HTA
Publié le 25 sep 2007Lecture 11 min
Les recommandations de l'ESH/ESC 2007 dans l'hypertension : le rôle majeur des antagonistes de l'angiotensine II
M. JOBBÉ DUVAL, Neuilly-sur-Seine
Les recommandations de l’ESH/ESC dans l’hypertension artérielle ont été présentées pour la première fois le 17 juin 2007 au Congrès européen d’hypertension à Milan. Ces recommandations suivent celles de 2003 car de nombreuses preuves supplémentaires ont été obtenues ces dernières années grâce aux grandes études cliniques réalisées chez l’hypertendu. L’équipe d’experts européens en charge de l’élaboration de ces nouvelles recommandations a été fortement encouragée par l’excellent accueil réservé à celles de 2003. Ces recommandations ont nécessité environ un an de travail, essentiellement basé sur une revue critique de la littérature en essayant de simplifier, d’organiser et de condenser les différents aspects diagnostiques, mais aussi de stratégie thérapeutique dans l’HTA qui reste l’un des plus graves problèmes de santé publique dans le monde.
Les aspects diagnostiques dans l'HTA
D'après S. Laurent (France)
La classification de l’HTA
Les outils de mesure
La MAPA garde les mêmes indications (variabilité tensionnelle importante, HTA haute, recherche d’un effet blouse blanche, résistance au traitement), auxquelles s’ajoutent deux indications supplémentaires :
- lorsque l’on suspecte des épisodes d’hypertension, en particulier chez les patients âgés ou diabétiques ;
- lorsque la PA est élevée au cabinet chez une femme enceinte et que l’on craint une pré-éclampsie.
Les valeurs moyennes normales de la MAPA ont été revues à la baisse :
- 130-135/85 mmHg au cours de la journée ;
- 120/70 mmHg au cours de la nuit.
Un autre élément est maintenant à prendre en considération, c’est la notion d’HTA masquée qui se caractérise par une PA normale au cabinet et une PA élevée soit par MAPA, soit par automesure. Récemment, la notion de PA centrale était évoquée, essentiellement avec les résultats de l’étude CAFE. Les recommandations prennent en compte cette donnée, mais il apparaît nécessaire de réaliser des études supplémentaires, aussi bien observationnelles qu’interventionnelles, avant de pratiquer cet examen en routine.
L’évaluation des facteurs de risque associés
Les différents essais cliniques de grande envergure réalisés ces dernières années ont justifié des recommandations plus rapidement interventionnistes qu’auparavant : ainsi, même en cas de PA normale ou normale haute, la présence d’une atteinte cardiovasculaire avérée doit entraîner la mise en place d’un traitement antihypertenseur d’emblée. De même, l’existence d’un ou de deux facteurs de risque associés à une HTA de grade I justifie un traitement dans les semaines qui suivent si les mesures hygiéno-diététiques ne suffisent pas à baisser les chiffres tensionnels.
Les facteurs influant le pronostic
- Outre les pressions systolique et diastolique, la pression pulsée apparaît comme un facteur déterminant de mauvais pronostic, essentiellement chez le sujet âgé.
- De même, une glycémie comprise entre 1,02 et 1,25 g/l et un test de tolérance au glucose anormal, doivent être considérés comme des facteurs de risque influant le pronostic.
Le syndrome métabolique
En plus de la recherche clinique d’une HTA secondaire et de signes d’atteinte des organes cibles, il faut rechercher systématiquement une obésité viscérale par la mesure du poids, de la circonférence abdominale et de l’index de masse corporelle (IMC). C’est ainsi que le syndrome métabolique devient un facteur reconnu de risque majeur de la survenue d’une pathologie coronaire. Il est considéré comme présent lorsqu’il existe 3 des 5 facteurs suivants :
• TA > 130/85 mmHg,
• HDL-C < 0,40 g/l,
• TG > 1,7 g/l,
• glycémie > 1,10 g/l,
• obésité abdominale.
Les facteurs de risque intermédiaires acquièrent aussi leurs lettres de noblesse
Il s’agit de la recherche d’une HVG, soit à l’ECG avec un indice de Sokolow > 38 mm, soit à l’échographie avec un IMVG > 120 g/m2 chez l’homme et 110 g/m2 chez la femme ; mais aussi de l’épaisseur intima-média carotidienne (EIM > 0,9) ainsi que la vitesse de l’onde de pouls carotide-fémorale > 12 m/s. C’est ainsi que l’index de pression systolique entre dans les tests recommandés pour la recherche d’une atteinte des organes cibles au même titre que l’écho cardiaque, l’écho-Doppler carotidien, la protéinurie et le fond d’œil.
Dans le même esprit, la clairance de la créatinine (< 60 ml/min/1,73 m2) est désormais considérée comme un facteur de risque d’atteinte rénale chez un hypertendu, au même titre que la microalbuminurie (> 300 mg/24 h). Les recommandations semblent privilégier la formule MDRD.
Les patients à haut et très haut risque cardiovasculaire
Selon les experts de l’ESH, ces patients représentent entre la moitié et les deux tiers des patients âgés de 45 à 75 ans. Ils se définissent comme ayant une TA > 180 et/ou 110 mmHg, ou bien une PAS > 160 mmHg avec une PAD < 70 mmHg, les patients diabétiques, ou ayant un syndrome métabolique, les patients avec plus de 3 facteurs de risque, ou avec une atteinte organique selon les critères dits intermédiaires (HVG, EIM > 0,9, microprotéinurie, augmentation de la créatinine, et bien sûr les patients ayant un accident CV avéré).
Enfin, il faut évoquer le problème des coûts diagnostiques de ces différents examens en soulignant que les recherches de la clairance de la créatinine et de la microalbuminurie ont un coût faible pour un apport majeur dans le pronostic, au même titre que l’ECG, la vitesse de l’onde de pouls ou l’IPS, mais ces deux derniers ont une valeur pronostique moindre.
Trois principes ont guidé le groupe d’experts, ainsi il apparaît maintenant évident que :
- plusieurs molécules sont le plus souvent nécessaires à l’obtention des cibles tensionnelles désirées ;
- la baisse de PA est proportionnelle à la baisse de survenue des événements cardiovasculaires ;
- il faut adapter le plus possible la valeur cible à atteindre en fonction du niveau de risque CV global.
Les aspects thérapeutiques des recommandations
D'après G. Mancia (Italie)
Règles hygiéno-diététiques
Les recommandations en termes de règles hygiéno-diététiques deviennent un objectif majeur d’éducation des patients et doivent faire réellement l’objet de la part du praticien et des experts d’une prise en charge réelle et non plus être abordées superficiellement. Cette prise en charge hygiéno-diététique, et les recommandations insistent sur ce point, ne doit pas retarder l’instauration d’un traitement, surtout chez les patients à haut ou très haut risque cardiovasculaire.
Diurétiques et bêtabloquants
Deux grandes études ont semé le doute sur l’utilisation en première intention de ces deux classes thérapeutiques chez les Caucasiens : il s’agit de l’étude ASCOT où les bêtabloquants + HCTZ baissent moins la PA et protègent moins les organes cibles que les classes thérapeutiques plus récentes (IC ou IEC), alors que dans l’étude ALLHAT, où le pourcentage de patients de race noire était élevé, ces deux classes ont un effet identique aux autres classes. D’après la méta-analyse menée par le BP Trialists’ Coll Group (Arch Intern Med 2005), il n’y a pas de différence significative à long terme entre les bêtabloquants, les diurétiques et les autres classes.
Il apparaît que le bénéfice principal se juge bien sur le niveau de baisse tensionnelle. Les cinq classes thérapeutiques (bêtabloquants, diurétiques, IC, IEC, AAII) sont éligibles en première intention pour initier ou maintenir un traitement antihypertenseur. Cette question semble néanmoins presque inutile dans la mesure où, le plus souvent, il faudra recourir à plusieurs classes thérapeutiques pour atteindre et maintenir l’objectif tensionnel désiré.
Ainsi, dans ASCOT (qui comparait bêtabloquant ± diurétique et IC ± IEC), 8,6 % des patients seulement étaient sous aténolol seul et 14,6 % sous amlodipine seule, tous les autres patients ayant au moins une bithérapie.
D’où une stratégie évoluant plus rapidement vers les associations thérapeutiques.
Les six classes thérapeutiques (incluant les alphabloquants) peuvent être associées, certaines associations sont plus recommandées que d’autres (figure 1).
Figure 1. Les traits pleins représentent les associations à privilégier.
Ainsi, l’ESC recommande en cas de PA très élevée ou s’il existe de nombreux facteurs de risque associés, que l’on recoure d’emblée aux associations thérapeutiques en commençant à faible dose. Si la cible n’est pas rapidement atteinte, il faut doubler les doses de l’association ou ajouter une troisième molécule à faible dose, puis, éventuellement prescrire trois molécules à forte dose. L’autre alternative reste la monothérapie à faible puis à forte dose si la PA est modérément élevée ou si le risque global est faible, puis un changement de monothérapie si besoin, et un passage à une association en cas de résultats insuffisants.
Ainsi, le concept des associations thérapeutiques d’emblée s’impose dès lors que le patient présente des chiffres tensionnels élevés ou que le risque cardiovasculaire global est important. C’est le grand apport de ces recommandations dont le but est bien de contrôler le plus rapidement possible, avec la meilleure tolérance, les chiffres tensionnels. L’ESC recommande pour cela les associations fixes qui assurent une simplification thérapeutique avec une meilleure compliance au traitement.
Les stratégies thérapeutiques doivent s’appliquer en fonction de quatre critères :
- l’état clinique du patient (âge, diabète, etc.),
- le niveau du risque cardiovasculaire,
- la présence d’événements cliniques,
- l’atteinte des organes cibles.
Le traitement de l'HTA dans les cas particuliers
D'après R.E. Schneider (Allemagne)
Chez le patient âgé
Les preuves sont formelles en dessous de 80 ans de l’intérêt d’un traitement optimum. Dans l’HTA systolique isolée, le bénéfice des diurétiques thiazidiques et des IC a été prouvé, mais des méta-analyses démontrent l’efficacité des AAII. La cible tensionnelle à atteindre est toujours de < 140/90 mmHg, mais cela est souvent difficile et nécessite d’augmenter progressivement les doses pour éviter les effets secondaires.
Il apparaît donc important de s’intéresser aux critères objectifs tels que la baisse de la microalbuminurie ou la régression de l’HVG, comme l’a démontré l’étude LIFE comparant le losartan et l’aténolol sur une population à risque suivie pendant 5 ans (figures 2 et 3).
Figure 2. Étude LIFE : comparaison de l’efficacité du losartan versus l’aténolol sur la microalbuminurie sur une population à risque suivie pendant 5 ans.
Figure 3. Étude LIFE : comparaison de l’efficacité du losartan versus l’aténolol sur la régression de l’HVG sur une population à risque suivie pendant 5 ans.
On remarque, en outre, dans cette étude, que le losartan permettait de réduire significativement cette HVG de façon plus importante que l’aténolol. Dans une méta-analyse réalisée par Klingbeil A. et coll. (Am J Med 2003), on constate que toutes les classes thérapeutiques ne baissent pas l’HVG de la même manière : les plus efficaces sont les AAII, suivis par les IEC et les IC, lorsque les bêtabloquants ou les diurétiques ne modifient pas significativement cette HVG. D’où la notion du choix thérapeutique en fonction de facteurs intermédiaires.
Chez le diabétique
Chez le diabétique, il est recommandé d’éviter les bêtabloquants et les diurétiques en première intention, de même que dans le syndrome métabolique.
Les choix thérapeutiques en fonction des événements cliniques
La nature de la cardiopathie doit inciter à privilégier certaines classes :
- antécédents d’infarctus du myocarde : bêtabloquant/ IEC/AAII,
- angine de poitrine : bêtabloquant /IC,
- insuffisance cardiaque : diurétique/bêtabloquant/ IEC/AAII/antialdostérone,
- prévention de la fibrillation auriculaire : AAII/IEC,
- FA chronique : bêtabloquant/IC non DHP.
Dans l’atteinte des organes cibles, l’insuffisance rénale, essentiellement chez le diabétique, relève d’un traitement par AAII comme l’ont démontré les essais RENAAL et IDNT, mais aussi, dans les stades plus précoces avec LIFE, VALUE, DETAIL ou IRMA 2.
Dans la prévention des récidives d’AVC, les AAII et les IEC ont démontré un bénéfice certain, il faut baisser une PA > 130/80 mmHg et les associations thérapeutiques sont le plus souvent nécessaires.
Les règles de santé publique exigent de réellement contrôler les chiffres tensionnels. La présence d’une HTA double les risques d’IDM et quadruple ceux d’AVC. Donc, plus les chiffres sont bas et plus le risque d’événements CV diminue. En outre, plus tôt les chiffres tensionnels sont abaissés, moins le risque est important. Enfin, dans deux cas sur trois, il est nécessaire de recourir à une association et le choix de cette association est important pour l’avenir du patient.
En pratique
Les nouvelles recommandations, sur le plan thérapeutique, insistent sur la nécessité d’individualiser nos stratégies en fonction de plusieurs critères objectifs que sont l’âge, l’état clinique du patient, le niveau du risque global et l’atteinte des organes cibles.
Les AAII ont fait leur entrée remarquée dans une multitude d’indications où ils n’étaient pas présents en 2003 : la microalbuminurie, l’insuffisance rénale, le syndrome métabolique, le diabète, le traitement de l’infarctus et de l’insuffisance cardiaque, la fibrillation auriculaire.
Il est de plus en plus nécessaire de recourir à des combinaisons thérapeutiques en privilégiant les associations fixes.
HTA : les antagonistes de l'angiotensine, des conditions d'utilisation élargies
D'après M. Volpe (Italie)
LIFE
L’une des meilleures preuves de ces notions simples est l’analyse de l’étude LIFE (Losartan Intervention For Endpoints reduction in hypertension), seule étude de morbi-mortalité réalisée chez les patients hypertendus avec un antagoniste de l’angiotensine II, où le losartan a été comparé à l’aténolol chez des patients à haut risque cardiovasculaire. Le losartan a montré une diminution significative de la morbi-mortalité par rapport à l’aténolol.
Le premier point à souligner est que, dans plus de 28 % des cas, l’association losartan 100 mg + HCTZ 12,5 mg a été nécessaire pour atteindre les chiffres tensionnels dans ce protocole qui reflète la pratique clinique quotidienne. Dans l’étude LIFE ainsi que dans un nouvel essai, on observe bien l’effet dose-réponse de l’augmentation de posologie du losartan associé à l’HCTZ chez ces patients difficiles à traiter pour obtenir un bon contrôle tensionnel.
Des preuves de protection au-delà de la baisse des chiffres tensionnels
Le bras losartan a montré sa supériorité sur le critère de jugement primaire, mais aussi sur les critères intermédiaires. La baisse de la microalbuminurie ou la régression de l’HVG (à égalité de baisse tensionnelle) est supérieure sous losartan à celle obtenue sous aténolol, influençant directement la survenue d’événements cardiovasculaires (figures 2 et 3).
La majorité des critères secondaires sont en faveur du losartan, avec une diminution significative de survenue d’un AVC mortel ou non (RR 24,9 % ; p = 0,001). De même, la mortalité totale est diminuée significativement chez les diabétiques traités par le losartan (RR 39 % ; p = 0,002). Chez les patients ayant une HTA systolique isolée, la mortalité cardiovasculaire est diminuée de 46 % dans le groupe losartan (p = 0,011). Enfin, LIFE démontre le rôle d’un AAII dans la prévention de l’apparition d’une FA. Les autres critères sont tout aussi connus : moins d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque, moins de nouveaux cas de diabète (RR 25 % ; p < 0,001).
Ainsi, à égalité de baisse tensionnelle, les patients hypertendus sous losartan, le plus souvent en association avec un diurétique, ont moins d’événements cardiovasculaires, une amélioration clinique chez les diabétiques et les hypertendus systoliques, moins de risque de fibrillation auriculaire, une plus grande régression de la masse ventriculaire gauche et moins d’apparitions de nouveaux cas de diabète. Cette supériorité d’un antagoniste de l’angiotensine II sur une classe thérapeutique de référence comme les bêtabloquants, même à baisse tensionnelle égale, explique en partie les raisons de ces nouvelles recommandations.
Le point de vue d’un expert
Lors d’un entretien réalisé avec M. Volpe, celui-ci a insisté sur la nécessité, chez les hypertendus à haut risque cardiovasculaire, de mettre en place un traitement efficace sur les chiffres tensionnels le plus rapidement possible : faire appel aux associations thérapeutiques, rapidement ou d’emblée, et plus particulièrement avec un diurétique.
En ce sens, les preuves apportées par l’association losartan + HCTZ dans l’étude LIFE sont d’un intérêt certain dans cette stratégie thérapeutique.
Il est important également de personnaliser le traitement en sachant l’adapter en fonction des facteurs de risque dits intermédiaires, tels que l’HVG, l’apparition d’une fibrillation auriculaire ou d’une néphropathie diabétique, comme l’a démontré l’étude RENAAL (Reduction of Endpoints in Non-insulin dependant diabetes mellitus with the Angiotensin II Antanonist Losartan) avec le losartan chez les diabétiques insuffisants rénaux.
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