procédures interventionnelles percutanées : par exemple, mesurer précisément la dimension des rebords d’une CIA et évaluer la possibilité de mise en place d’un dispositif d’occlusion. Pour le présent, ou pour rester proche de la diffusion clinique, on retiendra la contribution majeure de la méthode à l’étude des volumes ventriculaires et la resynchronisation des ventricules asynchrones, cette méthode devenant de plus en plus un moyen efficace de traiter les cardiopathies dilatées en insuffisance cardiaque réfractaire. Il est probable que l’on verra de plus en plus d’échocardiographes équipés de 3D-RT, devenant plus facilement accessibles aux budgets des cardiologues. Beaucoup avaient prédit que le Doppler couleur resterait le privilège d’un petit nombre de centres spécialisés et l’on a vu ce qu’est devenue la méthode dont pratiquement tout le monde dispose. Je fais le même pari positif pour le 3D-RT que celui que j’avais fait en 1984 pour le Doppler couleur… rendez-vous dans 10 ans !

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