Vasculaire
Publié le 05 avr 2011Lecture 6 min
Les AVC : une grande diversité
J.-L. MAS, Hôpital Saint Anne, Paris
La définition apparemment simple de l’accident vasculaire cérébral (AVC) - déficit neurologique soudain d’origine vasculaire - masque en fait une grande diversité, tant dans la nature ischémique ou hémorragique, par occlusion ou rupture vasculaire, de la lésion cérébrale, la présentation clinique, les mécanismes étiopathogéniques, que dans les modalités de traitement à la phase aiguë et de prévention. Les infarctus cérébraux, objet de ce dossier, représentent 80 à 85 % des AVC et résultent en règle générale d’une occlusion artérielle, elle-même presque toujours la conséquence d’un phénomène thrombo-embolique secondaire à diverses affections de la paroi artérielle, du cœur ou du contenu sanguin.
Des données épidémiologiques inquiétantes
En dépit des progrès importants de la Neurologie vasculaire survenus depuis 40 ans, tant au plan diagnostique que thérapeutique, les AVC demeurent un véritable fléau aussi bien à l’échelon individuel qu’en termes de santé publique. Chaque jour en France, 360 personnes en sont victimes. À travers le monde, ce sont 16 millions de nouveaux cas qui sont observés chaque année, responsables de 5,7 millions de décès. Les AVC constituent la première cause de handicap physique de l’adulte, la deuxième cause de décès, la deuxième cause de démence, et une cause fréquente de dépression chez les patients et dans leur entourage. Compte tenu de leur fréquence et de leur gravité, les AVC font partie des maladies les plus coûteuses. Paradoxalement, le montant des fonds destinés à financer la recherche sur cette pathologie est proportionnellement très faible(1).
Cette situation est d’autant plus préoccupante que les prévisions vont dans le sens d’une augmentation du nombre d’AVC dans les années à venir. Ainsi, le nombre d’AVC incidents dans le monde passerait entre 2005 et 2030 de 16 à 23 millions et la mortalité due aux AVC de 5,7 à 7,8 millions(2). Ceci contraste avec la baisse importante de l’incidence des infarctus du myocarde observée depuis quelques années, liée à l’efficacité préventive du traitement des principaux facteurs de risque vasculaire. Il n’est donc pas impossible que dans les années à venir, les AVC soient non seulement la première cause de handicap acquis, mais aussi la première cause de décès dans le monde.
La principale raison de cette épidémie annoncée est le vieillissement de la population, car l’incidence des AVC augmentant fortement avec l’âge, mais d’autres facteurs concourent à ce que les moyens actuels de prévention et même de traitement à la phase aiguë soient moins efficaces pour les AVC que pour l’infarctus du myocarde.
Une urgence médicale insuffisamment prise en charge
L’ischémie cérébrale aiguë est presque toujours provoquée par l’occlusion d’une artère cérébrale. Selon la durée de l’occlusion et l’importance de la baisse de perfusion en aval, l’ischémie cérébrale pourra n’être que fonctionnelle, responsable d’un déficit neurologique très bref et spontanément réversible qualifié d’accident ischémique transitoire (AIT), ou bien à l’inverse, être sévère et conduire à la constitution d’un infarctus cérébral dont la taille est extrêmement variable.
Il n’existe donc qu’une différence de degré entre AIT et infarctus cérébral, comme en témoignent d’une part la présence de signes IRM d’infarctus dans près de la moitié des AIT de moins de 24 heures et, d’autre part, la proposition d’une nouvelle définition des AIT, remplaçant le critère temporel (durée des symptômes inférieure à 24 heures) par un critère lésionnel (l’absence d’infarctus cérébral).
En pratique, ce qui compte c’est l’état clinique du patient au moment où il est examiné.
Si les symptômes ont totalement régressé, l’urgence est à la prévention de l’infarctus cérébral. Si les symptômes n’ont pas ou ont incomplètement régressé, l’urgence est au traitement de l’ischémie cérébrale aiguë. L’AIT est une urgence médicale, car le risque d’infarctus cérébral est particulièrement élevé dans les premiers jours qui le suivent. Ce risque justifie un bilan étiologique et une prise en charge thérapeutique en urgence comportant parfois un traitement spécifique tel que la chirurgie d’une sténose carotide serrée, l’anticoagulation d’un patient en fibrillation auriculaire, la corticothérapie en cas de cécité monoculaire transitoire révélatrice d’une artérite temporale. Il est incontestable que plus les patients sont évalués et traités tôt après la régression des symptômes, moins ils sont à risque d’infarctus cérébral ultérieur.
Si à l’inverse, les symptômes n’ont pas régressé lorsque le patient est examiné, l’urgence est à l’administration la plus précoce possible, dans une unité spécialisée, des traitements de l’ischémie cérébrale aiguë et de ses complications, en particulier la levée de l’occlusion artérielle par thrombolyse ou parfois désobstruction mécanique. L’ischémie cérébrale laissera d’autant moins de séquelles que la levée de l’occlusion est précoce. À cet égard, il est important de se souvenir que si la thrombolyse peut encore être efficace 4 heures 30 après le début des symptômes, c’est dans la première heure et demie qu’elle est la plus efficace, et qu’elle comporte le moins de risque d’hémorragie cérébrale.
Malheureusement, le pourcentage de patients vus dans un temps aussi court et n’ayant aucune contre-indication demeure extrêmement faible.
Bien que les progrès soient incontestables, l’AIT et l’infarctus cérébral sont encore insuffisamment pris en charge en urgence pour de nombreuses raisons qui sont de mieux en mieux identifiées : méconnaissance des symptômes par les patients, leur entourage, le corps médical, le personnel de régulation, attente dans les services d’urgence, disponibilité insuffisante des spécialistes et de la neuro-imagerie. L’analyse de cette situation a donné lieu à des recommandations qui sont essentielles à mettre en œuvre le plus rapidement possible. La principale difficulté tient à la diversité des symptômes inauguraux et à la non spécificité de beaucoup d’entre eux conduisant à de fréquentes erreurs par défaut ou par excès.
L’erreur par excès est cependant moins lourde de conséquences que l’erreur par défaut, la non reconnaissance privant le patient du bénéfice largement démontré d’une prise en charge spécialisée en urgence.
À l’inverse, il ne saurait être question de priver d’un diagnostic et d’un traitement parfois urgents les patients qui ont une affection mimant un AVC telle que épilepsie, syncope, tumeur, encéphalite, troubles métaboliques, etc., ce qui illustre l’importance de ne pas séparer les urgences vasculaires cérébrales des autres urgences neurologiques et d’une manière générale, la neurologie vasculaire du reste de la neurologie.
Perspectives thérapeutiques
Bien que nous disposions de traitements susceptibles de diminuer la survenue d’un premier AVC ou de récidives (antihypertenseurs, statines, médicaments antithrombotiques, chirurgie carotide, traitement endovasculaire et chirurgical des malformations vasculaires, etc.), l’incidence des AVC reste élevée, en raison notamment des difficultés à modifier les facteurs de risque (pression artérielle, surpoids, etc.) et les comportements à risque (tabac, alcool, habitudes alimentaires, etc.) à l’échelle de la population. La prévention primaire et secondaire des AVC doit donc être renforcée, grâce à une action au niveau de la population sur les comportements vis-à-vis des facteurs de risque, au développement de nouveaux médicaments (antithrombotiques, médicaments lutant contre le vieillissement artériel et l’athérosclérose, etc.) et enfin au développement de stratégies thérapeutiques plus ciblés prenant en compte l’hétérogénéité physiopathologique des infarctus cérébraux, l’évaluation individuelle des bénéfices et des risques thérapeutiques et les variations de réponse aux traitements (pharmacogénétiques).
Les progrès en matière de traitement de l’infarctus cérébral aigu passent par une meilleure connaissance par la population des signes d’alerte de l’infarctus cérébral et par le développement de structures de soins susceptibles de réaliser ce type de traitement dans des délais très courts. Les avancées thérapeutiques attendues concernent le développement de méthodes plus efficaces de désobstruction artérielle rapide (nouveaux thrombolytiques, combinaison de la thrombolyse veineuse et artérielle ou de thrombolytiques et d’autres médicaments antithrombotiques, facilitation de la thrombolyse par les ultrasons ou le laser, etc.), ainsi que de nouvelles stratégies neuroprotectrices (hypothermie, association de médicaments neuroprotecteurs, traitements protégeant contre le risque d’hémorragie au sein de l’infarctus cérébral). Les bénéfices d’une intervention médicamenteuse sur la pression artérielle à la phase aiguë de l’infarctus cérébral doivent être précisés.
La récupération neurologique après un infarctus cérébral est un champ dont le développement potentiel est considérable, qu’il s’agisse de médicaments, de la thérapie cellulaire, de nouvelles méthodes de rééducation ou de l’utilisation d’interfaces biomécaniques entres neurones et appareils électromécaniques. Une meilleure connaissance de l’organisation cérébrale et des modalités de communication intercellulaire facilitera ce développement.
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