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HTA

Publié le 26 mai 2009Lecture 9 min

L'HTA masquée

B. VAISSE, CHU de la Timone, Marseille

L’hypertension artérielle (HTA) touche plus de 10 millions de patients en France et génère une prescription médicamenteuse de l’ordre de 5 milliards d’euros/an. L’HTA est en France le premier motif de consultation en médecine générale (14 % des consultations).
Chez les patients soignés pour une HTA, l’utilisation d’appareils électroniques de mesure de la PA a contribué au développement de l’automesure à domicile. Les récentes recommandations pour la prise en charge de l’HTA de la Haute Autorité de Santé publiées en 2005 indiquent la possibilité d’utiliser l’automesure de la PA (AMT) pour confirmer le diagnostic d’HTA. Ce recours à l’automesure peut aider à la prise en charge des hypertendus aussi bien au niveau diagnostique que thérapeutique, selon l’ESH 2007. Les récentes recommandations de l’AHA vont même jusqu’à recommander la pratique et le remboursement de l’automesure tensionnelle chez le patient hypertendu aux états-Unis.

Définition de l'HTA masquée L’utilisation de plus en plus fréquente de la mesure automatique de la PA (automesure tensionnelle et/ou mesure ambulatoire de PA : MAPA) aux côtés de la mesure conventionnelle de la PA réalisée en consultation a permis de définir quatre groupes de patients, selon Pickering : - les patients normotendus par les deux méthodes appelés « vrais normotendus » ; - les patients hypertendus par les deux méthodes : les « vrais hypertendus » ; - les patients hypertendus à la consultation et en mesure automatique « hypertendus blouse blanche » ; - les patients normotendus à la consultation et hypertendus en mesure automatique « hypertension masquée ou hypertension ambulatoire isolée » (figure 1). Dans ces quatre groupes, la PA normale de consultation est < 140 et 90 mmHg, la normale de la PA automatique (AMT ou PA ambulatoire moyenne du jour) est < 135 et 85 mmHg. Il faut savoir qu’il peut exister une différence dans l’appréciation de l’HTA masquée selon qu’on utilise l’automesure, la MAPA ou les deux ! Stergiou, dans une étude portant sur 438 sujets hypertendus, a retrouvé un pourcentage similaire mais non identique d’hypertension masquée détectée par MAPA (14 %) et par automesure (11 %). Une divergence dans le diagnostic d’hypertension masquée entre pression ambulatoire et automesure était observée chez 23 % des sujets pour la pression systolique et 30 % pour la pression diastolique. Fréquence de l’HTA masquée Si la fréquence de l’HTA blouse blanche est bien connue du milieu médical (estimée entre 15 et 30 % des hypertendus), celle de l’HTA masquée l’est moins, car plus récemment décrite. Elle varie selon les études entre 10 et 30 %, en fonction des populations étudiées. Selon l’étude française SHEAF, 11 % des 5 000 hypertendus traités français âgés de plus de 60 ans avaient une HTA masquée. Selon l’étude FLASH 2005, la prévalence de l’HTA masquée dans la population française semble augmenter régulièrement entre 35 et 75 ans, de 11 à 31 %. Cette augmentation avec l’âge n’est pas retrouvée dans les études italiennes HARVEST et PAMELA. Dans une population japonaise non sélectionnée, la prévalence de l’hypertension masquée est de 23 %. Récemment, dans une étude espagnole portant sur 12 897 patients hypertendus, la prévalence de l’hypertension masquée a été évaluée à 5,4 % des cas alors que celle de l’hypertension blouse blanche était de 33,4 %. L’influence de la sieste a été discutée comme un des facteurs possibles de cette faible prévalence de l’HTA masquée dans cette large cohorte espagnole. Dans la récente métaanalyse de Verbeck la prévalence de l’hypertension masquée est estimé à 16,8 % (intervalle de confiance 95 % : 13 – 20, 5 %), elle est de 7 % chez l’enfant et de 19 % chez l’adulte ; elle varie peu selon qu’elle est déterminée par l’automesure tensionnelle ou par la mesure ambulatoire (21,1 % vs 16,8 % p : 0,42). Ainsi deux sujets adultes hypertendus sur 10 contrôlés en consultation pourraient être des hypertendus non contrôlés dans leur vie habituelle ! Gravité de l’HTA masquée La gravité et le pronostic des HTA masquées ont été évalués dans plusieurs études. Dans l’étude SHEAF, les sujets porteurs d’une hypertension masquée avaient plus d’antécédents personnels de pathologie coronarienne ou d’AVC que les patients ayant une HTA contrôlée ; ils étaient ainsi très proches des hypertendus traités non contrôlés. En 1999, Sega a été le premier à montrer une augmentation de l’indice de masse ventriculaire gauche et de l’épaisseur intima-média chez les hypertendus porteurs d’une hypertension masquée. On retrouve cette augmentation de la masse ventriculaire gauche dans l’étude suédoise de Björkund et dans l’étude américaine de Liu portant sur 295 patients étudiés par MAPA. Hara a publié les derniers résultats de l’étude d’Ohasama : il a étudié l’athérosclérose carotidienne mesurée par l’épaisseur intima-média chez les patients porteurs d’une hypertension masquée (mesurée par automesure) de la population d’Ohasama. Les patients porteurs d’une hypertension masquée et d’une hypertension permanente ont une augmentation de leur épaisseur intima-média significativement plus importante que les patients porteurs d’une hypertension blouse blanche ou des sujets normotendus (figure 2). Figure 2. Épaisseur intima-média (EIM) dans la population d’Ohasama : SNBP normotendus, WCHT : hypertendus blouse blanche, MHT : hypertendus masqués, SHT : hypertendus permanents. Il existe une différence significative (p < 0,05) entre les hypertendus masqués et les hypertendus permanents comparés au normotendus et aux hypertendus blouse blanche. Une étude récente de Kotsis a porté sur 1 535 patients hypertendus non traités : la fréquence de l’effet blouse blanche a été de 17,9 % et celle de l’hypertension masquée de 14,5 %. Les patients porteurs d’une hypertension masquée avaient une masse ventriculaire gauche et une épaisseur intima-média significativement plus importantes que les sujets normotendus. Au total, on peut donc penser actuellement qu’un sujet porteur d’une HTA masquée a un retentissement viscéral de son HTA. Ce retentissement est proche de celui d’un hypertendu traité, non contrôlé. Pronostic d’une HTA masquée Dans l’étude française SHEAF portant sur 5 000 hypertendus âgés de 70 ans, les 462 sujets hypertendus traités porteurs d’une hypertension masquée avaient un risque d’événements cardiovasculaires multiplié par 2 (risque relatif [RR] = 2,06), proche des hypertendus non contrôlés (RR : 1,96 ), alors que le risque relatif des hypertendus blouse blanche n’étaient pas significativement différent de celui des normotendus contrôlés (RR : 1,18 ) (figure 3). Figure 3. Risque d’événements cardiovasculaires. L’étude suédoise de Björkund a porté sur une cohorte de 684 hommes âgés de plus de 70 ans non traités. Le taux d’incidence des événements cardiovasculaires était de 0,99 chez les normotendus, de 2,74 chez les hypertendus masqués et 3,14 chez les hypertendus vrais. Dans cette étude, l’HTA masquée demeure un facteur de risque vasculaire prédictif significatif (RR : 2,77). Dans une population générale d’une petite ville du Japon, Ohasama, 1 332 sujets ont été suivis (en pression de consultation et MAPA). Les hypertendus masqués (17 %) présentaient un risque relatif d’événements cardiovasculaires multiplié par 2,13. Le risque était de 2,26 pour les hypertendus non contrôlés et 1,28 pour les hypertendus blouse blanche. Plus récemment, l’étude italienne PAMELA retrouve des résultats similaires dans une population de 2 025 sujets âgés de 25 à 74 ans, représentatifs de la population générale de la ville de Monza. Ces patients ont été suivis par mesure de consultation, automesure et pression ambulatoire pendant 11 ans. Les hypertendus masqués, détectés soit par automesure, soit par MAPA, soit par les deux, présentaient également un risque relatif accru de mortalité cardiovasculaire comparativement aux sujets normotendus de référence. Toutes ces études comportent des limites : études de cohorte, populations relativement restreintes, rôle possible du traitement et d’autres facteurs confondants. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’elles sont toutes concordantes et démontrent le caractère pronostique péjoratif de l’HTA masquée. Quels sont les facteurs prédictifs de l’HTA masquée ? Âge. Le rôle de l’âge est difficile à préciser du fait de résultats contradictoires. La plus faible prévalence d’HTA masquée (8 %) a été mise en évidence chez les enfants de 6 à 18 ans. l’étude FLASH 2004, réalisée sur un échantillon représentatif de la population française, a montré une augmentation régulière de la prévalence de 35 à 75 ans de 11 à 31 %. À l’inverse, dans l’étude HARVEST qui porte sur 871 jeunes adultes hypertendus non traités âgés de 33 ans, la prévalence est de 28 % et l’analyse de l’étude PAMELA réalisée chez 2 051 sujets met en évidence une diminution régulière de la prévalence de 25 à 74 ans de 48 à 6 % pour la systolique et de 22 à 8 % pour la diastolique. D’autres études réalisées chez des sujets âgés retrouvent une prévalence faible, voisine de 10 %. Sexe. Deux études ont constaté une plus grande fréquence d’hommes parmi les HTA masquées, d’autres une plus grande fréquence de femmes et la majorité des études n’a pas constaté de différence. Facteurs de risque cardiovasculaire. Les études sur l’HTA masquée les ayant colligé sont assez concordantes, les sujets ayant une HTA masquée ont des facteurs de risque et des antécédents cardiovasculaires plus proches des hypertendus que des normotendus ou des sujets ayant une hypertension blouse blanche. Ils ont volontiers un indice de masse corporelle (IMC) plus élevé, voire une obésité, sont plus souvent consommateurs de tabac et d’alcool, ont plus souvent des dyslipidémies et des glycémies élevées. Obara et Okhubo dans une étude japonaise transversale (J Home study) réalisée chez 3 400 hypertendus traités (66 ans, 45 % d’hommes) a identifié 23 % d’HTA masquée. En analyse multivariée, les facteurs prédictifs d’HTA masquée sont un IMC > 25 kg/m2, une PA systolique de consultation > 130 mmHg, une consommation habituelle d’alcool, et un nombre de classes d’antihypertenseurs > 2. La fréquence de l’HTA masquée augmente de façon linéaire avec l’augmentation du nombre de ces facteurs, laissant penser que l’identification de 3 ou 4 de ces facteurs permettrait de suspecter une HTA masquée. Dans l’étude prospective française SHEAF réalisée chez près de 5 000 hypertendus traités (70 ans, 49 % d’hommes), cinq variables identifient le profil de l’HTA masquée : le sexe masculin, les antécédents d’AVC, l’ancienneté de l’hypertension, l’IMC, la pression systolique de consultation. Dans SHEAF, la pratique d’une automesure tensionnelle chez les patients dont la PAS casuelle est comprise entre 130 et 140 mmHg permet de dépister 84 % des HTA masquées. Il apparaît logique de proposer une AMT aux patients apparemment normotendus ou hypertendus contrôlés en consultation dont la PAS est supérieure à 130 mm Hg. Ainsi, un sujet a d’autant plus de risque de présenter une HTA masquée qu’il a plusieurs facteurs de risque, souvent un poids et une consommation de tabac et/ou d’alcool excessive associés à des troubles métaboliques et une PAS > 130 mmHg. Que faire en pratique ? Il est recommandé de suivre les propositions de l’HAS 2005 (encadré). L’AMT et la MAPA permettent de corriger les erreurs de diagnostic par excès (HTA blouse blanche) ou par défaut, plus rares (HTA masquée ou ambulatoire isolée). La valeur pronostique de l’AMT et de la MAPA apparaît supérieure à celle de la mesure effectuée au cabinet médical. Il est recommandé de mesurer la PA en dehors du cabinet médical par AMT tensionnelle ou par MAPA afin de s’assurer de la permanence de l’HTA et pour rechercher une « HTA blouse blanche ». La confirmation du diagnostic obtenue par ces mesures permet de débuter à bon escient un traitement antihypertenseur médicamenteux. - en cas de chiffres de PA compris entre 140-179/90-109 mmHg et en l’absence d’une atteinte des organes cibles, de diabète, d’antécédents cardio- ou cérébrovasculaires ou d’insuffisance rénale lors du bilan initial ; - chez le sujet âgé dont la variabilité tensionnelle est augmentée et chez qui la fréquence de l’effet blouse blanche est importante. Chez ces patients, la mesure de la PA en dehors du cabinet médical est recommandée, après s’être assuré de sa faisabilité. Dans les autres situations, les alternatives à la mesure de la PA au cabinet médical ont un intérêt en cas d’HTA résistante et dans l’évaluation thérapeutique. En pratique L’HTA masquée présente une fréquence non négligeable d’environ 20 % des hypertendus adultes. Elle s’associe à un risque accru ; elle donne lieu à une plus grande fréquence d’atteintes des organes cibles et de complications cardiovasculaires. Ses facteurs prédictifs demeurent encore assez peu précis. Les connaissances imparfaites du phénomène d’HTA masquée nous paraissent devoir justifier de le rechercher devant tout sujet à haut risque cardiovasculaire et/ou présentant une atteinte des organes cibles, notamment ceux présentant une PA de consultation supérieure à 130 mmHg. Nous ne disposons pas à ce jour d’études épidémiologiques démontrant l’efficacité d’une meilleure prise en charge pharmacologique de ce type d’HTA. Néanmoins, le bon sens justifie une prise en charge plus rigoureuse de ces patients au niveau des facteurs de risques comme au niveau de l’ajustement thérapeutique. Il est logique chez ces sujets porteurs d’une HTA masquée de normaliser la PA obtenue par AMT ou MAPA.

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