Publié le 29 jan 2008Lecture 11 min
L'ETO frappe à la porte
P. RÉANT, S. LAFITTE et R. ROUDAUT, hôpital du Haut Lévêque, Bordeaux
AHA
Les sessions consacrées aux nouvelles techniques échocardiographiques (échographie 3D temps-réel, 2D strain, échographie de stress) étaient toujours aussi nombreuses ; une preuve de l’intérêt croissant des cardiologues pour élargir leur pratique quotidienne. L’analyse des déformations ne s’intéresse plus exclusivement au ventricule gauche mais aussi à l’oreillette et au ventricule droits, et l’ETO 3D frappe à la porte…
Fonction diastolique VG
La fonction diastolique sous l’angle de l’échocardiographie a bénéficié de quelques présentations.
À partir de l’observation de 36 419 échocardiographies (moyenne d’âge des patients de 58 ans) et avec un suivi de 10 ans, 34,9 % des patients avaient un profil normal, 59,8 % avaient un trouble de la relaxation VG, 4,8 % un profil pseudo-normal et 0,35 % un profil restrictif. Dans le groupe profil normal, la mortalité toutes causes confondues était de 3,6 versus 26,8 % dans le groupe restrictif.
Ainsi, 368 patients ont été investigués à l’occasion d’un IDM aigu. La durée moyenne de suivi était de 13 mois au cours desquels sont survenus 20 décès et 8 insuffisances cardiaques. Après analyse multivariée, l’addition d’une onde S’ < 6,5 cm/s à un ratio E/E’ > 13,1 cm/s aggravait significativement le pronostic (x2 passe de 10,7 à 14,4, p = 0,05).
Ce sont 22 patients présentant une insuffisance cardiaque (n = 14), une maladie valvulaire (n = 6) ou une hypertension pulmonaire (n = 2) qui ont été explorés à l’effort. À l’exercice, la corrélation avec les mesures invasives était moins bonne qu’au repos (r = 0,64 vs r = 0,72).
Fonction systolique VG
La population étudiée comprenait 53 patients avec antécédents d’IDM. Le SLG était corrélé de manière linéaire avec la FEVG en IRM de manière similaire à la FEVG en 3D :
- en présence d’anomalies segmentaires ≤ 5 segments, la FEVG 3D était mieux corrélée à l’IRM que le SLG ;
- en cas d’anomalie de > 5 segments myocardiques, le SLG était meilleur que la FEVG en 3D.
Les résultats montrent que les patients ayant une FA paroxystique et une fraction d’éjection VG (FEVG) normale présentent des anomalies modérées de la déformation myocardique systolique dans sa composante longitudinale (strain longitudinal) (-17,7 versus -21,6 % chez les témoins, appariés au sexe et à l’âge) et circonférentielle (-16,0 versus -20,8 % chez les témoins). À l’inverse, le strain radial n’était pas différent chez les témoins. À 6 mois, après isolation par radiofréquence des veines pulmonaires (ablation), les anomalies longitudinales s’étaient corrigées, les anomalies circonférentielles s’étaient partiellement, mais significativement, améliorées.
En présence de sténoses coronaires ne réduisant le flux qu’en situation d’hyperhémie (sans limitation du flux au repos), il est possible de détecter une diminution du strain longitudinal et circonférentiel alors que le strain radial et le score visuel (wall motion score) restent normaux, au niveau des couches sous-endocardiques en l’absence de dégradation de la déformation dans les couches sous-épicardiques (figure 1).
N. Mansencal (Hôpital Ambroise Paré, France, abstract 2573) a étudié l’utilité de l’analyse en strain bidimensionnel (speckle tracking) dans le syndrome de Tako-Tsubo. Le mécanisme physiopathologique de cette cardiomyopathie induite par le stress, qui se présente comme un IDM, n’est pas encore parfaitement élucidé. Le profil des vecteurs segmentaires (Vector Velocity Imaging, VVI) (vélocités, strain, strain rate) des patients ayant un Tako-Tsubo (n = 12) a été comparé à celui des patients ayant une maladie coronaire (n = 12) et aux sujets sains (n = 12). En cas de Tako-Tsubo, les valeurs moyennes de vélocités, strain et strain rate étaient réduites au niveau des segments médian et apical du septum (p < 0,05) en comparaison aux témoins mais pas en comparaison avec le groupe maladie coronaire. La différence entre le groupe Tako-Tsubo et maladie coronaire apparaissait sur le segment basal du septum. Dans le groupe maladie coronaire, les vélocités du segment basal du septum étaient significativement plus élevées qu’au niveau du segment basal de la paroi libre du VG et les vélocités septo-apicales étaient plus faibles que les vélocités au niveau latéro-apical (figure 2).
Figure 1. Exemple d’analyse du strain circonférentiel sous dobutamine (1) en l’absence de sténose coronaire, (2) en présence d’une sténose coronaire ne limitant pas le flux au repos et (3) en présence d’une sténose coronaire sévère, limitant le flux de l’IVA au repos. Il est possible d’étudier le strain sous-endocardique (courbe jaune) et le strain sous-épicardique (courbe marron). (1) En l’absence de sténose ; différence entre couches sous-endo et sous-épi ; (2) sténose modérée : réduction du strain sous-endo uniquement ; (3) sténose serrée réduction du strain sous-endo et sous-épi en présence de sténose coronaire serrée.
Figure 2. Courbes de strain radial en 2D strain avec la technique VVI (vector velocity imaging).
Asynchronisme
L’amélioration était définie par une amélioration de la classe NYHA ≥ 1 et l’absence d’hospitalisation pour décompensation cardiaque ; 21 patients (72 %) étaient répondeurs à 6 mois de l’implantation, cliniquement et échocardiographiquement avec une réduction des volumes ventriculaires (volume télédiastolique passé (VTD) de 140 ml à 123 ml, volume télésystolique (VTS) passé de 99 à 75 ml) et une amélioration de la FEVG (de 29 à 42 %). Les non-répondeurs n’amélioraient pas ces paramètres et avaient une dilatation VG avant resynchronisation, plus importante que les répondeurs. Les analyses statistiques retrouvent des valeurs cut-off avec un VTD VG ≤ 186 ml ou un VTS VG ≤ 138 ml pour identifier les répondeurs avec une sensibilité de 91 % et une spécificité de 75 %. Seuls deux non-répondeurs avaient un VTD VG < 200 ml.
Au total, 60 patients ont été étudiés en écho, avant et 48 h après resynchronisation biventriculaire ; 4 (7 %) des patients ont été exclus pour qualité d’image insuffisante ou artefacts. Les courbes ROC révélaient une valeur cut-off pour l’index d’asynchronisme ≥ 5,6 %, conduisant à une sensibilité de 88 % et à une spécificité de 86 % pour prédire le remodelage inverse aigu juste après resynchronisation. Par ailleurs, l’écho 3D permettait d’étudier les variations de volumes et de FEVG chez les patients avant et après resynchronisation (figure 3).
Figure 3. Analyse du degré d’asynchronisme entre les courbes de variations de volume segmentaire du VG en échographie 3D.
Ce sont 152 patients qui ont été investigués avant resynchronisation et 6 mois après la procédure. La différence maximale entre les pics de strain dans ses 3 composantes (radiale, circonférentielle et longitudinale) des différentes parois a été quantifiée. Les patients avec une réduction ≥ 15 % du VTS VG étaient considérés comme répondeurs. À 6 mois après resynchronisation, 56 % des patients étaient répondeurs. Comparés aux non-répondeurs, les répondeurs à la resynchronisation avaient des délais ventriculaires plus importants quand ils étaient analysés en strain radial (212 vs 127 ms) alors que la différence n’était pas significative entre les deux groupes avec le strain circonférentiel et avec le strain longitudinal. La valeur optimale cut-off de délai maximal entre les pics de strain radial pour identifier les répondeurs était de ≥ 130 ms (sensibilité 83 % et spécificité 71 %) (figure 4).
Figure 4. Analyse de l’asynchronisme radial en strain bidimensionel (à partir de l’acquisition d’une boucle 2D noir et blanc en incidence parasternale petit axe). On observe un asynchronisme radial > 130 ms entre les pics des parois septales et des parois latérales.
Ventricule droit
Les volumes télédiastolique et télésystolique ainsi que la fraction d’éjection VD ont été obtenus par chaque modalité. L’analyse était faisable chez tous les patients. Le scanner avait tendance à surestimer les volumes VD alors que l’écho 3D les sous-estimait par rapport à l’IRM. Le scanner comme l’échographie 3D sous-estimaient la FEVD comparativement à l’IRM (figure 5).
Figure 5. Analyse 3D de la fonction systolique et des volumes du ventricule droit en échocardiographie.
L’endurance était responsable d’une dilatation VD associée à une augmentation de la fonction systolique et diastolique de celui-ci. À l’inverse, les efforts isométriques soutenus n’affectaient pas le VD.
Le pic systolique de strain global obtenu en strain 2D était significativement diminué en cas d’IDM (-18,8 ± 5 vs -25 ± 4 % chez les sujets sains) alors que la surface de raccourcissement VD ne permettait d’individualiser suffisamment les deux groupes (48 ± 11 % vs 52 ± 6 %, p = NS).
Il en ressort que la fonction VD comme la fonction VG ont une influence sur le niveau de capacité fonctionnelle et que, pour un même niveau de dysfonction VG, en cas de MCD, la dysfonction VD surajoutée diminue nettement la capacité fonctionnelle.
Oreillettes
Comme les mesures 2D des volumes auriculaires gauches sont systématiquement sous-estimées, une équipe japonaise (Miyasaka Y, Université d’Osaka, abstract 1576) a comparé les volumes en écho 3D temps-réel de l’OG au scanner 64 barrettes chez 57 patients.
Les volumes étaient de 52 ± 12 ml en scanner et 48 ± 12 ml en écho 3D. La corrélation était bonne (r = 0,94, p < 0,0001). Le 3D sous-estimait les mesures de 8 %. Pour le 2D, la corrélation avec le scanner était moins bonne (r = 0,86, p < 0,0001) et sous-estimait les volumes de 19 %.
Figure 6. Quantification des volumes de l’OG en échocardiographie 3D.
Concernant la forme et la taille, le 3D donnait des images de l’OG et de l’auricule chez tous les patients. La corrélation avec l’IRM était très bonne (r = 0,95, p < 0,01).
Une équipe de l’université de Pittsburg (Rajagopalan N, abstract 1578) a montré chez 42 patients que le pic de vélocité A’ en DTI à l’anneau tricuspide est bien corrélé aux mesures invasives de la POD. D’après leurs résultats, un pic de A’ < 11 cm/s est prédictif d’une élévation de la POD ≥ 10 mmHg avec une sensibilité de 80 % et une spécificité de 81 % (VPP = 71 % et VPN = 88 %).
En cas de maintenance du rythme sinusal à 1 mois après cardioversion, l’asynchronisme atrial était réduit avec amélioration du strain radial, des volumes auriculaires et diminution du BNP. L’extension de l’asynchronisme auriculaire avant cardioversion était capable de prédire le maintien du rythme sinusal à 1 mois.
Valvulopathies
Le premier s’est intéressé à la qualité de l’image de l’ETO 3D dans l’évaluation de la géométrie de la valve mitrale (Sugeng L, abstract 3182) (figure 7). Dix patients ont été étudiés dans le but de bien visualiser les différents segments des valves et les commissures. Il n’y avait pas de différence en termes d’évaluation entre le 3D ETO et le 3D ETT. L’ETO 3D donnait des valeurs de variabilités inter- et intraobservateur significativement plus basses.
Figure 7. Analyse en ETO 3D de la géométrie de la valve mitrale.
Le second travail a étudié les prothèses en ETO 3D (Shaman SK, Boston, Lang R, Chicago, abstract 1868) ; 55 patients ont été investigués : prothèses biologiques mitrales (n = 5), prothèses mécaniques mitrales (n = 16), annuloplastie mitrale (n = 15), prothèses biologiques aortiques (n = 5) et prothèses mécaniques aortiques (n = 16), prothèses biologiques tricuspides (n = 4). Les anneaux étaient bien visualisés en ETO 2D et en ETO 3D. Les éléments des prothèses mécaniques mitrales et des plasties mitrales étaient bien visualisés par les deux approches. En revanche, les prothèses aortiques et tricuspides ainsi que les struts étaient mal visualisés. Cependant, l’ETO 3D pourrait devenir la technique de choix dans l’évaluation des prothèses valvulaires.
Les différentes composantes de déformation (longitudinale, circonférentielle et radiale) ont été mesurées au repos. Malgré une FEVG normale, les patients ayant un RA serré avaient un strain longitudinal global plus bas que les sujets témoins sains (-17 vs -21 %, p < 0,001) d’autant plus prononcé au niveau des segments basaux (-12 vs -18 %, p < 0,001), mais il n’y avait pas de différences en termes de strain circonférentiel ou radial. Avec des valeurs cut-off de -18 ± 3 % et -13 %, le SLG et le strain longitudinal basal permettaient de prédire une réponse inadéquate à l’exercice avec une sensibilité et une spécificité de 69 % et 75 (AUC 0,71) et 77 % et 83 % (AUC 0,80), respectivement (figure 8). Le strain longitudinal basal était corrélé au niveau de BNP (r = 0,45, p < 0,05). Chez les patients porteurs d’un RA serré asymptomatique, l’altération de la fonction longitudinale appréciée an 2D strain est associée à une réponse anormale à l’exercice et au niveau de BNP.
Figure 8. Exemples de courbes de strain longitudinal chez un témoin sain (A) et chez 2 patients ayant un RA serré (B et C) sans altération de la fonction systolique VG. En (B), le strain longitudinal global (SLG) et le strain longitudinal basal (SLB) sont légèrement diminués par rapport au témoin en (C) il existe une altération importante du SLG et du SLB (< 13 %) conférant au patient un risque d’événements cardiaques plus important.
Au total, 25 patients ont été investigués avant chirurgie, à 1 semaine et 6 mois. Avant chirurgie, le strain longitudinal était diminué à -17,1 %, le strain radial était de 49,8 % et le strain circonférentiel diminué à -16,7 % en moyenne. À 6 mois, la masse VG était réduite significativement, la FEVG n’avait pas changé. À 6 mois, le strain longitudinal était augmenté de 11 % (-19,8 %) par rapport à la précédente évaluation, le strain radial de 26 % (56 %) et le strain circonférentiel de 25 % (-19,7 %).
Échocardiographie de stress
Chez les patients dyspnéiques, la fréquence de l’ischémie était moins fréquente que chez les patients ayant un angor typique (19 vs 25 %, p < 0,001) et similaire à celle des patients asymptomatiques (17 %). Au cours d’un suivi de 5,5 ans en moyenne, 40 % des patients sont décédés, 15 % ont fait un événement cardiaque. En analyse multivariée, le risque de décès de toutes causes était augmenté chez les patients présentant une dyspnée (hazard ratio = 1,17, p < 0,001) alors qu’il n’y avait pas d’association entre la dyspnée et la survenue d’événements cardiaques. Le pronostic défavorable n’était donc pas lié à l’ischémie myocardique.
Échographie interventionnelle
L’équipe de R. Lang (Université de Chicago, abstract 1865) a étudié la faisabilité l’ETO 3D pour guider la fermeture des défects atriaux par un occluder en comparaison à l’échographie intracardiaque et à l’ETO 2D. La taille du défect atrial et du ballon a également été comparée entre les différentes techniques ; 8 patients ont été investigués pour communication interauriculaire de type ostium secundum. La fermeture s’est effectuée parfaitement et sans complication chez tous les patients. L’ETO 3D temps-réel était faisable et a permis d’obtenir une haute qualité d’image autorisant des mesures. La taille du défect atrial différait de > 1 mm de l’ETO 2D et l’écho intracardiaque chez 2 et 3 patients, respectivement, pour le grand axe et 3 et 4 patients pour l’incidence petit axe. La taille du ballon était de 25,5 en ETO 3D et 24,7 en échographie intracardiaque. Enfin, l’ETO 3D temps-réel a l’avantage d’améliorer la possibilité, en comparaison à l’ETO 2D et à l’écho intra-cardiaque, de visualiser les vraies vues « en-face », par lesquelles des mesures précises des dimensions du défect septal atrial peuvent être faites pour la sélection de l’occluder.
De façon similaire, l’équipe de MH. Picard (Boston, abstract 1873) s’est intéressée à la fermeture des défects septaux atriaux sous contrôle de l’ETO 3D chez 5 patients avec les mêmes conclusions.
Contraste
L’université de Londres (Monaghan M, abstract 2686) a montré, sur une série de 46 patients qu’il est possible d’évaluer la perfusion myocardique en échocardiographie de contraste 3D temps-réel en utilisant de faibles index mécaniques (figure 9). En analyse 2D, le wall motion score et la perfusion myocardique ont pu être appréciés au niveau de 98,6 et 98 % des segments myocardiques, respectivement, contre 96,2 et 95,2 % en analyse 3D. L’avenir est à la localisation précise des défects de perfusion myocardique et à la quantification des volumes.
Figure 9. Opacification de la cavité myocardique en échographie de contraste (A) et analyse de la perfusion myocardique (B).
Conclusion
Bien que moins denses que les années précédentes, les sessions d’échocardiographie, en s’appuyant principalement sur la validation des nouvelles techniques comme l’analyse des déformations, le 3D/4D en ETT ou ETO, continuent l’exploration des pathologies cardiaques avec plus de précision et de fiabilité, et de réelles applications cliniques à intégrer pour la prise en charge des patients.
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